Etonnament la journée avait été plutôt calme. Ce matin, Héphaïstos avait reçu un message Iris de la part de Chiron, à la Colonie des Sangs-Mêlés. Le Centaure prenait commande pour ses petits protégés. Il fallait plusieurs armes nouvelles car certaines s'étaient usées, brisées, certaines avaient disparues, d'autres ne se révélaient pas assez bien. Aussi, il fallait à nouveau remplir les stocks à cause des nombreux demi-dieu arrivant au camps. Oh, ce n'était absolument pas une mauvaise chose, puis les temps étaient calmes. Aucun monstre trop puissant voulant défier quiconque, aucun rebelle sang-mêlé voulant se vanger des dieux qui ne lui auraient pas donner assez d'attention, aucun titan ou dieu machiavélique ne voulant dominer le monde. Rien. Dans tous les cas, de plus en plus d'enfants d'ascendance divine débarquaient au camps et les bungalows risquaient de vite se retrouver sans aucune place. Bientôt la Colonie serait surpeuplée et Dionysos, le directeur de l'endroit (appelé Monsieur D. par les pensionnaires) devra revoir ses frontières ...
  Héphaïstos avait profité du message arc-en-ciel pour demander des nouvelles de ses enfants : est-ce que Theon s'adaptait bien ? Noa fricotait-il encore avec la fille de sa femme ? Comment s'appelait-elle déjà ? Cassiopé, Cassy ? A moins que ce ne soit quelque chose comme Cassoulet ... ? Dans tous les cas, Chrion lui avait dit que tout le monde allait bien, tout le monde allait parfaitement bien. Mais le dieu préférait tout vérifier de lui même, et il promit au centaure de livrer les armes lui-même Le forgeron aimait bienn rendre visite à ses enfants, mais il était limité par la volonté de Zeus de ne pas vouloir que les dieux n'aient trop de contactes avec leurs descendance à moitié mortelle. Sans doutes espérait-il que les êtres divins ne soient pas influencés par leurs gamins et deviennent un peu plus humains.

  Héphaïstos posa son tournevis cruciforme sur sa table de travail. Il inspecta son chien-automate, sortant subitement de ses pensées. La machine était faite de bronze, sa dégaine était sympathique et n'exprimait aucune méchanceté. C'était bien le but, d'ailleurs. La machine devait être capable de détecter toute hostilité aux alentours. Littéralement un chien de garde. C'était la commande d'un demi-dieu, un fils d'Arès. Il était parti de la Colonie depuis quelques temps et venait de récemment s'installer dans une maison avec sa femme et leur fille. Habituellement, Héphaïstos aurait refourgué le boulot aux cyclopes (qui travaillaient moins bien que lui, évidement), n'aimant évidemment pas tout ce qui faisait référence au dieu de la Guerre. Cet idiot à la cervelle quasi présente couchait avec sa femme et bien sûr, sans le cacher. Il n'allait tout de même pas lui offrir des fleurs ! Mais son fils n'était pas un mauvais bougre. Il ne ressemblait en rien à son père et méritait amplement la sympathie du Forgeron. Alors l'Olympien avait donc tout naturellement accepté la requête du sang-mêlé, qui était de lui confectionner un vrai chien de garde qui pourrait protéger sa petite famille. Eh bien pour le moment, le chien de garde ne pouvait protéger personne. Le chien était pour le moment enragé.
  Le dieu ne comprenait pas - et par Chaos que cela était énervant. Il avait tout revérifier : le circuit principal, le disque de mémoire ... aucuns problèmes. Mais quand Héphaïstos demandait à l'automate de parler (oui, oui, parler littéralement, vive la technopathie !) mais il s'obstinait à garder le silence. Puis par moments, sans crier garde, il s'éveillait et se mettait à tout réduire en bouillie dans la forge, crachant même parfois du feu. L'acier présent dans l'endroit passait lui aussi entre les crocs acérés du chien de bronze et n'en restait rien après passage, que de pauvres petits copeaux. Tout ceci était très embêtant.
  Résigné, le forgeron s'assit sur un petit tabouret de bois, fixant son automate grandeur nature ... ou peut-être plus grand que cela. Il vérifia à nouveau tous les câblages, tous les circuits, et ce, d'une façon très minutieuse malgré les grosses paluches qu'il avait. A nouveau, il ne trouva rien. Héphaïstos soupira et croisa ses gros bras sur son torse.

Tu ne veux vraiment pas me dire ce que tu as, hein ?

  Le dieu se leva et fixa la machine, pensif. Non, il ne laisserait rien tomber, ce n'était pas son genre. Peut-être que s'il changeait deux ou trois choses améliorerait la situation. Héphaïstos tourna les talons pour se diriger vers la remise dans le fond de sa forge. Ses yeux parcouraient l’immense mont d'outils, de matériaux et de beaucoup d'autres choses qui se trouvaient en plein milieu de la remise. C'était bien le seul endroit qui n'était pas rangé. Il regroupait des tas de choses dont le dieu et les cyclopes se servaient de temps en temps. Quoi qu'il en soit, tout le monde trouvait toujours ce qu'il voulait. Ainsi, le dieu commença à fouille. Il jeta au dessus de son épaule, mit de côté ou encore remis dans le tas de nombreuses choses. Héphaïstos retrouva aussi quelques petites choses qui étaient passées entre ses mains à un moment ou à un autre. Enfin, il sembla trouver ce qu'il cherchait.

Héphaïstos ? T'es par là ?

 

  L'intéréssé se redressa, reconnaissant immédiatement la voix. Hermès, son demi-frère et dieu des voyageurs, des voleurs mais aussi messager des Olympiens. Entre toutes les divinités, c'était bien lui que le Forgeron préférait. Certes, nombreuses étaient les choses qui disparaissaient après son passage, mais réapparaissaient de temps en temps.
  Héphaïstos sortie de la remise pour se diriger vers l'endroit d'où venait la voix. Son frère était bien là, en plein milieu de la forge.

Hermès, mon frère !

  Le dieu sourit jusqu'aux oreilles, ouvrant ses grands bras puissant puis marcha d'un pas énergique et finalement étreignit son demi-frère. Héphaïstos n'était pas aussi familier avec tous les dieux, et c'était bien pour la gentillesse dont Hermès faisait preuve, que le forgeron exprimait autant de sympathie à son égard. Assurément, il ne se jetterait pas dans les bras d'Héra pour lui faire le câlin du siècle.
  Après une étreinte assez sérée (oui, Héphaïstos ne sent pas toujours sa force), le dieu recula, encore tout sourire.

Comment vas-tu ? Qu'est-ce qui t'amène à la forge ?

  Derrière l'épaule d'Hermès, le forgeron surpris le mouvement de quelque chose d'assez volumineux. L'automate tourna sa tête aux faux airs d'angelot vers Héphaïstos qui perdit automatiquement son sourire et grogna. Ce satané cabot de bronze avait choisi ce moment précis pour se réveiller et mettre le capharnaüm dans la forge.