❝Each meeting occurs at the precise moment for which it was meant. Usually, when it will have the greatest impact on our lives. ❞

Chance ou fatalité ? w. Aaron D.

Abigaïl était assise sur une branche d'arbre, silencieuse dans l'espoir de n'alerter aucune Harpie, ni aucun autre monstre qui rôderait dans la forêt. Elle commençait à s'habituer à ces virées nocturnes, pendant lesquels elle se plaignait aux astres. Quand elle était jeune, sa mère, pour cacher l'identité de son géniteur, lui conseillait de faire appel aux étoiles et à la Lune, expliquant à l'enfant avide de réponses qu'il y avait été appelé un jour. Bien que le satellite ne lui ait jamais répondu et qu'Abi enfant pensait son père mort, elle développa cet amour pour l'espace et les planètes, devenant par la suite une « astronome en herbe », comme l'appelait sa grand-mère. Le ciel étoilé était peut être le seul tableau qui lui était familier ici bas.

Un bruit se fit entendre, et elle se figea. Quelque chose arrivait à vive allure, entre les feuilles. Elle se recroquevilla par réflexe, amenant ses jambes près de sa poitrine, pour se dissimuler un maximum. Elle regarda avec curiosité et un peu d'appréhension une chose informe descendre les bois, et arrêter sa course un peu plus bas. L'arbre cogné provoqua un bruit sourd, et fut quelque peu secoué, réveillant les oiseaux qui s'envolèrent, paniqués par le grabuge. Abi descendit doucement de l'arbre, et avec toute la délicatesse qu'elle put, marcha par petits pas. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait, elle reconnut la forme d'un homme. Torse nu.

Elle aurait bien rit s'il n'était pas si tard, et si la nuit n'était pas si noire. Pour qui se prenait-il, à se balader la nuit, torse nu par dessous tout ? C'est lorsqu'Aaron essaya de se relever qu'elle le reconnut. Elle se glaça sur place, et se sentit d'un coup nerveuse. La pensionnaire l'examina, toujours de loin. Il avait réussit à s'asseoir, adossé contre l'arbre, mais à en juger par sa mine, il était encore sonné. Elle s'approcha, et à chaque pas, ses joues prenaient de la couleur. La Sang-Mêlée espérait toutefois que, étant peu éclairée, son teint n'était pas visible.

Il ne suffit qu'un jet de lumière de la Lune pour qu'elle puisse voir son mollet ensanglanté. Soudainement inquiète, elle s'avança, oubliant courage et timidité pour lui venir en aide. Accroupie à côté de lui, elle posa une main sur son épaule.

- Est-ce que tout va bien ?

Son timbre de voix tremblait légèrement, mais elle s'efforçait de sonner aussi amicale que possible. Son mollet avait l'air en mauvais état. Il s'était vraisemblablement écorché, et le fait de rouler bouler dans une forêt avait ouvert un peu plus profondément la plaie, et surtout, l'avait salie. Elle reconnut même un peu de mousse, elle en déduit donc qu'il s'était blessé à cause d'un rocher. Il fallait nettoyer ça au plus vite, ou l'infection se propagerait. Un peu de nectar et l'affaire serait réglée.

Sauf qu'Abi n'avait ni nectar, ni eau, ni désinfectant. Réalisant qu'elle avait toujours sa main posé sur son épaule nue, elle la retira vivement. Elle le regarda reprendre ses esprits, et tout en se concentrant sur son mollet, la Demi-Déesse dit, un peu alarmée.

- Il faudrait mieux t'emmener à l'infirmerie...

Une nouvelle fois, Aaron était blessé en sa compagnie. La jeune fille commença à penser que le seul moyen de l'approcher était donc de se débrouiller pour qu'il lui arrive les pires galères possibles.

❝Each meeting occurs at the precise moment for which it was meant. Usually, when it will have the greatest impact on our lives. ❞

Chance ou fatalité ? ft. Aaron D.

Abigaïl restait sans voix devant le comportement d'Aaron. Elle était blessée par son rejet, mais il ne pouvait pas comprendre quel chagrin il pouvait créer en elle en simplement quelques mots. Il ne connaissait pas les sentiments timides qu'elle gardait précieusement, un amour silencieux qui attendait patiemment son tour d'être révélé, en vain. Sa confiance en elle chuta d'un coup, la laissant perdue un moment. Sa rage dans sa voix… Il était bien un digne fils d'Arès. Quoi qu'il puisse faire, le pauvre Sang-Mêlé était condamné à être ce fils. Voir celui qu'elle admirait pour sa force et sa volonté s'écraser à terre à chaque tentative de se relever lui fit beaucoup de peine. Abi ne souhaitait qu'une seule chose, c'était l'aider. Toutefois, c'était le genre de loup solitaire qui préférait recoudre lui même ses blessures plutôt que de demander de l'aide.

- D'accord ! D'accord, pas d'infirmerie, dit-elle doucement, dans l'espoir de le calmer un peu. Mais ne hurle pas, les Harpies pourraient nous entendre et là on aura de gros problèmes.

Elle s'approcha un peu de lui pour examiner sa blessure à nouveau. Sans surprises, la plaie faisait peine à voir. S'il continuait à se débattre, c'est bien sa jambe qu'il perdrait. Elle respira un bon coup, lui fit son sourire le plus sincère (qui ressemblait en réalité, à cause de sa nervosité, à un rictus timide), elle lui demanda de s'asseoir. Abi l'informa sur l'état de sa plaie et de ce qui pourrait arriver s'il ne se soignait pas, essayant du mieux qu'elle put de le convaincre d'aller à l'infirmerie. En jetant un nouveau coup d'œil, elle remarqua que la mousse arrachée à la pierre qui l'avait entaillé était violette.

Un vent de panique la prit en plein fouet. Sa voix se perdit dans sa gorge un instant. La fille de Dionysos connaissait cette plante, et elle était vénéneuse. Un coup d'œil autour d'elle et elle trouva les fleurs nécessaires à l'extraction du poison. Le seul bémol, c'est qu'elles étaient encore sous la forme de bourgeon.

- Oh, et puis merde. Siffla-t-elle, nerveuse. Ne. bouge. surtout. pas.

La jeune femme entoura de ses mains deux bourgeons, et se concentra. La plante mûrit, et on pouvait voir entre ses doigts les bourgeons éclore. Arrivées à maturité, les deux fleurs furent arrachées et elle se retourna vers Aaron, un peu indécise.

- Il faut absolument extraire le poison. Et j'ai ma technique mais… Tu ne vas pas apprécier…

Abigaïl se tenait devant lui, deux fleurs à la main, incertaine. Elle avait peur de sa réaction, peur qu'il s'énerve de nouveau, peur enfin qu'il ne l'accepte pas. Son pouvoir était lié à la folie, au poison… Et elle cachait ce don qui répugnait les autres pensionnaires. C'était pourtant la seule option.

❝Each meeting occurs at the precise moment for which it was meant. Usually, when it will have the greatest impact on our lives. ❞

Chance ou fatalité ? ft. Aaron D.

Elle fut quelque peut rassurée lorsqu'il accepta, mais la fin de sa phrase la fit sourire. Toute la tension était retombée soudainement, et elle ne put s'empêcher de laisser un petit rire mélodieux et doux sortir de ses lèvres, qui n'avait en aucun cas la vocation d'être blessant.

- Tu me remercie pour la dernière fois ? Tu sais, si tu t'es retrouvé dans cet état avec cette flèche dans ta jambe, c'était ma faute. Enfin, pas tout à fait, en fait, c'était cet Hermès qui m'avait fait une farce, du coup j'ai tiré de travers, parce qu'en fait, il…

Elle commençait à s’emmêler dans ses explications un peu confuses. Abi était un peu honteuse face à lui. Un entraînement de tir à l'arc, leur toute première rencontre, et sa toute première gaffe. Déjà maladroite en ce qui concerne les armes, l'idée de tenir un arc pendant tout le cours ne lui plaisait pas tellement. Wesley Lincoln, Hermès chapardeur et fourbe, avait eu la bonne idée de la faire passer au bizutage à ce moment précis. Et quand on tire une flèche sans entraînement… Ça finit toujours mal. Le pauvre Aaron qui était parti récupérer les flèches près de la cible était devenu cette cible. Bien sûr, elle avait essayé de se racheter en s'occupant de lui toute la nuit, en restant à son chevet, mais lui amener de l'ambroisie n'était pas vraiment un rachat adéquat. Oh, comme elle s'en voulait. Rien que le souvenir de cette maladresse lui fit monter le rouge aux joues.

- Bref, enfin, voilà. C'était ma faute. Tu ne me dois rien.

La Demi-Déesse prit une grande feuille de l'arbre le plus proche, et passa délicatement sa main sur elle pour la nettoyer. S'agenouillant près du mollet d'Aaron, elle la passa sur la plaie sans appuyer, pour ne pas lui faire de mal, et se débarrassa de la terre et des feuilles qui s'y étaient collés. Elle s'arrêta un instant, lui souriant.

- Fais moi confiance, s'il te plaît. Prononça t-elle, et son anxiété se faisait sentir dans sa voix.

Abi prit doucement sa jambe, et la tint droite. Elle posa ensuite les deux fleurs de telle sorte que les tiges de pollen rentrent directement en contact avec la plaie. Bien sûr, cela devait brûler un peu, mais pas de chance pour le jeune homme, ce qui suivrait n'allait pas être agréable non plus. Elle soupira, se concentra de nouveaux, et les pétales se mirent à luire d'une lueur violacée. Les deux fleurs commencèrent à prendre des couleurs, du bout des pétales à la tige, elles devinrent noire, pompant le poison de la blessure. Abi ferma les yeux de douleur. Le processus n'était guère amusant.

Le pouvoir de la fille de Dionysos était simple. Elle était capable de rendre les plantes venimeuses en leur transmettant ses mauvais souvenirs et ses sentiments les plus noirs. Ses adversaires, s'ils rentraient en contact avec ce venin, se remémoraient leurs pires cauchemars, et étaient tourmentés à en devenir fou tant que ce poison serait dans leurs veines. Mais le processus inverse était possible. Elle pouvait à son tour absorber un poison, mais il y avait un prix à payer. En effet, extraire cette substance revenait à vivre à son tour les cauchemars de la victime à sauver.

En absorbant grâce aux fleurs le poison d'Aaron, elle vécut soudain quelques bribes des cauchemars du jeune homme. Elle vit une femme, un appartement saccagé, un monstre. Puis le noir complet. La seconde fleur se mit à pomper le reste de la substance toxique, et elle vit un homme, grand, musclé, intimidant, dont le rire mauvais sonnait dans ses tympans. Arès. Une fois toute la toxine stockée dans la plante, elle retrouva la vue, et sentit quelques larmes couler de ses joues. Abi les essuya d'un revers de manche. Elle se releva en prenant soin de retirer les fleurs de la plaie, et resta légèrement hébétée un instant.

Il ne fallait pas qu'il sache ce qu'elle avait vu. Surtout pas. La jeune femme évita son regard pour la énième fois, prête à être jugée. Prête à être rejetée. Elle non plus n'aimait pas les railleries, les moqueries, tout ce qui l'avait meurtrie plus jeune venait du jugement des autres. Bien sûr, elle s'efforçait de ne pas écouter ce que disaient ceux qui perdaient leur temps à la blesser mais… Elle ne voulait que s'intégrer. Qu'être acceptée.

Allait-il l'accepter, maintenant qu'il avait découvert son pouvoir toxique, lui qui haïssait le poison ?

❝Each meeting occurs at the precise moment for which it was meant. Usually, when it will have the greatest impact on our lives. ❞

Chance ou fatalité ? w. Aaron D.

Lorsqu'il caressa ses cheveux, elle rougit, et sentit son cœur palpiter d'amour. Pour la première fois, elle plongea ses yeux dans les siens, et elle profita d'un instant qu'elle ne pensait jamais vivre avec lui, surtout pas dans de telles circonstances. La jeune femme vit alors d'énormes gouttes de sueur sur son visage. Elle prit délicatement la main d'Aaron et la posa sur sa propre joue, et vit à quel point il était brûlant. De sa main gauche qu'elle posa sur son front, elle se rendit compte de la gravité de la fièvre qui menaçait le jeune homme.

- Tu es fiévreux ! était la seule chose qu'elle trouvât à dire, bien qu'elle se doutait qu'il était forcément au courant de sa situation.

Elle l'aida à s'adosser contre l'arbre le plus proche, et jeta un coup d'oeil vif aux alentours. Cette forêt regorgeait de plantes, utiles à tous usages. Les Déméter, qui étaient peut être les plus accueillants des pensionnaires, l'avaient initiée à quelques secrets de guérison, ce qui l'avait grandement aidé, notamment lors des parties de Capture l'Étendard pendant lesquels elle arrivait à atténuer une douleur quelconque pour augmenter ses chances de faire gagner son équipe. Mais il fallait maintenant trouver les bonnes fleurs et feuilles. Ce qui n'était pas forcément facile dans le noir.

C'est alors qu'elle vit dans l'écorce d'un chêne un visage se dessiner. Une dryade apparut alors, sortant du tronc, visiblement mécontente. Elle avait dû été réveillée par la chute d'Aaron. Un peu d'espoir naquit dans le cœur d'Abi. Les nymphes étaient peut être connues pour être de vraies chipies têtues comme pas deux, mais elles pouvaient se montrer bienveillantes si la demande leur était faite convenablement. La Sang-Mêlée regarda Aaron un instant, puis s'approcha doucement de la créature pacifique, un sourire aux lèvres.

- Bon-bonsoir. On est désolés si on t'a réveillé, et on aurait pas dû, c'est vrai. Mais dis moi ma belle, tu ne sais pas où je pourrais trouver de quoi soigner une blessure ?

La dryade souleva un sourcil, l'air hautain mais toutefois satisfait, puis disparut dans son écorce. Abi savait que si elle ne revenait pas, elle devra chercher seule dans la forêt de quoi soigner le blessé, et ça allait prendre beaucoup de temps. Et que faire si elle tombait sur un des monstres qui rôdaient par ici ? Elle comptait vraiment sur la demoiselle. Après quelques minutes, ladite femme refit surface, portant une écorce taillé en bol remplit d'eau d'une main, et de l'autre, quelques plantes. Abigaïl soupira de soulagement. La remerciant du fond du cœur, elle la débarrassa des affaires qu'elle avait apporté. La nymphe disparut une nouvelle fois, laissant un bâillement faire écho entre les autres chênes de la forêt.

Elle posa à terre le bol, et fit tremper deux des feuilles du lot. C'était une sorte d'infusion, un peu comme un thé ayant de nombreuses propriétés médicinales. Elle laissa le récipient de côté, pour que la tisane repose un instant. La jeune femme écrasa une fleur dans sa paume, ainsi qu'une poignée de feuilles, et elle s’efforça autant qu'elle le put de mélanger les deux bouillies qui n'avaient pas l'air bien appétissants une fois homogénéisés. Elle laissait de temps à autre son regard valser entre ses mains et le visage d'Aaron pour l'ausculter. Une fois la crème complétée, elle prit une feuille de chêne, dans laquelle elle répartit la préparation.

Abi sourit à Aaron et posa l'énorme feuille en guise de pansement sur la plaie. Il n'avait plus qu'à boire l'infusion et se reposer.

❝Each meeting occurs at the precise moment for which it was meant. Usually, when it will have the greatest impact on our lives. ❞

Chance ou fatalité ? w. Aaron D.

Abigaïl ne pouvait s'empêcher de penser à quel point il était beau quand il riait. Son visage décontracté, et sans cet air sérieux, il n'avait plus du tout l'air d'un loup, au contraire. S'il souriait davantage, il aurait été le préféré de tous, c'était certain. Abi commençait tout juste à comprendre ce soucis de solitude qu'Aaron pensait nécessaire, et ce grâce aux révélations du poison. Quel dommage, pensait-elle, qu'il ait vécut tant de mésaventures.

Lorsqu'elle sentit une main entourer sa taille, elle se figea. Se sentant soudain nerveuse, elle le regarda alors qu'il la posait délicatement contre elle. Elle sentit une douce chaleur l'entourer, et il lui arracha quelques battements de cœur. La jeune femme écarquilla les yeux lorsqu'il déposa un baiser sur son front. Sa timidité prenait le contrôle et elle se contenta de murmurer un « pas de quoi » assez nerveux.

- Tu sais, c'est pas grand-chose. Et puis, c'est une dryade qui m'a tout ramené j'ai juste… Enfin si, la préparation, je l'ai faite, mais…

Perdue encore une fois par sa nervosité, elle ramena ses jambes contre sa poitrine, par automatisme. Regardant le sol, elle finit par dire quelques mots, une phrase honnête en soi.

- Bref. L'important maintenant, c'est que tu te sentes mieux.

Elle ne voyait que deux possibilités. Soit il était sincère et au final, très amical comme type, soit il savait ce que cachait son cœur et il jouait avec elle. Abigaïl avait déjà été dupée par quelques Australiens alors qu'elle vivait encore à Canberra. Elle se rappelait les beaux surfers qui lui faisaient tourner la tête, à lui promettre un amour qu'ils n'avaient évidemment pas pour elle. Ses yeux se remplirent de larmes à l'idée qu'il puisse être lui aussi un de ces hommes là sans considération pour l'amour, mais elle se ressaisit. Ce don du théâtre qui lui venait de son père lui avait servit à cacher toutes ses peines jusque là, et elle continuait à l'utiliser. Elle ne voulait pas paraître faible, pas devant lui. Elle sourit au fils d'Arès, et se pencha au dessus de lui pour lui mettre entre les mains la tisane qui avait maintenant reposé et était prête. Abi espérait que la tisane lui ferait redescendre la fièvre. Elle déposa une nouvelle fois mesurer sa température, sa paume contre son front, paume qu'elle retira rapidement, anxieuse à l'idée d'envahir son espace et de l'énerver une fois de plus.

- Bois ça, c'est un peu comme un thé… sauf le goût, c'est pas très bon, je t'avoue.

La jeune femme essayait au mieux de passer outre les petits papillons qui virevoltaient dans son ventre. Quelle soirée...

❝Each meeting occurs at the precise moment for which it was meant. Usually, when it will have the greatest impact on our lives. ❞

Chance ou fatalité ? w. Aaron D.

Elle ria légèrement lorsqu'elle vit l'expression d'Aaron. Effectivement, cette tisane était infâme. Abi elle même l'avait déjà bue et elle à l'époque, aurait peut être préféré souffrir plutôt que de boire ce thé. C'était le remède naturel le plus rapide que les Déméter aient inventés jusque là, et il fallait avouer que son efficacité s'était maintes fois avérée vrai. La jeune femme se sentait de plus en plus apaisée, presque confortable aux côtés de ce garçon. Elle avait maintes fois eut beaucoup d'appréhension, pensant qu'elle n'arriverait jamais à lui parler, ni même lui faire face plus de cinq minutes. Mais elle était bien là, assise à côté de lui.

Abigaïl devint rouge pivoine lorsqu'il déposa un léger baiser sur le coin de ses lèvres. Étrangement, elle ne l'aurait pas imaginé si doux. C'était trop précipité, trop soudain, elle qui n'osait même pas en rêver… Elle se mordit la lèvre, anxieuse. La peur montait en elle. Non, il était simplement fiévreux. Il délirait, c'était sûrement ça, il ne devait pas avoir toute sa tête et il ne savait pas ce qu'il faisait. Elle se consola tristement avec cette idée, qui ne lui plaisait pas. C'était pourtant ce qui lui semblait le plus logique en ce moment même.

Elle se leva, et fit quelques pas pour se calmer. La fille de Dionysos s'entoura de ses propres bras, regardant le ciel étoilé un instant, entre les feuilles de chêne qui dansaient au gré du vent. S'arrêtant un instant, Abi soupira. Elle ne savait pas ce qui lui avait prit de sortir ce soir. Elle ne le regettait pas, car si elle n'avait pas été là, il n'aurait pas cherché de l'aide et son état aurait été pire encore. Elle était pourtant partagée. Si elle n'était pas sortie, elle ne se serait pas posé autant de questions, et aurait peut être été plus sereine. Elle esquissa un sourire triste en le regardant, disant tout bas :

- Tu ne peux pas marcher dans cet état… Reposes toi, je surveille les alentours.

La Sang-Mêlée s'assit sur le rocher le plus proche, et vérifia que sa dague était toujours attachée à sa ceinture. C'était une petite dague de bronze céleste, légère, ornée de feuilles de vignes et de grappes de raisins. Elle était vraiment magnifique. Le seul souvenir du premier ami qu'elle eut à la Colonie, un Héphaïstos du nom de James qui disparut du jour au lendemain. L'arme lui avait sauvé la vie plusieurs fois déjà, et continuait à la servir sans jamais se briser.

Abi se laissa bercer par la douce mélodie de la forêt endormie.