Grace se rendait bien compte que ses amies finiraient évidement par lui remettre la main dessus. Cependant, la jeune femme avait besoin de prendre l’air. Bon, prendre l’air, elle le faisait en permanence, mais être seul, c’était plus rare quand on était Chasseresse. D’abord parce qu’elles se déplaçaient la plus part du temps en groupe. Sauf qu’aujourd’hui, on était Mercredi et Mercredi, c’était le jour de la liberté. Grace c’était changé à la hâte et était partit, son arme sur les épaules. Une des choses qu’elle aimait le plus chez elle, c’était ce fameux don, de pouvoir changer les détails de son anatomie. Si elle ne voulait pas être repérée, elle se devait de changer un minimum.  Elle fouilla dans sa sacoche en jean afin d’y trouver son petit miroir de poche. Ce geste pouvait paraitre complètement futile, mais Grace en avait toujours un sur sois. C’était un objet pratique, et pas que pour se maquiller. Elle regarda son propre reflet pendant quelque secondes, le temps de voir ses cheveux bruns devenir gris et frisés. Sa peau sembla se froisser et devenir encore plus pâle qu’elle ne l’était déjà et ses yeux… Finalement, Grace limita les dégâts. Elle paraissait déjà suffisamment âgée. Sa petite taille avait un avantage, sa nouvelle apparence faciale passerait plus inaperçus. Elle ramassa un bâton sur la route et se mit en marche.  Elle adorait ses moments là, quand elle pouvait marcher seule sur le bord de la route, ne penser à rien, ne pas être déranger par une de ses camarades qui lui demandait si elle voulait venir chasser avec elle. Elle quitta le chemin principal pour s’engager sur un nouveau petit passage, plus étroit que le précédent. Elle passa devant un arbre qui lui donna bien envie de grimper. Grace avait toujours aimé l’escalade. Elle haussa les épaules, personne ne la regardait, il n’y avait tout simplement personne.  Elle posa sa canne sur le tronc et commença sa petite expédition. Elle arriva au sommet peu de temps après et elle regretta presque de ne pas avoir emmené un de ses polars pour lire ici. Elle jeta un nouveau coup d’œil à miroir. Son propre visage la faisait rire. Elle avait l’air, si vieille ! Qui aurait cru qu’une jeune femme de dix neuf ans se cachait sous ses traits de personne âgé…  Évidement, elle n’en fut pas tranquille plus de deux minutes. Un oiseau vint se poser juste à ses côté se qui la fit sursauter.  Contrairement à la plus part des gens, Grace n’aimait pas les oiseaux. C’était beau ? Mes fesses oui, se disait-elle souvent  il y a bien plus beau sur cette terre. Les oiseaux, c’était chou, mais seulement en peinture. Elle le dévisagea, comme s’il l’oiseau lui avait balancé une remarque peu sympathique. Le volatile du comprendre ce que ressentait la jeune femme car il commença à lui picorer le bras.  

Barre toi sale piaf… Aller, barre toi !

Rien à faire il état coriace. Tellement coriace que Grace perdit son équilibre. Elle aurait pu se rattraper au branche, mais Grace ne fut pas assez rapide. Quand elle comprit qu’elle était en train de tomber, elle était déjà en bas. Quelque chose la brulait. Sa peau semblait en feu. Elle ouvrit les yeux et comprit aussitôt pourquoi. La chance avait fait que la jeune femme était tombée en plein dans le seul buisson d’ortie de la forêt. Et ce n’était pas tout, évidement. Un jeune homme, ou plutôt deux jeunes hommes, se tenaient là, sous ses yeux, juste devant elle. Au lieu d’imiter la voix de mamie qui venait de tomber de quelques mètres, Grace leur lança de sa voix la plus naturelle :

Heu… Salut. Vous m’aidez ?

Elle leur tendit son bras, se grattant la gorge au passage. Elle reprit d’un voix plus approprié à son visage.

S’il vous plait.

Les doigts serrés sur la poignée de son épée, Neal était accroupi derrière un gros buisson de ronces. Volt et lui avaient passé la matinée à pister un monstre à travers bois, suivant des traces toutes plus douteuses les unes que les autres et s'appuyant sur des témoignages de gens qui ne devaient même pas savoir de quoi il parlaient. Bref, autant dire que les deux sangs-mêlés étaient mal barrés dans leur mission du jour. Tout près d'eux, un oiseau jaillit d'un buisson dans un battement d'ailes affolé. Volt fit un tel bond qu'il ne put éviter Neal et les deux frères s'écroulèrent sur la terre humide des sous-bois. Et ils perdirent du temps. Encore.
C'est tout en se chamaillant qu'ils parcoururent le kilomètres suivants, faisant à peine attention à où ils mettaient les pieds. A ce rythme-là, ils ne retrouveraient pas le monstre avant la tombée de la nuit, tant est que le monstre en question existe bel et bien et ne soit pas que le fruit d'imaginaires un peu trop développés. Quand on voyait les deux vagabonds, on peinait à se dire qu'en fait, ils avaient les moyens, vraiment. A force de traînailler dans les pires endroits, ils avaient acquis une dégaine de... Disons qu'ils étaient dans un sale état. M'enfin, ils roulaient sur l'or car bon, ils trouvaient pas mal de trésors en exterminant les monstres, cyclopes et compagnie.

- T'as entendu ?

Alerté par le chuchotement soudain de son frère, Neal leva légèrement son épée et se baissa instinctivement. Et brusquement, l'ennemi fut là. Enfin l'ennemi... Disons que quelque chose tomba lourdement dans un buisson voisin et les deux fils de Déméter se tournèrent en même temps, arc et épée pointés vers la chose.

- Une vieille ? Sérieusement ? M'dis pas que c'est ça qu'on traque depuis ce matin ?

Le ton scandalisé de Volt arracha un sourire amusé à Neal. Nan, c'était pas une vieille qu'ils traquaient depuis ce matin puisque les témoignages évoquaient un truc très laid et peu sympathique. Toutefois, le jeune homme de dix-neuf ans ne put s'empêcher de lever les sourcils lorsque la grand-mère (qui grimpait aux arbres ?) parla avecune voix qui faisait tout sauf âgée. Alors il capta : peut-être que la Brume leur jouait des tours et qu'ils se faisaient avoir par une fausse apparence ? Si ça se trouvait, ils avaient sous les yeux une Harpie bien décidée à faire d'eux son repas... Alors Neal fit la première chose qui lui passait par la tête : il sauta dans les orties et tomba lourdement sur la vieille, pointant son épée sur sa gorge.

- On ne bouge plus ! Volt, corde !

Sauf que bon, le temps que Volt ne déniche la corde, Neal avait le temps de mourir dix fois. Si la vieille qui n'en était peut-être pas une ripostait, il serait mal barré, juché surelle comme il l'était. En y regardant de plus près d'ailleurs, il la trouvait assez bizarre, cette mamie. Il y avait un truc un peu dérangeant même s'il aurait été incapable de mettre le doigt dessus.

- T'es vraiment une Harpie, c'est ça ? Aller, arrête avec la Brume, on va te découper et te renvoyer au Tartare fissa.

Les mains brûlées par les orties, Neal poussa un petit cri de surprise lorsque la harpie sans plumes se redressa d'un coup. Pour couronner le tout, elle pointa son épée dans sa direction, l'empêchant clairement de se relever. Ok, pour le coup, Volt et lui avaient mal calculé leur coup. Le fils de Déméter se promit mentalement de ne plus s'attaquer à un monstre sans réfléchir et jeta un coup d’œil désespéré à son épée, trop loin pour qu'il l'attrape sans se faire découper en rondelles. Quand à la tronche de harpie... Honnêtement, Neal n'aurait pas trop su le dire ; il n'en croisait pas tous les matins.

- Ah bon ? Et on a affaire à qui ? Une innocente grand-mère armée d'une épée ?

Bon dieu, mais que fabriquait Volt et sa corde, là ? Neal coula un regard agacé à son frangin, lui signalant clairement que bon, s'il pouvait faire quelque chose, ça l'aiderait bien. Mais celui-ci se contenta de hausser les épaules ne montrant la vieille. La signification était claire : « Eh mec, j'peux rien faire si elle te découpe en morceaux ! » Pas d'aide à attendre de ce côté-là, donc. Pourtant, elle n'attaqua pas et se contenta de fuir... en se mangeant une branche en pleine poire. Réprimant un gloussement, Neal se redressa à la vitesse de l'éclair et tendit les bras en avant. Un petit tiraillement se fit ressentir au niveau de son nombril et du lierre se détacha de l'arbre le plus proche. Les tiges prirent bientôt plus de place et s'enroulèrent autour des chevilles de la demoiselle harpie. Et puisqu'il aimait bien se donner en spectacle, Neal ajouta un grand geste de la main vers l'arbre dont le lierre était originaire, finissant de saucissonner la fille au chêne. Techniquement, Neal n'avait pas besoin de tous ces gestes : sa pensée suffisait bien. Mais bon, un peu d'intimidation ne ferait pas de mal, hein ?

- Nous gagnons toujours.

Et voilà, une autre réplique digne d'un film d'action. Finalement, ils se ressemblaient peut-être plus que Neal ne l'admettrait jamais, la fille et lui. Mais il fallait avouer qu'avoir le style, c'était tout un art. Il s'approcha à grand pas de la vieille et s'agenouilla devant elle. Il nota alors un détail bizarre : sa peau rajeunissait.

- Non mais sérieusement, t'es quoi toi ?
- Pas une harpie.
- Nan, tu jures, Volt ? Tu vois des plumes toi ? Moi je ne vois qu'une fille.

Agacé par cette victoire qui n'en était plus une s'il ne pouvait pas dégommer l'ennemi, Neal ramassa sa vieille épée en bronze et piqua toutefois la gorge de leur prisonnière. Elle avait intérêt à parler, maintenant qu'elle ne risquait plus de le balancer dans les orties. A ce propos, il faudrait qu'il soigne ses mains après, les piqûres le brûlaient férocement.

- Parle. Donne-nous ton nom, ton âge, ta nature... D'où tu sors ? Demi-déesse ? Bizarre, je ne vois pas trop quel parent divin pourrait... Pour te manger une branche comme ça... Pff...

Neal releva un peu la pointe de son épée, exerçant une légère pression sur sa gorge. Il tenta aussi de cacher le tremblement de sa main : user de ses pouvoirs, c'était génial quand on voulait avoir son petit effet mais c'était aussi crevant. Et le lierre n'était pas franchement la plante la plus maniable qui soit.

Ce type avait l’air assez sûr de lui. Il devait faire partit des gens populaire de la colonie, qui n’avaient peur de rien et qui se donnaient assez souvent en spectacle. Un peu comme elle au fond… Mais Grace ne le faisait pas souvent. A la colonie, elle avait assez de demi-frère et de demi-sœur pour le faire à sa place. Les enfants d’Aphrodite étaient assez réputé pour bien le faire ave ceux d’Apollon alors peut être que lui… ? Quoi que, il n’avait pas cet air qu’avait les enfants de ce dieu là. Non, c’était autre chose. Puis elle remarqua qu’il venait de la ligoter comme un vulgaire boudin au chêne le plus proche. Okay, ce gars avait des pouvoirs space, mais fort sympathique à première vue. Et l’autre zigoto plus lent que son camarade… Bah, Grace se concentrerais sur lui plus tard. Pour le moment c’était le gars jardinier qui l’intéressait.

Grace Turner, dix neuf belle années derrière elle, demi déesse fille d’Aphrodite, un mètre soixante cinq, cinquante cinq kilos, américaine mais avec des origines hollandaise. Autre chose monsieur l’agent ?

Elle lâcha un petit rire satisfait et lui lança un regard enjoué aux deux jeunes hommes. Ben quoi, elle ne faisait que répondre à leur questions. Bon certes, elle en avait rajouté une couche, mais Grace faisait souvent ça.

Ah et j’oubliais, je fais partis des Chasseresses d’Artémis, alors si vous touchez à un seul de mes cheveux, vous aurez à faire à ma déesse protectrice.

Elle se redressa comme elle le pu et voulu se masser son front endoloris. Elle sentait déjà la bosse sur ce dernier. Elle ferma les yeux quelques instant et la fit disparaitre en quelques secondes. Elle soignerait encore ça plus tard. Décidément, c’était une sale journée.

Et vous ? Vous êtes qui ? Et vous faite quoi ici ?

Elle regarda son arc, toujours au sol et regretta qu’il soit si loin d’elle. Au pire, ses amies viendraient la chercher. Ah ben non, elle avait filé en douce. Zut. Grace aurait juré entendre un bruit, mais finalement, la jeune femme finie par se persuader que c’était son imagination qui lui jouait des tours. Un choc n’était jamais bon, on imaginait toujours le pire après, quand on commençait à voir ou à entendre des choses qui n’étaient pas réelles. Sa tête était terriblement lourde, et ce fut à ce moment là qu’elle regretta les médicaments humains de son père. Ils faisaient effets assez vite et avaient un goût plutôt agréable. Son père lui en donnait toujours avant, quand elle partait en voyage. Mais cela faisait tellement longtemps qu’elle ne l’avait pas revu, c’était presque triste.

Vous êtes un peu loin de la colonie non ?

Elle lança cette remarque à tout hasard. Il existait bien des demi-dieux qui vivaient en dehors des frontières de la colonie, tout en étant reconnu par leurs parents divins, mais cela était assez rare. Et étrangement, elle ne voyait pas ces deux là vivre comme des vagabonds.

Neal considéra la jeune fille avec méfiante. En la voyant ainsi ligotée à un arbre, il voyait bien qu'elle n'était pas un monstre mais rien qu'une fille. Elle était jolie, le fils de Déméter le voyait bien et il ne fut pas vraiment surpris lorsqu'elle lui annonça qu'elle était l'enfant de la belle Aphrodite. Ce qui le laissa profondément perplexe en revanche, c'était qu'elle se soit enrôlée chez les Chasseresses... Une fille d'Aphrodite chez les vierges ? Bizarre ! Du jamais vu même, il en était presque certain.

- Waouh, trop d'la bombe, c'te meuf ! Vas-y mec, faut qu'on la prenne avec nous pour faire passer le temps. Donc moi c'est Volt, dix-neuf ans aussi et ravi de te rencontrer Grace !

Neal coula un regard de travers à son frère et se racla la gorge avec irritation. Il était donc incapable de se la fermer, oui ? Même si la dénommée Grace n'était qu'une demi-déesse comme il y en avait des dizaines à travers le monde, il ne lui faisait pas confiance, pas encore. Ce n'était pas en accordant leur confiance à n'importe qui qu'ils avaient survécu jusqu'à maintenant. Le jeune homme se passa la main dans les cheveux en jetant un regard suffisant à sa prisonnière.

- Pourquoi vivrions-nous à la Colonie ? Pour obéir aux ordres. Ça te plait peut-être d'être à la botte des dieux - d'Artémis dans ton cas - mais c'est pas trop notre tasse de thé.
- Enfin si Éros pouvait passer par là aujourd'hui et décocher quelques unes de ses flèches...
- La ferme, Volt. C'est une Chasseresse.

Ses paroles résonnèrent bizarrement dans le sous-bois devenu brusquement silencieux et Neal se tendit, ses doigts se resserrant automatiquement sur la poignée de sa vieille épée. L'ambiance avait changé. Si tout à l'heure il faisait plutôt froid, là c'était carrément glauque, lugubre. Un truc ne tournait pas rond mais il n'aurait pas trop su dire quoi. Sentant un soupçon d'inquiétude se répandre en lui, il menaça de nouveau la fille.

- Dis-moi, t'es sûre de bien être avec les Chasseresses et non pas avec quelques ennemis potentiels pour nous...?

Nouvelle menace sans grande portée car même si les deux enfants de Déméter tombaient sur Artémis et ses potes, ils étaient mal barrés.Et alors qu'il se faisait ce commentaire, ce fut la fin du monde. Littéralement. Deux énormes choses jaillirent d'un buisson et percutèrent Volt avec un craquement sinistre tandis qu'une salve de flèches surgissaient d'un autre, aussitôt suivies par leurs propriétaires : les Chasseresses. Une flèche cueillit la manche de Neal et il dérapa, s'étalant aux pieds de Chasseresse numéro une, soit Grace. Son épée lui échappa.

Il lui fallut bien trois minutes (le temps que le combat s'achève, que les Chasseresses tuent le deux monstres qu'elles traquaient et qu'elles ligotent les deux fils de Déméter) pour qu'il comprenne que premièrement, ils étaient dans une merde noire, deuxièmement, ils avaient été particulièrement négligeant vis-à-vis de leur sécurité. Enfin c'était un peu trop tard pour pleurer. Neal fut toutefois ravi de voir que tant qu'il n'ordonnait pas au lierre de libérer Grace, celle-ci restait collé à son arbre. Maigre consolation vu qu'il était lui-même entravé mais il avait quelques idées à présent.

- Si vous nous faites quoi que ce soit, Neal va tous vous étrangler.

Et là, Neal détesta Volt plus que jamais. Il coula un regard discret en direction de Grace et attendit que le lierre se ramène. Étrangler toutes les Chasseresses, certainement pas. Une seule en revanche, ou du moins faire genre, ça pourrait peut-être... Artémis n'avait pas l'air d'être là en plus.

- Soit tu nous aides, soit je t'étrangle.

Il avait murmuré ces paroles à sa chères voisines bien sur.

Grace leva es yeux au ciel. Hé oui, elle en avait déjà entendu des gars comme Volt. Et oui, comme à chaque fois, elle avait envie de lui balancer une réplique bien cinglante mais là, elle n’avait pas les mots en bouche. Oh lieu de quo, elle lui décocha son plus beau sourire, et charmeur en prime. Ils commencèrent à s’entretenir, évoquant un dieu que Grace avait déjà eu le loisir de croiser une fois. Eros, un sacré p’tit gars. Un peu niant niant, mais tellement sympa. Bref, ce n’était pas le sujet du jour. Et elle en pu s’empêcher de penser que Neal avait du avoir la même réaction que les autres sangs mêlés. Que foutait une fille d’Aphrodite chez les Chasseresses ? Oui, il était clair que cela était étrange. Mais bon, c’était pour des raisons pratiques et même si Grace se surprenait quelque fois à le regretter, elle faisait tout pour assumer son choix. Fille de la déesse de l’amour ou pas. Ce qu était sûr, c’est qu’elle se sentait un peu seule. Soudain, il eu un nouveau bruit et là, ce fut la drame. Tout se passa très vite. Monstres, attaque, chasseresse.

Et voilà qu’elles venaient de la retrouver maintenant. Génial. Grace aurait bien aimé passer ses nerfs sur un des deux garçons, mais actuellement, le lierre l’en empêcher. Pourquoi pas Volt ? Il avait l’air d’être le plus niais des deux. Les regards noirs qu’elle lançait à tour de rôle à ses camarades ne changeaient rien. Les Chasseresse reculaient rarement devant deux pauvres demis dieux paumé qui venaient de capturer l’une des leur. Et l’autre qui parlait toujours. Bon sang, elle n’avait qu’une envie, lui coller son point dans la figure. Elle regardait les deux gars ligotés eux aussi et lorsque Neal la menaça, un petit rire lui échappa.

Et tu crois que tu me fais peur ? Franchement, vas y, étrangle moi et on verra bien par la suite.

Elle désigna ses camarades d’un hochement de la tête. Ah ça non, elles n’allaient pas être contente. Elle haussa les sourcils, attendant une réaction quelconque. Et puis finalement, elle changea d’avis. Oui, après tout, même si Neal la laissait tranquille, les Chasseresse s’en prendraient quand même à lui pour l’avoir traité de la sorte et le côté fille d’Aphrodite se fit sentir lorsque Grace songea qu’il n’était pas sage d’abimer un si joli visage.

Oh et puis ça va, la comédie à assez durer. Les filles vous pouvez les lâcher, c’est un ancien pote à moi. Un petit crétin de la colonie des sangs mêlés.

Elles rigolèrent un peu avant de finalement s’avancer vers les deux jeunes hommes. L’une d’entre elle lui demanda alors pourquoi elle avait fini attaché à un arbre et Grace lui pondit un beau mensonge qu’elle avala aussi sec. Oui, dorénavant Grace aimait les jeux où elle était attaché aux arbres avec du lierre. Tant pis, elle saurait tenir cette réputation. Les Chasseresses détachèrent les liens de Volt et de son ami, camarade, copain ou bref, Neal.

T’es content maintenant ? A mon tour.

« Et je t’offre un massage gratos » pensa t-elle très fort mais elle se rappelle qu’elle ne faisait ça qu’étant à la colonie et que la colonie, c’était loin désormais. Tant pis.

Neal savait très bien que s'il étranglait Grace, il se retrouverait avec une meute de chasseresses en colère à sa suite. Toutefois, il misait sur l'effet de surprise... ou de persuasion. Puisque cette fille vivait avec les amies d'Artémis, celles-ci devaient bien tenir un tant soit peu à elle. Et s'il menaçait de lui ôter la vie, peut-être qu'elles les laisseraient repartir en paix en échange de sa clémence ? Enfin Neal était un rêveur et les gars comme lui ne faisaient pas long feu dans le monde tristement dangereux des sangs-mêlés. D'ailleurs, ce n'était pas en misant sur des choses qui pouvaient peut-être fonctionner qu'il était resté en vie jusqu'à aujourd'hui.
C'est alors que Grace fit quelque chose qui stupéfia Neal. En fait... Il n'aurait même pas osé l'espérer. Et quelque part, il en était presque vexé. Coincé comme il l'était, ligoté autour de cet arbre, il n'en serra pas moins les poings et lança un regard plein de haine à cette petite chasseresse qui se permettait de prendre sa défense. Alors certes, elle lui sauvait sans doute la vie et empêchait ses copines de le changer en lapin cornu ou autre bestiole aussi stupide qu'inutile. Mais quand même. Et visiblement, Volt pensait la même chose. Alors que le deuxième fils de Déméter ouvrait la bouche pour protester, Neal s'arrangea pour lui flanquer un discret coup de pied. D'un coup d’œil, il lui intima de se taire. Par bonheur, son frangin secoua la tête mais obtempéra.

Neal transporta plutôt son agacement sur les autres chasseresses, qui contemplaient la scène avec un air perplexe. Il faut dire que l'explication de Grace n'était pas très crédible. Mettant un instant sa fierté de côté, le fils de Déméter affecta un air ennuyé mais tout de même amusé et leva les yeux au ciel.

« Vous voyez, avec vos jugements hâtifs ? Vous auriez eu l'air bien connes si vous nous aviez tués sous les yeux de votre camarade. »

Neal ne pu s'empêcher de ricaner lorsque Grace balança un énième mensonge encore moins crédible et particulièrement tendancieux. Alors comme ça, elle aimait être attachée aux arbres ? Il ramassa son épée et la glissa dans le fourreau qu'il portait à la ceinture, aida Volt à se relever et jeta son sac sur son épaule.

« Eh oui, les filles. Vous voyez avec qui vous traînez ? »

Neal adressa un clin d’œil à celle qui devait être la lieutenante et sourit, narquois. Avec une parodie de salut à Grace.

« A quand tu veux, je serais ravi de t'attacher à un arbre. »

On pouvait le prendre à n'importe quel degré, Neal n'oublierait pas : cette fille était à mourir de rire. Par chance, quatre-vingt-dix-neuf pour cent des chasseresses présentes n'y virent aucune allusion particulière et Volt tint sa langue. Heureusement, car sinon, Neal aurait probablement fini changé en mouette ou autre volatile aussi peu flatteur. D'un pas tranquille mais la main sur la garde de son épée, l'enfant de Déméter disparut entre les arbres, son frangin sur les talons.