J’ouvris les yeux lorsque le réveil sonna. C’est moi qui l’avais mis. D’ailleurs Sora s’empressa de l’arrêter. Seulement, si je l’avais mis, il y avait une raison. Je restai un instant à la contempler, complètement amoureux. Elle faisait souvent la grasse matinée le matin. Et j’adorais l’observer dormir. Je pouvais passer des heures entières à ne faire que ça. Je remarquai que j’avais encore toute la couette. C’est quand même dingue, je sais que je suis d’un naturel frileux mais là… La voyant se rendormir, je lui caressai la hanche. Elle se retourna en sursaut me faisant sourire. Elle était très chatouilleuse et détestait cela de surcroît.

Je la regarde en papillonnant des yeux tandis qu’elle se redresse sur les coudes.

« On est matinal à ce que je vois, alors, bien dormi, bel homme ? »

Elle se serra contre moi. Voilà seulement quelques mois que nous nous connaissions et pourtant, je ne pouvais pas être plus amoureux. Il y avait pas mal de choses qui avait changé ici. Ou même en moi. Ce n’était pas une relation parfaite. Je faisais des erreurs mais j’essayai vraiment de renouer avec les gens. J’avais l’impression de ne plus être malade du tout. Même dans l’appartement, on était passé d’un trou à rat à un truc agréable. Et après beaucoup de discussion, l’endroit était devenu éclairé.

Elle avait pour ainsi dire emménagé chez moi bien qu’il n’y ait pas eu de réel changement. Ça s’était fait naturellement. La seule différence est que si maintenant elle me demandait de mettre un rideau à fleur, alors je le ferais. Sans hésiter une seule seconde. Je savais que ses amis ne me voyaient pas d’un bon œil mais la vérité est que je m’en fichais. Vraiment. De tout mon cœur.

« Très bien. Surtout depuis que tu es à côté de moi. Bien que tu doives avoir un peu froid… »

Elle s’extirpa du lit en se dirigeant vers la cuisine. J’enfilai un pantalon (je dors en caleçon depuis toujours) et la rejoignit devant le frigo tandis qu’elle murmurait :

« On est samedi, qu'est ce qu'on va pouvoir faire aujourd'hui ? »

Je l’enlaçai par l’arrière en souriant. Si elle savait ce que j’avais prévu… Je m’éloignai en allant préparer le café. Tandis que nous mangions le petit déjeuner, je souris :

« Aujourd’hui, tu vas me suivre. Je t’emmène en balade ! »

Après avoir mangé, et but le café, je partis m’habiller et fis un effort pour l’occasion. Je mis mon plus beau jean, et une chemise blanche. J’enfilai mes baskets noirs toutes propres et quasiment neuves. Je brossai mes dents et coiffai tant bien tant que mal mes cheveux et je me rasai même la barbe e près. Pour lui faire plaisir. Car c’est tout ce qui comptait pour moi. Finalement, une fois que Sora fut prête, je l’entraînai dans ma petite voiture.

Nous roulions en parlant de tout et de rien mais je sentais la nervosité monté en moi. Finalement, lorsque nous sommes enfin arrivés à destination, c’est-à-dire l’aéroport je lui dis en souriant de plus belle :

« Qu’est-ce que tu dis d’un petit voyage à Paris, mon amour ? »

Je lui sortis les billets et lui en donna un puis attendit sa réaction avec inquiétude. Pas dit que ça lui plaise…

Elle resta si interdite, que je sentis mon ventre se nouer désagréablement. Déjà qu’elle n’avait pas l’air si emballée à l’idée de partir. Elle sourit finalement en prenant les billets et une larme coula sur sa joue. J’espérais que c’était une lame de joie et pas de tristesse. Elle dit :

« C'est ... enfin ! C'est merveilleux ! Pourquoi, je ne mérite pas tant tu sais ? »

Elle plaqua sa main contre sa bouche et je répondis :

« Tu mérites plus que je ne pourrais jamais t’en offrir. »

Oui, je vous vois venir de loin, oh, c’est horriblement nian nian. Sauf, que là, c’était sincère. Parce qu’elle méritait vraiment plus. Pour faire ce qu’elle faisait et ne pas aller se terrer au lit. Et jamais, pas même tous les voyages du monde ne pourront arriver à la cheville de ce qu’elle mérite. Merde, je suis vraiment amoureux…


« C'est le plus beau cadeau qu'on m'ait fait. Tu passes devant Eden avec son rat ! »

Elle rit et je me joignis à elle, parce qu’elle m’avait raconté que sa première proie était un rat d’égout. Et aussi parce que j’aime l’entendre rire. On entra dans le hall et elle tourna sur elle-même comme une enfant.

« Moi qui pensais que mon première voyage en avion serait d'aller au Japon, je suis surprise. Mais dis-moi, on va pouvoir faire quoi là-bas ? On va s'ennuyer tous les deux là-bas, à moins que tu es prévu une activité dont je n'aurais pas connaissance ... »

Je lui souris mystérieusement. Je savais bien qu’elle avait horreur des surprises, et franchement, moi aussi, je n’aimais pas ça, mais le voyage n’aurait plus aucun sens sinon. Il fallait déjà compter sept heures de vol. Alors vu qu’on arriverait le soir, je pensais l’emmener dîner juste devant la tour Eiffel et aller dormir dans un hôtel. Plus une autre petite chose…

On avança dans l’aéroport et la vue de tout se monde en train de se bousculer pour enregistrer les bagages me fit un peu pâlir. Je déglutis, m’efforçant de me rassurer. Je savais bien qu’en allant à l’aéroport, il y aurait du monde, mais j’étais prêt à prendre sur moi. Prenant une grande inspiration, on alla enregistrer nos bagages et on se posa dans la salle d’embarquement.

« Ce sera le meilleur voyage de ma vie. »

Enfin, ça va dépendre de comment il se termine…

Elle me sourit et me prit la main. Ce geste pourtant si banal me fit sourire à mon tour.

« Évidemment ! Tu pars en voyage avec moi ! »

Je rigole. Elle a tout à fait raison. Et je souris à nouveau. Pourtant, du plus profond de mon bonheur, je vois bien que quelque chose ne va pas chez Sora. Elle a l’air un peu sur le qui-vive. L’hypothèse qu’elle ait peur de l’avion, je l’avais écarté car elle est une enfant du dieu du vent. Alors quoi ? Je sais qu’elle n’aime pas les surprises mais, est-ce qu’elle a si peur que ça ? Elle sait pourtant que je ne ferais rien qui puisse la mettre dans un quelconque danger non ? Oh mon dieu, je suis si stressé.

« Enfin, si je déclenche pas un tempête quand on sera dans l'avion mais normalement ça devrait aller. »

Elle rit mais je sens bien que c’est jaune. J’aimerais vraiment pouvoir la réconforter, mais je ne sais pas comment. Je n’ai jamais vécu dans son monde. Je ne peux pas savoir. Ni comprendre. L’attente commença à se faire longue. Mon genou tressautait sans que je ne puisse rien y faire. Finalement, on finit enfin par monter dans l’avion et elle me dit tout en glissant sa main dans la mienne :

« Ce sera le premier voyage d'une longue série, chéri. »

On s’assied dans nos sièges attribués :

« J’y compte bien. »

Je l’embrasse chastement. Mais la petite voix continuait inlassablement à me parler, à me dire que ce serait sans doute le dernier, et que je la ferais fuir. Mais je ne veux pas l’écouter. Je regarde par le hublot. Le trajet serait long. Et lorsqu’on est paranoïaque dans un avion à des milliers de mètres du sol, la vie entre les mains d’un pilote qui, si ça se trouve, profiterait de ce trajet pour se suicider, ce n’était pas une partie de plaisir. A chaque turbulence, je manque de vomir. Puis je me maudis d’avoir une cette idée maudite. Puis je regarde Sora. Et mon cœur retrouve à peu près un rythme normal.

Je la regarde dormir. J’adore la regarder dormir. Elle a l’air si paisible. Ça se voit qu’elle n’est pas gênée d’être dans les airs. Et puis au pire, si jamais l’avion s’écrasait sur le sol, elle pourrait toujours nous sauvé non ? Au bout de quelques heures interminables, le copilote nous indique que l’atterrissage est imminent. Quel soulagement. Sauf pour mes oreilles. Finalement, on atterrit et je sors de l’avion en prenant la main de Sora. J’avoue que j’avais un peu pincé les lèvres lorsqu’elle a pris ses armes mais je n’ai rien dit. Je sais que je ne peux pas comprendre, alors je n’essaie pas. Elle se sentirait mal sans, et c’est bien la dernière chose que je souhaite durant ce voyage. Je récupère nos bagages et j’appelle un taxi. C’est un énorme effort que je fais. Confier ma vie à celle d’un inconnu, c’est compliqué. Je sens ma main tremblée quelque peu :

« Eh bien ! Par où on commence ? »

Je regarde la lueur du soir. Le voyage avait pris toute la journée. La Tour Eiffel devait être sublime éclairée par toutes ses lumières. Je réponds donc :

« Je te propose qu’on aille visiter la Tour Eiffel et qu’on aille manger après. J’ai entendu que certains restaurants du coin avaient très bonne réputation. »

Nous montons dans le taxi et je lui dis la destination non sans l’avoir jaugé et imaginer les pires scénarios possibles. Je m’exprime dans un français bancal. Je ne suis même pas sûr que ça veuille dire quelque chose. Au final, je dis simplement Tour Eiffel avec un sale accent. Les cours de langues n’étaient pas mes préférés. Lorsqu’on arrive, je reste interdit devant la grandeur du monument. La voir en vrai n’a rien avoir avec les photos.

Je regarde Sora. Oh mon dieu, je ne peux pas décemment faire ce que j’étais venu faire ici. J’allais bouleverser nos existences entières. Et si ça ne se passait comme prévu, la suite du voyage serait cauchemardesque. Oh, mais qu’est-ce qui m’a pris ? Suis-je donc aussi fou qu’on le dit ?

Elle a l’air d’une enfant qui vient de découvrir le monde. Et moi, j’ai l’air d’un mec qui a la grippe. D’ailleurs, Sora l’a remarqué car elle me dit :

« Chéri, est-ce que tout va bien ? »

Je fuis son regard. Je m’en veux d’être aussi faible. Elle, elle est la force même et moi, la faiblesse même. Je n’arrive même pas à apprécier le spectacle d’un magnifique monument. Normalement, c’est à moi de la rassurer et pas l’inverse.

« Chéri, s’il y a un problème, tu dois m’en parler, tu veux t’asseoir quelque part, tu as l’air terriblement fatigué, je vais t’acheter un truc à manger, un peu de sucre devrait te faire du bien. »

Elle m’attrape le bras et malgré ma résistance, plutôt nulle, je l’accorde, elle m’entraîne vers un banc. Je m’assois et elle me dit :

« Je reviens dans 5 minutes. »

Quoi ?! Elle veut que je la laisse toute seule alors qu’on est sûrement entourés de psychopathe ? Hors de questions ! Alors que j’allais protester, elle était déjà partie.  J’étais condamné à l’attendre. En me rongeant les sangs, avec un genou qui tressaute, je fouille la foule du regard. Où est-elle, bon sang ? Finalement, elle réapparut et je pousse un soupir soulagé. Elle me tendit un croissant et je lui souris :

« Merci. Tiens. »

Je le coupe en deux et lui tends un morceau. On le mange en silence. Un silence pesant. Et finalement, je me lève sans réfléchir et me tourne vers elle. Ça suffit comme ça de gémir. Si je réfléchis trop, j’allais me dégonfler. Je lui jette un regard mi-confiant mi apeuré et me rends compte que j’ai tout oublié. J’avais préparé tout un discours mais, tout c’était envolé. Mince. Tant pis, j’improvise :

« Il faut que je te dise quelque chose… Depuis que je suis avec toi, ma vie a totalement changé. Ça ne fait que quelques mois, c’est vrai. Mais, vu que tu es une demi-déesse, tout va si vite. Je sens que, si je ne saisis pas ma chance maintenant, je le regretterais toute ma vie. Et j’en ai marre des regrets… Il y a des milliers de choses qui s’opposent à ça. Même la loi, il me semble. Mais, nous, on est au-dessus de la loi. Tu sais, j’ai peur. Je crois bien que je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Et pourtant, pour la première fois, j’ai décidé de ne pas m’enfuir. Alors voilà, je te le demande. Passe le reste de ta vie avec moi. Formons le couple de fous dont les gens parleront en fronçant les sourcils. »

Je mets un genou à terre, oui, ma mère me forçait à regarder des films débiles le dimanche…, et je sors de ma poche une bague que je lui tends.

« Epouse-moi. »