Athéna observait sa fille depuis la salle prévue à cet effet de l'Olympe. Sophie Amundsen, l'une de ses deux Sophie, l'intriguait tout particulièrement. Elle défendait souvent fièrement ses origines et essayait de raisonner comme sa mère le faisait. Mais Sophie n'était qu'une demi-déesse, et comme tous les mortels elle faisait souvent des erreurs, des fautes de langage où alors se laissait emporter par sa colère. La fille de la sagesse avait pour l'instant l'air de provoquer la plupart de ses adversaires, cherchant le conflit au lieu d'essayer de l'éviter. Son côté guerrière était plus prononcé que son côté sage et érudit. Il fallait donc y remédier.

Athéna suivait donc la discussion qu'avait Sophie avec Swann Barton, fille d'Arès. Ce genre de rencontre étaient toujours très mouvementée, car les sangs-mêlés des dieux de la guerre admettaient toujours le leur comme légitime dieu guerrier tandis que l'autre n'était considéré que comme une pâle immitation. C'était à peu près le cas à chaque fois. Mais leurs cerveaux trop étroits ne comprenaient pas qu'Athéna représentait le côté stratégique que ne pourrait jamais avoir Arès. Ainsi, après avoir observé sa fille par le portail qui le lui permettait, Athéna décida de lui rendre visite. Il était tard et Zeus ne se rendrait probablement pas compte qu'elle n'était plus sur l'Olympe. De plus, vivant dans le monde des mortels la plupart du temps, il ne s'inquiéterait pas pour sa fille préférée. La déesse se demanda longuement comment se présenter à sa fille, lors d'une occasion exceptionnelle. Elle devait lui en mettre plein la vue parce qu'elles n'allaient pas se revoir de si tôt. Athéna retourna à ses appartements, faisant les cent pas. La seule capable de la conseiller aurait bien été Aphrodite, mais elle était occupée pour le moment, et Athéna n'avait pas vraiment le temps pour des conseils, surtout que c'était elle qui en donnait en général.

La déesse guerrière décida de porter un pantalon noir slim, un magnifique haut fluide blanc étincellant, rivalisant avec la blancheur de la neige, et qui tombait par dessus son pantalon comme une cascade de lait. Elle laissa retomber ses longs cheveux sur ses épaules, quelques mèches rebelles étant retenues par un diadème de diamant. Elle clligna des yeux et de splendide boucle d'oreille du même diamant firent la paire avec le diadème et apparurent à ses oreilles. Ne lui manquait plus que ses chaussures. Athéna ne savait jamais lesquelles choisir. Elle se concentra et passa des petites bottines noires à talon avant de se regarder dans le miroir. Quelque chose manquait à cette jeune femme que renvoyait le reflet. Des protège avant bras en or apparurent alors et une épée se nicha à son côté. Là. C'était parfait. Elle avait l'air d'une déesse de la guerre dans des habits de tous les jours, mais restant tout de même altière avec le diadème que lui avait offert son père et qu'elle adorait porter. Aucun maquillage, c'était superflu, elle était splendide au naturel.

Athéna se transforma en chouette et rejoignit la colonie. Elle se posa sur une branche, attendant patiemment que sa fille la remarque. Peut être ne verrait elle qu'un simple oiseau, mais Athéna était sûre d'une chose, elle y verrait un présage de sa mère et suivrait la chouette. Avant de parler avec Swann, Sophie avait adressé une prière a Athéna, et elle comptait bien y répondre.

Swann partie, Sophie laissa échapper un soupir soulagé. Enfin seule, enfin tranquille. Elle caressa rapidement le manche de son arc qui se transforma en une jolie bague en or qui apparut directement sur le doigt de la fille d'Athéna.

Elle se retourna en direction de la colonie, regardant au loin les bungalows, sans bouger de place. Elle ne voulait clairement pas aller dormir, d'abord parce qu'elle n'était pas le moins du monde fatiguée, ensuite parce qu'elle refusait de devoir affronter ses cauchemars, et elle espérait secrètement un petit signe de sa mère. Qui sait ? Peut-être Athéna l'avait-elle entendue et peut-être allait-elle se manifester pour sa fille. C'était dur d'être une demi-déesse. Parce qu'on avait plus qu'un parent sur qui compter. L'autre étant un dieu ou une déesse qui avait un bon nombre d'enfants, espérer un simple "bonjour" tous les jours relevait de l'impossible.

Elle savait, So, qu'ils avaient du boulot, les dieux. Elle l'acceptait, c'était normal. Mais il y avait une chose qu'elle refusait systématiquement d'accepter, c'était cette loi complètement ridicule et ignoble de Zeus, le dieu du ciel. Pourquoi interdisait-il aux autres Olympiens de voir leurs enfants ? Combien de fois cela leur a coûté ? Si, à présent, la paix était revenue, autrefois, des demi-dieux s'étaient révoltés car leur parent divin les ignoraient carrément. Et Sophie trouvait même cette décision intelligente, malgré les risques que cela présentait. Parce que les dieux vivaient depuis bien longtemps et, en trois millénaires, ils pouvaient bien réfléchir à pourquoi leur gosse s'était rebellé. Ils ne pouvaient s'en prendre qu'à eux-même.

Quelque chose attira son attention soudainement. Une magnifique chouette comme elle en avait vu dans des bouquins sur les dieux grecs. Ses yeux semblaient pétiller et Sophie y décela immédiatement de l'intelligence. Ce n'était pas une chouette ordinaire, oh que non. Elle lutta pour ne pas sourire, ravie, certainement de qui se cachait derrière cet animal si beau. Finalement, elle grimaça, se disant que c'était mieux qu'un sourire. Elle ne voulait pas avoir trop d'espoir, peut-être était-ce une chouette comme une autre, même si ça semblait peu probable.

Sans oser dire un mot, elle continua à fixer la chouette comme une idiote. Mieux valait ne pas s'incliner immédiatement, parce qu'elle ne voulait pas qu'on la voie se prosterner devant une chouette.

La jeune femme aperçut après quelques instants, la chouette tâchetée qu'était sa mère. Elle la fixait alors et dans ses yeux Athéna pu lire un regard teinté d'espoir. Manifestement elle voulait réellement voir sa mère. Raison de plus peut être de se manifester autre que pour passer un petit savon à sa fille. Athéna n'était pas du genre à se présenter devant ses enfants pour les couvrir de gloire, elle leur trouvait toujours un défaut auquel remédier, sans quoi elle ne se présentait pas à eux. En fin de compte l'enfant le plus parfait serait celui qui verrait le moins sa mère. Mais cela est sans compter sur l'interdiction formelle que Zeus, son père, avait imposée à tous les dieux, et qui était celle de visiter leurs enfants.

La demi-déesse soutint le regard de la chouette, qui décida de s'envoler et de se poser sur une branche un peu plus loin pour voir si Sophie la suivrait ou non. Elle s'était placée de telle sorte qu'elle puisse observer les réactions de sa fille,tandis que cette dernière ne pourrait voir que son plumage. Ainsi elle aurait la conviction, et la preuve par la vue, que l'oiseau était toujours là, mais elle ne pourrait plus se fier au regard d'Athéna qui aurait pu la trahir. Chez la déesse tout était toujours calculé. En effet, capable de déterminer les probabilités les plus fortes qu'un évènement se produise, elle pouvait ainsi placer ses actions en conséquence, et la probabilité que Sophie reste intriguée par la chouette était très élevée, avoisinnant le 100%, la perfection que personne ne pourrait jamais atteindre en probabilité car la Destinée pouvait se mêler de tout à n'importe quel moment. Mais il fallait comprendre qu'Athéna, dans son intelligence suprême, prenait en compte autant qu'elle le pouvait, les lois du destin.

Elle attendit patiemment que Sophie viennent se placer sous l'arbre, seul endroit où elle pourrait voir entièrement la chouette. Athéna comptait les secondes. Normalement elle ne devrait pas mettre moins de deux minutes à la rejoindre, son esprit d'investigation poussé à ses extrêmes avec l'espoir d'enfin rencontrer celle qui l'avait conçue de son si grand esprit. La déesse misait beaucoup sur elle, il ne fallait pas qu'elle la déçoive.

La fille d'Athéna se tourna instinctivement dès le premier battement d'ailes, afin de voir dans quelle direction la chouette comptait aller. Elle la suivit du regard quelques secondes, hésitante. Elle nourrissait trop d'espoir et cela pouvait la mener à faire des choses idiotes. Oh, et puis merde, aussi ! Elle ratait une occasion précieuse de peut-être voir sa mère. Elle pensait peut-être trop que la prudence se ralliait à la sagesse, mais, honnêtement, pourquoi suivre cette chouette ne serait-il pas sage ? Après tout, elle pouvait toujours partir à la colonie si elle venait à trop s'éloigner. Et elle ne connaissait guère de monstre qui puisse se transformer en volatile. Du moins, elle ne se souvenait pas en avoir entendu parler.

Elle suivit la chouette.

La fille de la sagesse n'osait toujours pas parler, fixant inlassablement le plumage de la chouette, sans rien voir d'autre. Son coeur battait la chamade et elle voulait du plus profond de celui rencontrer sa mère, quitte à suivre cette chouette jusqu'au bout du monde. Sa tête, cependant, restait prudente et essayait de trouver des excuses, comme toujours. "Simple coïncidence. Cette chouette n'a peut-être pas peur de toi. Tu la verras un jour, mais pour l'instant elle n'en voit pas l'utilité. Au fond, qu'est-ce que tu en as à faire ? C'est peut-être un eidolon... Mais oui. C'est un eidolon, il a pris possession de cette chouette pour t'attirer, c'est évident." Elle caressa prudemment la lame de son poignard, se pinçant la lèvre. Ça pouvait être un eidolon. Mais elle s'en fichait. 

Elle se plaça sous l'arbre pour mieux voir la chouette.

Athéna n'eu pas à attendre longtemps avant que la jeune adolescente se présente sous l'arbre. Manifestement, elle semblait intriguée par l'oiseau. Quoi de plus normal quand il est le symbole de votre mère divine que vous n'avez vu au plus qu'une fois dans votre vie. La déesse hésita à s'envoler et à partir, pour faire comprendre à Sophie que l'espoir n'était pas toujours bon à chérir. Mais cela aurait été un violent coup dûr pour elle et puis Athéna avait pris la décision de lui rendre visite, elle n'allait pas changer ses plans au dernier moment comme elle pouvait le faire lors de batailles. Cette fois ci son combat était complexe, elle devait réfléchir comme une mère, et cela ne lui était pas des plus aisés. Absente depuis toujours de la vie de ses enfants, Athéna n'avait pas l'esprit maternel, mais elle s'efforçait au mieux d'être présente pour chacun, en leur offrant par exemple un cadeau à chacun...

La chouette jeta un regard à la jeune fille et ouvrit grand ses ailes pour venir se poser juste devant elle. L'animal leva la tête, la pencha un instant sur le côté, ses yeux jaune fixant Sophie qui s'attendait probablement à un miracle, tant on entendait les battements de son coeur résonner dans sa poitrine. C'est alors que, dans un éclair de lumière, la chouette disparu et fut remplacée par la déesse Athéna, dans toute sa splendeur. Arborant un magnifique sourire, et devant l'air admiratif de sa fille, elle se dit que sa tenue avait bel et bien fait sensation. L'or de ses protège avant bras donnant une touche colorée à ses vêtements, elle se félicita elle-même de son choix. Aphrodite n'aurait pas pu trouver mieux pour vêtir Athéna en cette soirée. La voix d'habitude sèche de la déesse se voulu plus douce mais à la fois ferme.

" - Bonsoir Sophie. Tu m'as appelé, me voici. "

Dit elle simplement. Ces quelques mots pouvaient apparaître désarmants pour Sophie qui ne saurait pas vraiment comment répondre à cela, mais Athéna testait, sans même le vouloir, les réactions de sa fille.

Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'elle croisa le regard de la chouette. Ses yeux jaunes semblaient décidés. Elle ouvrit ses ailes et s'envola pour se poser devant Sophie. Celle-ci frissonna, toute excitée. Son coeur battait très vite. Il fallait que ce soit elle. Elle ne pourrait accepter un échec si près du but.

Un éclair de lumière l'aveugla et elle poussa un cri timide tant l'émotion la submergeait. Elle ne faisait que penser avec son coeur, laissant le précieux conseil de sa mère de côté. Ses yeux brillaient. Athéna était devant elle, absolument sublime : un pantalon slim noir, un haut blanc qui retombait sur le bas comme une cascade de lait. Des magnifiques bottines noires, des protège-bras divins, sans parler des boucles d'oreilles et de cet incroyable diadème en diamant. Elle remarqua l'épée aux côtés de la déesse et cela la ramena à la raison. Elle était devant Athéna, la déesse de la sagesse et de la stratégie guerrière, la déesse qui était sa mère.

- Bonsoir Sophie. Tu m'as appelé, me voici.

Elle ne sut que faire. Devait-elle répondre ? Se prosterner ? Elle n'allait quand même pas dire "ooooooh, maman, ça fait un bail !" ! Elle s'inclina finalement devant Athéna, murmurant timidement :

- Bonsoir... Athéna... merci d'être, euh, d'être venue.

Elle n'osa pas parler plus. Elle voulait tant se confier à sa mère, lui demander des conseils pour ne pas sombrer, et voilà qu'elle flanchait. Subitement, elle réalisa à quel point sa mère ne devait pas être satisfaite de cette réponse. So voulait qu'on voie de qui elle descendait et ce n'était pas parce qu'elle était devant cette fameuse personne qu'elle ne devait plus paraître ferme. La fille d'Athéna se redressa, prête à parler. Elle opta pour une voix tout aussi douce que celle de sa mère mais elle ne parut guère ferme, juste un peu fluette.

- Merci beaucoup d'avoir répondu à ma prière... (maman ou mère ? MAMAN OU MERE ? la cata !) mère. 

Elle essayait désespérément de ne pas craquer. Mais elle n'y arriva pas. Elle lâcha un petit gémissement étouffé, sous le choc de cette rencontre. 

Devant la transformation de sa mère, Sophie émit un petit cri. De surprise ou d'émerveillement, il était cependant malvenu de se laisser dicter par ses émotions. Semblant un peu confuse quant aux manières à adopter avec sa mère, la jeune demi-déesse s'inclina devant elle. A vrai dire, Athéna rencontrait peu de demi-dieu, à l'exception de ceux qu'elle aidait pour des quêtes, et rares étaient ceux qui se prosternaient. Elle nota la touche de respect qu'avait donc utilisée sa fille contrairement aux autres, ce qui lui montra qu'elle avait une éducation et une certaine présence d'esprit.

" - Bonsoir... Athéna... merci d'être, euh, d'être venue."

La déesse resta silencieuse et plus un bruit ne se faisait entendre dans la clairière. Sophie releva la tête. Beaucoup d'idées devaient lui traverser l'esprit et il ne devait pas être facile de se retrouver face à une mère qu'elle ne voyait jamais. Pourtant, Athéna se doutait bien que ses enfants imaginaient souvent leur rencontre avec elle et par voie de conséquence, ils se préparaient à quoi dire, mais le choc du moment même leur faisait perdre tous leurs moyens. Ils étaient sensés être préparés. A la guerre il ne faut pas se laisser surprendre, et l'ennemi peut arriver à n'importe quel moment, il faut donc se tenir prêt à tout, et à tout moment.

"- Merci beaucoup d'avoir répondu à ma prière... mère.


La jeune fille avait marqué un temps d'arrêt. Elle avait hésité à comment l'appeler. A vrai dire, la déesse de la sagesse se fichait bien que son enfant l'appelle maman, mère, ou même Athéna. Elle n'avait jamais forcé ceux qu'elle avait croisé, et ils pouvaient bien choisir comme ils le voulaient. Ainsi Sophie avait opté pour "mère". Cela en disait long sur elle. En effet, elle tenait à avoir une certaine proximité avec sa mère, qu'elle avait premièrement appelée Athéna, sans toutefois vouloir dépasser les limites de son intimité en gardant la formule la plus respectueuse qui était celle de "mère".  Il y avait donc une certaine retenue dans les propos de sa fille qu'elle devait probablement choisir avec soin tandis que son cerveau bouillonnait.

" - Pourquoi m'as tu appelée ?"

Lui demanda t-elle. La déesse voulait que sa fille parle la première, qu'elle lui demande ce qu'elle voulait, avant qu'Athéna ne parle à son tour et qu'elle recadre ce qu'il fallait recadrer.

Un silence régna soudain. Sophie comprit qu'Athéna devinait que Sophie ne savait comment réagir. Elle savait qu'elle s'était préparée à cette rencontre mais elle venait de ne pas suivre le conseil de sa mère : penser avec sa tête et non avec son coeur. C'était mal de penser avec son coeur, cela démontrait trop de faiblesse. Et ces temps-ci, elle se sentait justement très faible. Elle en avait vécu des choses et elle avait besoin de se confier. C'était urgent.

- Pourquoi m'as-tu appelée ?

Elle fixa sa mère. Les yeux de So pétillaient. Elle allait enfin pouvoir aller dans le droit chemin. Car, après tout, ce n'est pas parce qu'on a pris une direction qu'elle ne peut pas changer. Elle cherchait comment répondre, comment expliquer son malheur tout en restant ferme et diplomate. En restant la fille d'Athéna qu'elle voulait qu'on voie en elle. Mais elle parlait de son mal, de sa souffrance, de son chagrin et elle allait en parler à celle qui en avait causé beaucoup. Mais c'était aussi grâce à Athéna que Sophie était ce qu'elle était. Elle décida de parler avec sincérité. Même si ce n'était pas l'image qu'elle souhaitait renvoyer.

- J'ai besoin de ton aide. J'ai vraiment besoin de ton aide. Je n'arrive pas à suivre tes conseils, trop de choses m'ont bouleversée. Maman (elle avait besoin de dire cela, parce qu'elle était comme une gamine à qui on avait volé sa glace), je ne sais plus quoi faire. Je suis désespérée. J'ai trop mal. Athéna, tu m'as vue ? Tu m'as vue face à Matthew ? (Elle s'en voulut, mais elle laissa couler une larme tant cela la terrifiait) Tu as vu ? J'ai été tellement idiote. J'ai beau essayer d'empêcher les combats, je ne fais que les raviver. Je ne suis pas à la hauteur de tes espérances, je suppose. Athéna, je crois... je crois que c'est plus grave. Il a essayé de me forcer à te croire mauvaise. Il hait les dieux... Et si il n'était pas le seul ? Il pourrait très bien... faire comme... faire comme Luke ! Il a failli me tuer ! J'ai tellement eu peur...

Elle se tut. Elle avait tellement honte d'avouer ça, elle se sentait davantage faible. Il fallait y remédier.

Athéna regarda sa fille qui se tenait bien droite. On pouvait déceler dans son regard une lueur de joie intense, provoquée probablement par le fait qu'elle voyait sa mère réellement, pour la première fois, dans le sens où elles allaient avoir une conversation d'adulte à adulte. Athéna, de sa haute taille, dominait la conversation et écoutait les paroles de sa fille. Bien sûr l'énième prière de sa fille pour qu'elle se présente à elle devait avoir un but, sinon elle ne continuerait pas inlassablement de la faire, mais Sophie semblait prise au dépourvu. Voyons elle allait bien trouver ses mots.

- J'ai besoin de ton aide. J'ai vraiment besoin de ton aide. Je n'arrive pas à suivre tes conseils, trop de choses m'ont bouleversée. Maman (elle avait besoin de dire cela, parce qu'elle était comme une gamine à qui on avait volé sa glace), je ne sais plus quoi faire. Je suis désespérée. J'ai trop mal. Athéna, tu m'as vue ? Tu m'as vue face à Matthew ? (Elle s'en voulut, mais elle laissa couler une larme tant cela la terrifiait) Tu as vu ? J'ai été tellement idiote. J'ai beau essayer d'empêcher les combats, je ne fais que les raviver. Je ne suis pas à la hauteur de tes espérances, je suppose. Athéna, je crois... je crois que c'est plus grave. Il a essayé de me forcer à te croire mauvaise. Il hait les dieux... Et si il n'était pas le seul ? Il pourrait très bien... faire comme... faire comme Luke ! Il a failli me tuer ! J'ai tellement eu peur...

Supplications. Phrases courtes. Et cette insistance : Sophie avait réellement besoin d'aide cela ne faisait aucune doute. La fille d'Athéna semblait perturbée, et réellement terrifiée par le fils d'Eris. Cela ne choqua pas la déesse que l'enfant de la discorde et sa fille ne s'entendent guère, voire se haissent. Athéna sentit la grande détresse de sa fille, sa peur, sa terreur, tout ceci la fouetta au visage comme un vent trop fort et trop froid qui brûle les joues. La façon qu'avait Sophie de se jeter à ses pieds en suppliante toucha la déesse de la sagesse. Pourquoi ? Pourquoi avait elle craquée à ce moment là de sa vie ? Là où ses convictions devaient être plus fortes que jamais, pourquoi étaient elles devenues si fébriles et si facile à briser ? Depuis quand Sophie était elle devenue fragile ? Athéna ne s'était jamais souciée réellement du bien être de Sophie car elle lui paraissait apte à se défendre. Mais manifestement elle s'était trompée, et même si cela paraissait inconcevable pour la déesse de l'admettre, elle avait fait une erreur qui avait failli coûter la vie à son enfant.

Intérieurement Athéna bouillonnait. Elle avait vu la scène lorsque Matthew et elle s'étaient battus en pleine rue. L'adolescente, poussée par la rage des pouvoirs de son ennemi, avait vociféré toutes sortes d'injures à l'encontre de sa mère qui avait marqué la déesse. Non pas qu'elle aie été atteinte par ce que disait Sophie, elle était au dessus des insultes des demi-dieux, mais l'horreur de la scène l'avait frappée. Elle qui était habituée à tant de violence ne voyait pas comment on pouvait laisser pour morte une jeune femme dans la rue et s'enfuir. Sophie pleurait. Bouleversée par les souvenirs de cette journée. La déesse pencha son regard sur l'enfant qui lui paraissait alors qu'une faible petite branche pouvant se briser à toute moment et dit avec prestance :

" - Ce n'est pas du serpent dont il faut avoir peur, mais du chemin emprunté par celui qui lui écrasera la tête. Tu ne dois pas douter de tes convictions Sophie. La violence est parfois nécessaire pour comprendre ce qui était obscur à nos yeux. Ce jour là tu as découvert que tu n'étais pas assez forte, tu te rends compte que ton apprentissage n'est pas terminé. Cesse de provoquer. Ce n'est pas ce que je t'ai appris. Tu dois prendre de la mâturité, sans ça tu resteras une simple sang-mêlée insignifiante. Tu dois arriver à t'élever réellement au rang de demi-déesse. Deviens ce que tu es. Deviens ma fille."


Athéna fixa sa fille avec un air grave. C'était important qu'elle comprenne que la prochaine personne ne serait pas terrifiée à l'idée de tuer quelqu'un et qu'une telle provocation pourrait la mener à la mort. Une telle mort n'étant pas digne d'une fille d'Athéna, ni digne d'un être vivant. C'était stupide, puéril et peu réfléchi. Et Athéna savait que Sophie réfléchissait toujours, qu'elle faisait de son mieux : mais ce n'était pas assez.

 - Ce n'est pas du serpent dont il faut avoir peur, mais du chemin emprunté par celui qui lui écrasera la tête. Tu ne dois pas douter de tes convictions Sophie. La violence est parfois nécessaire pour comprendre ce qui était obscur à nos yeux. Ce jour là tu as découvert que tu n'étais pas assez forte, tu te rends compte que ton apprentissage n'est pas terminé. Cesse de provoquer. Ce n'est pas ce que je t'ai appris. Tu dois prendre de la mâturité, sans ça tu resteras une simple sang-mêlée insignifiante. Tu dois arriver à t'élever réellement au rang de demi-déesse. Deviens ce que tu es. Deviens ma fille.

Sophie resta silencieuse, buvant les paroles de la déesse. Sa voix l'apaisa brusquement, tandis qu'une vague de réconfort l'emplit de partout, l'animant d'un courage inattendu, mais hélas faible. Deviens ma fille. Elle serra le poing en se répétant les paroles de sa mère dans sa tête. Elle s'était toujours vantée de son statut de demi-déesse. De fille d'Athéna. Elle en était réellement fière. Et tout en elle se décomposa lorsqu'elle réalisa que sa mère ne la trouvait visiblement pas à la hauteur.

Mais elle s'était battue, Sophie, ce jour-là. Elle avait lutté contre la mort. Contre Matthew. Elle en avait fait, des cauchemars. Elle avait été totalement bouleversée. Et cela l'enrageait en même temps. Parce qu'elle détestait être victime de ses propres émotions. L'indifférence était plus facile à surmonter. Mais devoir se battre contre la colère, la culpabilité et bon nombre de sentiments qui n'avaient pour objectif que de la tuer à petit feu, c'était trop lui demander.

Elle avait beau écarté tout ceci de son chemin, rester indifférente, elle se faisait toujours prendre pas surprise. Et des fois, elle avait peur. La peur... Cela la répugnait tellement. Elle se sentit davantage faible. 

Chassant ces funestes pensées de sa tête, elle hocha la tête en direction de sa mère. Oui, elle allait devenir plus mature. Elle allait stopper les provocations. Ce n'était pas parce que So' était assez violente en soit que cela la rendait mauvaise. Clairement pas. 

Elle se souvint du terrible épisode. Son regard avait viré au noir, ce jour-là. Elle était furieuse. Furieuse, oh oui. Et cette fureur remonta en elle, la forçant à cracher ces mots avec une détermination qui ne sortait de nul part :

- Tu as raison. Tu as toujours raison, de toute manière. J'avais besoin de ça pour comprendre. Je suis faible. Et idiote. Je m'efforce de te ressembler, mais je ne pourrais jamais. Je fais trop d'erreurs. Mais je crois en toi. Et je refuse de me laisser abattre. Un jour, je reverrai Matthew (elle bafouilla légèrement en disant son nom). Et je me vengerai! 

Elle baissa les yeux. Chaque fois qu'elle disait quelque chose, elle tentait de se réconforter en se sur-estimant. En faisant des promesses destinées à expliquer qu'elle était capable de tout. Mais elle le savait. Elle savait bien qu'elle n'arriverait probablement pas la moitié de tout ce qu'elle avait craché avec la fureur qui avait permis à la peur de s'infiltrer dans son corps. 
Foutues émotions ! Mais quelle idiote ! Quelle idiote !

- Pense avec ta tête et non avec ton coeur, souffla-t-elle à la déesse. Ce que tu m'as dit un jour. Je n'arrive même pas à utiliser ton conseil. Je le comprends, pourtant. Tu as été trop clémente en me recommandant ça. Je serais carrément morte, si tu ne m'avais pas permis de comprendre tout cela. Merci, Athéna. De m'avoir répondu.
 
Sophie faisait peine à voir. Les larmes avaient creusé ses joues et marqué ses traits pour un bon moment. Et cela faisait parti de la grande liste de chose que ne supportait pas Sophie.

Athéna regardait Sophie qui l'écoutait. Ayant peu de relations avec ses enfants, elle veillait toujours à ce que leurs rencontres, bien que brèves, leur soient profitable et assez marquantes. Et sa fille, sa guerrière, semblait l'écouter attentivement. Sophie était en fait une des enfants qui lui demandaient le plus de conseil, et qui vouait une réelle admiration à sa mère. En même temps elle voulait être à la hauteur, mais en même temps elle n'y arrivait pas et cela la frustrait. La plupart du temps, elle réfléchissait, ce qui était une bonne chose, mais elle réfléchissait trop, ce qui nuisait à un bon raisonnement et paralysait les réflexes qui peuvent, en cas de combat, vous sauver la vie. La déesse de la stratégie bien sûr ne disait pas qu'il ne fallait pas réfléchir, elle savait seulement quand trouver le juste milieu pour faire quelle chose à quel moment, ce que sa fille ne réussissait pas à faire.

- Tu as raison. Tu as toujours raison, de toute manière. J'avais besoin de ça pour comprendre. Je suis faible. Et idiote. Je m'efforce de te ressembler, mais je ne pourrais jamais. Je fais trop d'erreurs. Mais je crois en toi. Et je refuse de me laisser abattre. Un jour, je reverrai Matthew (elle bafouilla légèrement en disant son nom). Et je me vengerai!

Bien sûr elle avait très souvent raison, c'était une de ses grandes qualités. Mais Athéna savait que sa fille n'en avait jamais douté, bien qu'elle le pense. Evidemment elle ne pouvait pas être une Athéna, mais elle tendait à s'en rapprocher et le but qu'elle s'était fixé n'en était que plus noble. Mais les erreurs sont humaines, les mortels font des erreurs, et elle ne pourra jamais devenir sa mère. L'idée de vengeance de Sophie n'alarma guère Athéna. Parfois la vengeance était nécessaire, et la déesse pensait que la jeune sang-mêlée avait besoin de cette vengeance, pour se considérer comme une femme, pour reprendre ce qui lui avait été enlevé, son honneur et son intégrité. Mais pour l'instant elle était trop faible. Beaucoup trop faible pour affronter à nouveau ce Matthew qui la mettrait en pièce si elle le croisait. Il pouvait la tuer, Athéna en était certaine, et il était trop fort pour sa fille, pour le moment. Elle n'était pas de taille et ne voulait pas s'avouer à elle-même qu'il pouvait y avoir des ennemis qu'elle ne pouvait battre. C'est une chose compliquée de ne pas se surestimer, et c'était peut être l'un des plus gros défauts de Sophie: elle ne savait pas être humble, et pensait toujours qu'elle pouvait tout réussir. Bien sûr il est important de croire en ce que l'on entreprend, mais il ne faut pas non plus se leurrer quant à la réussite de nos entreprises. Il ne faut pas viser trop haut, s'attaquer à trop important, se confronter à trop difficile, sinon l'on se décourage et l'on finit par perdre, inévitablement.

- Pense avec ta tête et non avec ton coeur, souffla-t-elle à la déesse. Ce que tu m'as dit un jour. Je n'arrive même pas à utiliser ton conseil. Je le comprends, pourtant. Tu as été trop clémente en me recommandant ça. Je serais carrément morte, si tu ne m'avais pas permis de comprendre tout cela. Merci, Athéna. De m'avoir répondu.

Bien sûr que ce conseil était précieux. Mais maintenant Sophie allait pouvoir l'utiliser à son avantage, maintenant qu'est venu le temps pour elle de pleinement le comprendre. La déesse savait que sa fille lui vouait un grand respect et elle était très fière d'elle sur ce point-ci. Elle serait morte, c'est vrai, mais Athéna veillait toujours sur ses enfants, et toute chose qu'elle leur disait pourrait un jour leur servir.

" - Je suis persuadée qu'en t'entraînant tu pourras devenir une meilleure guerrière, et une meilleure femme, et qu'un jour tu seras prête pour ce combat. Mais ne te focalise pas uniquement sur la vengeance, ou elle te consumera de l'intérieur et tu deviendras un être aussi mauvais que lui."

Répondit la déesse faisant un pas vers sa fille. Elle posa une main sur son bras comme pour lui donner sa force et se recula. Puis dans un halo de lumière elle disparu. La belle femme partit et l'on entendit que sa voix qui murmura un "Au revoir Sophie." avant de se perdre dans la nuit.