What do you want from me ?

"Adriane Bianchi ?"

Je fis volte-face. Un jeune garçon accourrait vers moi. Un jean et des baskets usés, un t-shirt un peu trop grand pour lui et des cheveux très mal, mais alors très mal, brossés. Pourquoi tous les résistants pensaient-ils qu'ils devaient avoir l'air de SDF ? Heureusement, certains relevaient le niveau mais, en général, il n'y avait rien à faire. Je soupirais.

"Oui quoi ?"
"Une lettre pour toi."

Je pris l'enveloppe qu'il me tendait et lui adressais un signe de tête pour tout remerciement. Il grogna quelque chose sur ma politesse quelque peu douteuse et s'éloigna d'un pas raide et rapide. Ca ne sentait pas bon. Je ne voyais pas vraiment qui pourrait m'envoyer un message et je ne préférais pas penser aux possibilités. Mais je ne suis quand même pas une poule-mouillée et, d'un coup d'ongle bien placé, je déchirais l'enveloppe.

"Mon bureau. Niveau 5. Cyril Le Nôtre."

Ah. Ca ne sentait donc pas bon DU TOUT. Mais que je vous explique... La dernière fois que j'avais été confronté à Cyril, c'était pour me faire remonter les bretelles après une petite blague qui avait mal tourné. J'avais voulu faire une farce à l'un des autres résistants en glissant des petites bêtes bien visqueuses dans son lit. Comment étais-je sensée savoir qu'elles voudraient en fait le dévorer ?! Bon, d'accord, j'aurais dû m'en douter... Après tout, je les avais acheté à un autre demi-dieu, ça ne pouvait pas être sans danger.

Toujours est-il que Cyril, flic à ses heures, m'avait convoqué dans son bureau pour me sermonner. "Il ne faut pas faire ce genre de choses..." Blablabla. S'il y a bien quelque chose que je déteste (enfin parmi d'autres), c'est me faire réprimander ! Je n'aime pas décevoir les autres et pour moi, un sermon équivaut à une déception. D'ailleurs, je n'aime pas non plus qu'on me dicte ma ligne de conduite. Autant dire que sur le coup, Cyril m'avait pris à rebrousse-poils et pas du tout de façon maline.

Mais trêve de bavardage. Mon destin m'attendait. La mort dans l'âme, je me suis dirigée vers l'ascenseur et ai grimpé dedans. Direction le 5e étage, celui où on n'allait jamais à moins d'y avoir été convié. Autant dire que ce n'était pas forcément bon signe. La fille dans l'ascenseur m'a regardé appuyer sur le bouton et m'a adressé un sourire contrit. Je ne marchais pas vers la mort tout de même !

Cinquième niveau. Je mis le pied en dehors de l'ascenseur et inspirait profondément avant de marcher, en apnée, vers le bureau de Cyril. Une autre respiration et je toquais avant de pénétrer dans son antre.

"Tu voulais me voir ?"

What do you want from me ?

"Tu voulais me voir ?"
"En effet, entre et installe-toi."

Je m'exécutais et m'asseyais sur la chaise faisant face à son bureau. Il prit une gorgée de ce qui devait être du nectar pour soigner son bras en écharpe. Tout un tas de rumeurs couraient sur comment il avait bien pu se blesser. Personnellement, j'optais pour une chute un peu bête. C'était bien plus amusant à imaginer qu'une bataille héroïque. Surtout parce que Cyril m'ennuyait à jouer aux flics avec moi. Certes, c'était son boulot mais je n'avais pas quitté la Colonie pour retrouver un Chiron à deux pattes.

"Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tu savais pertinemment, depuis la dernière fois, que tu serais surveillée de très près. Sache que tu es la seule source de satisfaction que je puisse tirer de cette Résistance, tu as fait de nets progrès et cessé de faire des blagues idiotes qui mettraient en péril tes camarades."

Soudain, je respirais un peu mieux. Je ne risquais rien. Mieux, j'étais félicitée. Bon d'accord, on me félicitait de ne pas avoir recommencer mes bêtises et de m'être tenue à carreau mais c'était déjà bien ! Surtout que, contrairement à d'autres au QG, moi, au moins, je m'investissais et je n'étais pas tout le temps en train de me plaindre, de chercher la bagarre ou, pire, de ne rien faire du tout.

Je pris donc le compliment comme il venait. J'étais une source de satisfaction et, à cette pensée, je sentis mon dos se redresser et ma tête se relever dans une position de fierté. Défaut de fabrication je suppose, j'avais hérité en partie de l'arrogance de mon père et ma mère n'était pas en reste à ce niveau... Je ne pus donc m'empêcher de répondre.

"Merci beaucoup. C'est sûr que, contrairement à beaucoup, je crois en notre cause et sais ce qui doit être sacrifié. Je ne m'attends pas à dormir dans un 5 étoiles et à manger des langoustes au petit-dej'."

Bon d'accord, on pouvait prendre ça pour de l'insolence mais je ne pouvais pas m'en empêcher. J'avais toujours eu cette petite part sarcastique, insolente et sûre d'elle en moi. J'avais toujours eu ce besoin de m'affirmer. Bref, j'étais une vraie casse-pied et fière de l'être. Néanmoins, je ponctuais ma phrase d'un petit sourire entendu pour montrer à Cyril - qui était quand même le boss - que je ne cherchais pas une joute verbale et que j'étais de son côté. Si cela pouvait me rapporter des galons, et bien soit. Je ferais le nécessaire si seulement je pouvais monter en grade et enfin pouvoir remanier un peu cette résistance. Après tout, vu l'organisation actuelle, on courrait tout droit à la catastrophe. A moins d'instaurer un peu de discipline.

Et qui pouvait être mieux placé pour ça que la fille du Dieu de la guerre ? Certes je n'aimais pas qu'on me rappelle de qui je descendais mais il y avait quelque chose d'indéniable : j'aimais conduire des troupes et j'avais un certain sens de l'organisation. D'ailleurs, les légions romaines me fascinaient et on ne peut pas dire qu'il n'y ait eu plus grand empire au monde que l'Empire romain. Il y a bien une raison : la discipline en guerre.

Mais je m'égare de nouveau... Je fixais mon regard sur Cyril, attendant de voir s'il me rabrouait pour mon ton quelque peu insolent ou s'il passait outre pour en venir aux faits.

What do you want from me ?

"Merci beaucoup. C'est sûr que, contrairement à beaucoup, je crois en notre cause et sais ce qui doit être sacrifié. Je ne m'attends pas à dormir dans un 5 étoiles et à manger des langoustes au petit-dej'."
"Qui sait ? S'ils se bougent les fesses, cet entrepôt miteux deviendra plus que vivable" répliqua-t-il.

Il se leva pour regarder par la fenêtre. J'imaginais bien ce qu'il pouvait voir aux alentours du QG et ça ne devait pas être bien glorieux... D'ailleurs, il n'avait pas l'air d'apprécié ce qu'il voyait au vu de son air morose lorsqu'il se tourna de nouveau vers moi, les bras croisés.

"Je ne sais pas ce qui m'énerve le plus, en ce moment... Mon bras presque mort ? Les tire-au-flancs ? Le fait de ne rien savoir de la Colonie ? Autant, pour les deux premiers, j'ai de potentielles réponses, mais pour la dernière... Je n'aime pas ne pas connaître mes ennemis, j'aimerais savoir quelles sont leurs forces... C'est là que tu vas m'être utile, Adriane. Es-tu connue, là-bas ? Est-ce que quelqu'un est susceptible de te reconnaître ?"

Je me retenais de rire lorsqu'il parla de son bras. Pour moi, une blessure était une blessure et tant qu'il n'était pas mort, il n'y avait pas grande raison de se plaindre. Là-dessus, j'avais toujours été une dure à cuire et une égratignure ne me faisait pas peur... Quant au reste, alors qu'il refaisait son bandage, assis à son bureau, je réfléchissais à la meilleure réponse à donner.

Bien sûr, être inconnue à la Colonie avait des avantages, on pouvait mieux s'infiltrer mais j'y avais passé une bonne partie de ma vie depuis mes 13 ans. Autant dire que, là-bas, j'étais plutôt une tête connue. Mais cette mission, sans que je sache pourquoi, je la voulais. Je voulais faire mes preuves pour gagner en grade et d'une manière loyale, pas comme d'autres qui passaient seulement sous le bureau... Il allait donc falloir la jouer fine sur ce plan et dévoiler les atouts que j'avais dans ma manche.

"J'y ai passé presque 8 ans... Autant dire que oui, là-bas, on me connaît. Mais dans le sens positif du terme. Vois-tu, il sera facile de leur faire croire que j'ai mis du temps à rentrer de quête et d'autant plus facile qu'ils me font déjà confiance..."

Je savais que c'était quitte ou double. Vu ses questions, il préférait envoyer quelqu'un qui n'avait jamais mis les pieds à la Colonie. Mais j'avais appris que connaître le terrain, pendant une guerre, était essentiel. Envoyer quelqu'un qui n'y était jamais allé était risqué. Qui pouvait assurer que ce gamin ne voudrait pas y rester et ne dévoilerait pas notre plan et l'emplacement du QG ? Qui pouvait assurer qu'il ne ferait pas tout capoter ? Au moins, si j'étais envoyée sur cette mission, je savais à quoi m'attendre, je savais que je ne serais pas tentée de retourner dans le camp des Dieux. C'était trop tard, ils avaient fait trop de mal et j'étais trop convaincue du bien fondé de notre cause.

What do you want from me ?

"J'y ai passé presque 8 ans... Autant dire que oui, là-bas, on me connaît. Mais dans le sens positif du terme. Vois-tu, il sera facile de leur faire croire que j'ai mis du temps à rentrer de quête et d'autant plus facile qu'ils me font déjà confiance..."

Je savais que c'était quitte ou double. Vu ses questions, il préférait envoyer quelqu'un qui n'avait jamais mis les pieds à la Colonie. Mais j'avais appris que connaître le terrain, pendant une guerre, était essentiel. Envoyer quelqu'un qui n'y était jamais allé était risqué. Qui pouvait assurer que ce gamin ne voudrait pas y rester et ne dévoilerait pas notre plan et l'emplacement du QG ? Qui pouvait assurer qu'il ne ferait pas tout capoter ? Au moins, si j'étais envoyée sur cette mission, je savais à quoi m'attendre, je savais que je ne serais pas tentée de retourner dans le camp des Dieux. C'était trop tard, ils avaient fait trop de mal et j'étais trop convaincue du bien fondé de notre cause.

Il soupira avant d'accepter :

"Très bien, s'ils ne sont pas très malins ils ne chercheront pas à se méfier d'une demoiselle qui s'est perdue pendant sa quête... Par contre, je vais te demander de faire très attention à une certaine Jade. On ignore son ascendance divine, mais elle est passée par la Résistance avant de s'enfuir, au cas où tu ne serais pas au courant. Je ne sais pas si elle se souvient de quoi que ce soit, mais si tu sens que tu ne te la mettras pas dans la poche... Élimine-la."

A ces mots je tiquais. Certes, j'avais tué des monstres, participé à la guerre contre les titans mais jamais je n'avais tué un sang-mêlé. A dire vrai, s'il y avait bien une chose qui m'inquiétait à la résistance, c'était tué l'un des nôtres. Même s'ils défendaient les Dieux, je préférais les faire prisonniers, torturés plutôt que de les tuer. Ils pourraient, à terme, nous aider à bâtir un monde meilleur. Les tuer ne rimait à rien pour moi. Pourtant, je ne laissais rien transparaître, sachant que Cyril désapprouverait mon élan de gentillesse envers les pensionnaires de la Colonie.

"Je te laisse jusqu'à ce soir pour préparer ton paquetage. Si tu veux partager des infos, assure-toi de ne pas être suivie et de ne pas le faire dans la Colonie, un Résistant t'attendra tous les jours à heure fixe pour avoir ton rapport. Des questions ?"

Je hochais la tête d'abord en signe d'acquiescement puis en signe de négation. Des questions, je n'en avais presque jamais. Je suivais les ordres et s'il y avait un problème, j'avisais à ce moment-là. J'aimais garder quelques libertés. Et cette mission n'était pas compliquée. Je repérais les lieux, voyais ce que les pensionnaires savaient, faisais mon rapport et m'occupais de Jade si nécessaire. Un plan tout simple finalement.

Je sortis donc du bureau pour emballer mes affaires dans le dortoir. Comme toujours, Alice n'était pas là et j'étais presque toujours la seule fille à dormir ici, les autres ayant certainement mieux à faire. Je rassemblais mon épée, quelques poignards, quelques vêtements. Je descendis ensuite au rez-de-chaussée, prête à partir pour la Colonie. Il valait mieux que j'y aille en taxi, ce serait moins suspect. Je vis Cyril qui m'attendais à la porte.

"Tu viens t'assurer que je ne me défile pas ? Ne t'inquiète pas va, je suivrai bien les ordres et je reviendrai avec tellement d'informations que tu ne sauras plus quoi en faire..."

Je rigolais à ma propre blague puis fis un signe de tête en direction de Cyril pour le saluer. Je lui souris puis partis prendre mon taxi, direction la Colonie.