Pour une fois que Wesley Lincoln s'était sentit fier et important pour une tâche quelconque, il fallait que sa stupide demi sœur – qui était aussi malheureusement sa cousine – vienne tout gâcher, une énième fois.  Il faisait partit des pensionnaires « âgés » de la colonie, et donc quand on avait su que deux pauvre demi-dieux traînaient quelque part en danger, on lui avait confié la tâcher d'aller les chercher. Et lui qui pensait accomplir cette tâcha avec un type cool, du style William, ou même sa sœur jumelle, Zoey, non, on lui refourguait Anna. La terrible Anna, qui était loin d'être une fille douce et délicate. Franchement, parfois Wesley qu'il n'avait pas de chance. Ils ne s'aimaient pas, ils se chamaillaient sans cesse et même si c'était les meilleurs partenaires du monde en matière de conneries, le fait qu’ils doivent travailler être ensemble était rarement une bonne idée.

Aller tu te bouge oui ?

Et en l’occurrence, cela faisait exactement six heures qu'ils auraient dû quitter le camp. Mais il fallait dire que Wesley aimait l'ennuyer, et vice versa. Alors quand elle en traînait pas des pieds pour le faire gueuler, il le faisait. Il avait aussi trouvé l'excuse bidon du « j'ai oublié mon arme » pour retourner à la forêt. En clair, ils avaient réussis à se ralentir eux même dans leur mission et maintenant ils s'étaient un poil paumé dans la partie sombre de la forêt qui longeait la colonie des sang mêlés. Des monstres il y en avait ici, mais ce n'était pas de ça que Wesley avait le plus peur. Non, Anna était un motif d'angoisse bien plus important. Prit d'une subite envie d'encore la faire râler, il se laissa tomber au pied d'un vieil arbre et fit mine de refaire ses lacets.

Chui fatigué, je vais faire une pause.  

Et pour quelqu'un de très endurant comme Wesley, cela ne collait pas vraiment. Mais bon tant pis. Il ouvrit son sac et en sortit un paquet de bonbons volé au plus petit dans son bungalow.  

T'as pris quoi toi ?

Bien évidement par pris, il entendait « volé aux autres débiles de la tente voire ceux d'à côté ». Car si on enlevait les armes de leur inventaire, Wesley n’avait pas grand chose qui lui appartenait.

Moi j'ai emprunté des tonnes de trucs à mangé, un tee shirt que je trouvait cool, une paire de lampe torche trop fun, regarde elle change de couleur – il montra sur le champ de quoi était capable sa nouvelle trouvaille -  ce parfum qui sent trop bon au cas où une jeune demoiselle en détresse se joigne à nous...

Bon, cela ne risquait pas d'arriver. Les deux enfants d'Hermès avaient tendance à faire fuir les gens quand ils approchaient. Et puis que de toute façon, avec Anna dans le coin, Wesley en réussirait à rien. Elle gâchait toujours tout. Du moins, c'était son point de vue de temps en temps. Il voulait bien admettre que de temps en temps, il lui arrivait de se soucier d'elle. Comme la dernière fois où une folle s'était transformé en femme-poisson sous leur yeux – et pas les femmes poisson de la mythologie, non non, celle de Disney carrément -  et quand cette folle avait essayé de les noyer. Là Wesley voulait bien avouer qu’il s'en était fait pour elle.

Tu sais quoi ? Il fait tard, j'te propose qu'on parte que demain à l'aurore. Ils attendrons ces demi-dieux...

« Il va falloir que tu fasses équipe avec Weasleight. Ces deux jeunes sang-mêlés ont bes… »
« Pardon ? Mais vous êtes dingue ! »

La conversation entre le directeur du camp, donc monsieur D, et Anna s’était déroulée à peu près de cette façon. Il lui avait vaguement exposé les objectifs de la mission avant de lui annoncer l’identité de son partenaire. Forcément, à cet instant précis, les choses avaient dégénéré et la demoiselle avait quitté la Grande Maison en claquant les portes derrière elle. Une mission, ça voulait dire laisser sa taverne florissante derrière elle, aux commandes de son associée. Non pas qu’Anna ne lui fasse pas confiance mais elle avait un besoin presque maladif de tout contrôler. Surtout quand il était question de commerce et d’argent, en fait. Le problème là-dedans ? Anna ne supportait pas Wesley. Déjà, il s’agissait de son cousin – leurs mères avaient eu l’excellente idée d’être sœurs, bien évidemment – mais il se trouvait qu’il était également son demi-frère – le Destin faisant bien les choses, monsieur Hermès le dieu des voleurs et de toutes les choses sympathiques qui composait le monde avait eu l'idée ’e génie d’aller frayer avec les deux. Bah oui, sinon ce n’était pas drôle. Donc autant dire qu’il y avait une vieille rivalité entre eux, doublée d’un sentiment beaucoup plus bizarre que la jeune fille n’arrivait pas à déterminer.

« Aller, tu te bouges oui ? »
« Et c’est toi qui dis ça ? Crétin ! »

Anna était un amour de fille, d’une gentillesse et d’une amabilité rare. Wesley et elle auraient dû être partis voilà bien six heures et ils auraient même eu le temps d’arriver à destination. Mais puisque monsieur D avait eu l’idée lumineuse de les mettre ensemble – comme quoi, certains n’apprenaient pas de leurs erreurs passées – ils ne seraient probablement pas de retour à la Colonie avant plusieurs semaines. Au moins. Le temps de se disputer, de se battre, de se perdre, de faire des caprices, d’être copains comme cochons, de faire des choses qu’ils regretteraient par la suite, et cætera et cætera. Ah, sans oublier de ramener les deux sang-mêlés perdus qu’ils allaient chercher à l’origine.

« Chui fatigué, je vais faire une pause. »
« T’es vraiment inutile. Un crétin doublé d’un parfait empoté. »

Anna jeta un regard mauvais à son cousin mais s’assit tout de même à ses côtés, au pied d’un arbre. Elle maugréait intérieurement, maudissant son demi-frère et cette stupide entreprise pour aller ramener des mômes baveux et pleurnichards tout en songeant avec dépit à sa chère taverne perdue au milieu des bois.

« T’as pas besoin d’une pause, on est juste paumés. Admets-le au moins. » Voilà, Anna boudait pour de bon, même si elle ouvrit son sac avec bonne volonté. « Hum, j’ai chouré de quoi manger… » Elle entreposa devant elle de quoi tenir au moins six jours. « … une dague à mon voisin de hamac – il ne verra même pas qu’elle a disparu, de toute façon – ainsi qu’une peluche de Pikachu… » Elle sortit ladite dague en bronze impérial et la peluche Pokémon. « … et… Ah ! Oui voilà, une montre. Elle indique l’heure mais elle sert aussi de boussole pour trouver ce qu’on veut le plus au monde. Un peu comme le compas de Jack Sparrow. »

C’était sa plus belle trouvaille, selon elle. Enfin, si on pouvait appeler trouvaille quelque chose qu’elle avait délibérément dérobé à l’un de ses demi-frères. De toute façon, les enfants d’Hermès passaient les trois quarts de leur temps à chaparder des trucs aux autres. Et dans ce domaine, Wesley et elle étaient les rois.

« Soit dit en passant, aucune demoiselle en détresse ne se joindra à tout. T’es trop laid pour les attirer. »

Et Anna serait trop jalouse pour les laisser approcher, surtout. Mais bien évidemment, elle ne songeait pas à ça car non madame, elle n’était jamais jalouse de cet idiot de cousin ! Jamais, jamais ! De son point de vue, tout du moins.

« Ouais, pionçons-là. »

Anna aurait bien aimé le contredire mais en l’occurrence, elle n’avait pas envie de faire dix bornes supplémentaires pour se rendre compte au petit matin qu’ils s’étaient contentés de tourner autour de la Colonie, encore et encore. Et ça leur était déjà arrivé, ce qui expliquait sa méfiance. La demoiselle fille d’Hermès attrapa son sac de couchage, l’étendit avec soin sur le sol et sortit un briquet. Elle ne demanda pas à Wesley s’ils faisaient un feu : elle le fit, c’est tout. Enfin, elle sortit une poche de marshmallows d’un pack de nourriture qu’elle avait fauché et farfouilla dix bonnes minutes jusqu’à dénicher la dague. Brochette de marshmallows sur dague en bronze impérial ? Ouais, brochette de marshallows sur dague en bronze impérial. Elle se faisait son pique-nique depuis dix minutes déjà quand un truc dans les taillis remua. Là, juste derrière elle. Anna poussa un hurlement strident rien que pour agacer son frère et cousin et lui sauta dessus, l’aspergeant de marshmallows un peu trop grillés et sur le point de fondre.

« UN MOOOONSTRE ! »

Ou une souris, au choix.

Les piques d'Anna le faisait plus rire qu'autre choses. Peut être parce qu'il en avait tellement l'habitude qu'au final cela ne le piquait plus trop au vif ? Ou alors il aimait ça, tout simplement. Paumé ? Oui ils l'étaient sûrement. Mais non, le fils d'Hermès ne l'avouerait jamais voyons, ce n'était as lui ça.

Trop laid ? Tu t'es vue tronche de cake ? Va te faire...

Il ne termina pas sa phrases, trop occupé à établir ce qui serait son lit pour la nuit. Wesley jugea que son sac ferait un très bon oreiller pour ce soir. Il repensa à Monsieur D, qui devait placer de très grands espoir en eux. Bah, il pouvait aller se faire voir, il n'avait qu'à pas lui mettre Anna en temps que... Partenaire. Elle était inutile et elle l'empêchait de réfléchir correctement. Il s'allongea et la regarda du coin de l’œil se faire ses marshmallow grillés. Il se déplaça vers elle, histoire de se chauffer un peu. Il grignota ses digestive, marque de granola Irlandaise vraiment délicieux. Il en était presque à la fin de la poche – oui parce que le grand trip mental de Wesley était de les manger deux par deux, ou trois par trois s'il le pouvait – quand sa cousine demi sœur poussa un cri strident. Il leva les yeux au ciel et tandis qu'il se redressait, elle lui bondit dessus, lui renversant son repas sucré et tout collant dessus. Un marshmallow lui atterrit dans les cheveux et Wesley jura. Un monstre ? Il se retourna vers le buisson d'où provenait le bruit. Et là une chose minuscule, gris et poilu en sortit. Il poussa un petit cri – fort aigu – et sentit un nouveaux marshmallow contre sa cuisse. Berk.

UNE SOURIS !

En temps normal il n'était pas trouillard mais là... Il se précipita derrière Anna, écrasant ces bonbons au passage. Il avait l'impression que les marshmallow qui lui collait partout l'empêchait de fuir.

Fait la partir ! Vite ! hurla t-il.

Il se retint de dire qu'il avait horreur et peur de ces choses là quand elle surgissait de nul part. Il attrapa une branche du feu la pointa vers la pauvre créature qui fila vite fait. Toujours planqué derrière Anna, il essaya de décrocher le marshmallow de ses cheveux et serra les dents.

Punaise, qu'est ce que t'as foutu andouille ?

Et alors il sentit quelque chose grimper le long de sa jambe. La chose poilu. Il hurla encore plus fort et sautilla autour du feu de camp.

Elle est là ! Elle me mange la jaaaaaambe ! Aide moiiii ! Annaaaa !

Et tandis qu'il sautait dans tout les sens, sa conscience lui disait qu'il allait sûrement le regretter plus tard. Une autre souris sortit du buisson et Wesley se demanda combien elles étaient. Il ne cria plus, et l'envoya bouler d'un coup de pied. Et ce fut là que Wesley calcula mal son coup. Car Anna devait peser à tout casser cinquante kilos. Lui au moins soixante dix. Elle mesurer un mètre soixante, et lui vingt de plus. Et il se jeta pourtant dans ses bras, dans l'espoir qu'elle le sorte de là, sauf que bien évidement, il l'écrasa. Les deux sourire firent demi tour après avoir attrapa un bout du festin de sa cousine. Toujours complètement sonné, et écrasant la pauvre Anna dans le même temps, Wesley lui hurla dessus à nouveaux.

Non mais... C'est entièrement ta faute ! Si tu avais pas... Tes... Tes marshmallow aussi là ! Tu m'entends ?! J'en ai plein partout ! Je te déteste ! Raaah !

Et évidement, au milieu de la forêt, on pouvait rêver pour trouver une baignoire, ou une douche digne de ce nom.

Wesley avait peur des souris. C’était tellement ridicule comme phobie – ils étaient des demi-dieux quand même ! – que Anna en resta bouche-bée un bon moment. Et puis bien évidemment, elle sauta sur l’occasion de taquiner son cousin. Elle n’aurait raté cela pour rien au monde et il venait de lui offrir une information capitale. Mais d’abord, il fallait qu’elle sorte de sous ce gros tas.

« Mais pousses-toi, t’es super lourd, idiot ! »

Elle le repoussa avec la douceur qui lui était coutumière – soit avec une brutalité hors-normes vu son gabarit assez frêle et peu effrayant.

« Genre Wes-la-fesse a peur des souris. Des souris ! Un minuscule animal qui ne ferait pas de mal à une mouche ! Tu me dirais que t’as peur des rats, encore… À la limite. Mais d’une souris ? J’ai honte d’être ta sœur et cousine, parfois. »

Elle décolla un marshmallow de sa tignasse et l’engloutit en regardant Wesley de haut, ce qui était un véritable exploit aux vues du nombre de centimètres qui les séparaient l’un de l’autre.

« T’as un marshmallow sur le front. Juste là. » Anna se tapota le front du bout du doigt et se réinstalla dans son sac de couchage. « Si t’as fini de faire le clown, on va peut-être pouvoir se reposer avant que tu n’attires toutes les bestioles de la forêt avec tes cris ? Sur ce, je vais me coucher, avant que tu n’aies une brillante idée pour nous faire tuer. »

Anna se glissa dans son sac de couchage après lui avoir tiré une dernière fois la langue et lui tourna le dos.

Ouais ben heu hein... les souris j'aime pas hein ? marmonna t-il.

Ok, en face d'elle c'était la honte, cette fille, cette chose ingrate qu'il se devait d’appeler cousine ou de sœur – au choix – avait le don de rendre certaines choses particulièrement humiliantes. Il haussa les épaules lui tira la langue en retour, et mangea un dernier bonbon collant qui ne sortait de il ne savait trop où. Il la regarda se glisser dans son sac de couchage et fouilla quelques instants dans son sac, l'air perdu. C'était pas lui qui allait les faire tuer, c'était elle le danger public, la fille qui avait le don de les mettre dans des situations pas possibles... Bon d'accord, il était doué à ça lui aussi. Et alors sa main trouva quelque chose, une boisson en briquette. Jus de fraise. Périmé. Franchement les enfants de Dionysos ne faisait pas attention à ce qu'il stockaient sous leur matelas. Alors une idée brillantes, lumineuse, géniales lui vint à l'esprit. Son regard se porta sur la demi déesse couché dans son sac de couchage et un immense sourire fit son apparition sur le visage de son demi frère. Il se leva et enfonça une paille dans la briquette. Il se pencha vers le creux de son oreille et pencha la briquette, et commença à appuyer.

Anna chérie... ? Anna ?

Et le jus de fraise commença à dégouliner le long de sa nuque, puis dans son oreille. C'était magique. Quand elle réagit il éclata d'un grand rire sonore, terriblement fier de sa plaisanterie.

Haha, tu devrais voir ta tête ! Épique ! Anna t'es trop drôle !

Bon au fond elle n'y était pas pour grand chose, mais elle était quand même très drôle à voir comme ça. Il se plia en deux, jetant la briquette par terre. Oh, c'était à refaire ça, à refaire...

Le sommeil commençait tout juste à gagner la jeune fille, lui faisant lentement fermer les yeux pour s'endormir et reprendre des forces, quand quelque chose la fit émerger en sursaut. Il lui fallut trois secondes pour capter que cette gêne provenait de son oreille droite, et encore une supplémentaire pour saisir qu'on lui versait quelque chose à l'intérieur. Avec un cri de surprise, elle se redressa d'un bond, le jus de fraise coulant dans son cou puis sur son chemisier.

« Putain, crétin ! »

Voilà qu'elle faisait des rimes à présent. Secouant sa tignasse pleine de jus de fraise collant, elle se précipita vers Wesley qu'elle renversa avec aisance malgré la différence de taille, peut-être parce qu'il se laissa en partie faire.

« Tu vas mourir à coup de chatouilles ! »

Les chatouilles, ça pouvait être limite mortel si elle le chatouillait tellement qu'il en riait à en perdre le souffle. Le chatouillant d'une main, elle donna un coup de pied dans le sac du demi-dieu pour le rapprocher et farfouilla difficilement jusqu'à tomber sur le pack de briquettes. Hop hop, une paille dans chaque narine et elle appuya comme une bourrin, regardant le liquide rose monter dans les pailles tricolores avec plaisir.

« Alors, c'est sympa ? »

Quelques chamallows fondus collés dans les cheveux de Wesley plus tard, elle s'écarta, fouillant les ombres à la recherche d'une souris.

D'accord, il l'avait chercher, il l'avait aussi un peu poussé... Mais la voir dans cette état lui donner juste envie de rire, de rire... Et elle entra dans son jeu, comme elle le faisait toujours. Elle se vengea, se jetant sur lui et le chatouillant avec force. C'était parfois tellement marrant de voir comment un si petit être – parce que Wesley trouvait sa cousine minuscule comparé à lui – être aussi fort. En revanche, quand il se reçus du jus de fraise dans la tronche et que plus particulièrement son nez fut visé, il vit rouge, forcément. Il hurla de rage – et de rire – et attrapa Anna par la nuque, frottant avec force sa tignasse rousse.

Tu vas voir !

Oh il la voyait bien venir, aller lui débusquer le fruit de ses cauchemars dans les buissons... Hors de question. Il s’élança vers elle l'air complètement allumé. Le reste de la boisson fruité termina dans ses mèches colorés et il rigola de bon cœur.

Tu es encore mieux comme ça Nana ! Cette couleur te va à ravir, j'ai toujours pensé que le roux t'allait pas, il était temps de penser à changer, laideron... Et tant que j'y suis, si tu veux me battre à ce genre de jeux, faudrait aussi songer à grandir un coup. C'est pas tout de faire un mètre dix mais...

Oh il savait qu'elle allait répliquer, il attendait que ça. Non, il était pas malade, et non, son grand trip n'était pas de se faire frapper par sa demi sœur... Juste un peu. Il fallait dire que les seuls moments sympa, vraiment marrant qu’il passait c'était avec elle. Chose qu'il n'arrivait pas à admettre et qu'il ne lui dirait probablement jamais.

« Mais ta gueule ! »

Anna était peut-être rapide mais Wesley l'était tout autant et il l'attrapa sans aucun problème. Bien évidemment, elle se débattit avec force, cherchant à échapper à l'emprise de son cousin et de sauverses cheveux des nœuds. Pas comme si elle avait le temps de passer deux heures à se les démêler après tout ! Enfin, il fallait croire qu'il était un peu tard pour ça : la boisson acheva sa très courte vie dans ses cheveux déjà poisseux, se répandant sur ses mèches et lui goûtant dans le dos.

«  Le roux m'allait très bien, tête de gland. Tu crois sérieusement que t'es beau avec ton gros visage tout rond et ta tronche d'enfant de cinq ans ? Débile… Et d'abord, je fais un mètre cinquante-six, pas un mètre dix… Et puis tout ce qui est petit est mignon. On peut pas franchement en dire autant de toi, hein… Gros, moche, maladdroit, bruyant, trop visible… Pas franchement réussi tout ça. Tu es sûr que Hermès est ton paternel ? Non parce que pour un rejeton du dieu des voleurs, tu aurais sacrément du mal à entrer discrètement quelque part. »

Anna tira la langue à Wesley, un sourire moqueur sur le visage, esquiva les bras qu'il tendait vers elle et s'élança en riant vers les buissons.

« Devine qui je vais chercher, Wes-la-fesse, devine qui ! Ton amie la souriiiis ! Hii, une souriiis! »

Prenant une voix suraigue, elle imita une tête terrifiée en s'enfonçant dans les sous-bois. Peut-être allait-elle trouver une bestiole assez rapidement, voire deux… Elle pourrait ensuite les glisser dans le sac de son demi-frère et… Surprise quand il le rouvrirait la fois d'après. Bref, elle disparut donc dans les ombres de la forêt, un immense sourire réjoui toujours plaqué sur le visage. L'obscurité se referma sur la demoiselle comme une gueule béante sur sa proie, l'avalant toute entière en moins d'une minute. Le silence se fit peu à peu au fur et à mesure qu'elle s'éloignait de leur petit campement. Concentrée sur ses recherches comme elle l'était, Anna ne vit pas la faible lueur du camp s'éloigner, tout comme elle n'aperçut pas les fines silhouettes qui courraient silencieusement en meute à ses côtés. Mais ombres parmi les ombres, elles se glissaient de fourré en fourré, les crocs au clair, les griffes luisant légèrement dans la pénombre du sous-bois.

« Souris souris, par ici... » chantonna la demoiselle.
« Anna, Anna, par là... » murmura une voix rugueuse au creux de son oreille.

La petite déesse sursauta violemment et se retourna pour se retrouver face au visage monstrueux d'un cyclope. Le hurlement qu'il monta en elle resta bloqué dans sa gorge tandis que la créature lui plaquait une main sur le visage. Un large sourire fendit les traits du monstre, un sourire clairement satisfait et glouton.

« Ah là là, j'attendais la sortie de jeunes demi-dieux en pleine nuit depuis si longtemps… D'habitude, vous sortez en plein jour et vous vous hâtez de gagner les villes ou d'autres terres… Mais pas toi. Et les demoiselles sont les meilleures, surtout à la genèse de leur existence. »

Le cyclope semblait prêt à se lécher les lèvres avec envie. Il attrapa Anna par le col de son chemisier et lui asséna un violent coup de poing qui atteignit la sang-mêlée à la tempe, l'assomant sur le coup, avant de la jeter sur son épaule tel un vulgaire sac de patates.

***

Lorsqu'Anna reprit connaissance, la forêt avait laissé place à une petite caverne, sans aucune entrée visible. Menottée – avec des menottes qui n'étaient de toute évidence pas de la première jeunesse et srtout destinées à des jeux plus qu'à des fins d'emprisonnement (comme en témoignait l'espèce de moumoute rose qui enserrait les bracelets métalliques) – et enchaînée à la paroi de pierre de l'endroit, elle ne risquait pas d'aller bien loin.

« Un peu de basilique, ça change tout ça. »

Dans l'obscurité, Anna n'avait pas vu la présence de son ravisseur, mais elle sentait sa présence à présent – dans tous les sens du terme sentir, d'ailleurs. Elle le devina en train de verser des choses dans ce qui semblait être un chaudron.

« Et cette plante pour bien décoller la chair des os. Parfait, parfait ! »

A croire qu'il allait la manger…

Elle était pathétique. Il se demandait vraiment pourquoi il avait dû faire équipe avec cette idiote de nana qu'il se devait d’appeler « cousine » ou « demi-sœur » au choix. C'était une honte de devoir traîner avec elle, là, et de devoir batailler pour tout et n’importe quoi. Oh parfois il avait bien envie qu'elle parte pour toujours... « Dis pas de bêtises, vous êtes de la même famille quand même... » Et c'était bien ça le problème. Il lu jeta un dernier regard noir avant qu'elle fonce dans sa quête. Trouver une souris, et ben bonne chance ! Oh, Wesley n'en avait pas fini, il humidifia le duvet de la jeune fille et y émietta quelques gâteaux sec. Elle voulait des souris ? Et bien elle allait dormir avec cette petite sotte. Il rigola tout seul et se glissa dans son duvet à lui, qui était encore en état, dieu soit loué. Il attendit patiemment qu'elle revienne. Qu'elle était lente... Boh, elle avait du sa casser une cheville, elle devait ramper dans la forêt, perdue, sale... Le sourire de Wesley s'agrandit encore plus, quelle douce vision. Mieux que ça, elle était tombée dans un trou et elle était coincée pour de bon ! Sauf que le temps passait et qu'elle en revenait pas. Au début il se disait que tout était mieux comme ça, mais au fond, quelque chose le poussait à s'inquiéter un peu.

Wesley ?

Génial. Elle était enfin de retour ! Il se leva mais ne vit personne. Super, elle avait du trouver son stupide rongeur et voulait peut être lui balancer dessus par surprise ? Ou alors elle voulait jouer à cache cache ?

Chui pas d'humeur nana, grouille toi de venir.
Wesley ? Vient steuplait...
Laisse tomber.

Il alla se remettre dans son duvet. Non, il n'irait pas l'aider, nan mais quelle galère ! Sauf que ce n'était pas Anna qui lui causait, mais quelque chose de bien plus volumineux et beaucoup plus moche. Un cyclope. Cyclope qui se pointa devant lui, l'attrapa par les jambes et le renifla comme on reniflait un tas de gâteaux alléchants. Il poussa un petit cri.

Non, je ne laisse pas tomber... chantonna la bête.

La voix de Anna dans ce corps était ignoble, elle ne lui allait pas. Et Wesley se fit donc balancer de gauche à droit et fini par croire qu'il allait vomir tout ce qui lui restait dans le ventre. Il approchait visiblement de son camp, super. Le jeune fils d'Hermès n'était pas dupe, les cyclope aimait les demi dieux. Enfin aimer dans le genre, avec une sauce et d'autres animaux morts. La caverne se rapprochait, et Wesley, toujours dans son duvet ferma les yeux. Si il avait pu copier la voix d'Anna, c'est qu'il l'avait entendu... Il l'avait donc... Mangé ? Il se crispa, mal à l'aise quand la chose le sortit de son duvet et le menotta avec des menottes hors du commun. Une sorte de kit pour soirée coquine en réalité, parce qu’évidement Wesley avait hérité des menotte léopard teinté verte. C'était... Ravissant.

Beaucoup plus épais celui là, délicieux !
Ta gueule je réfléchis.

Le cyclope cligna de son unique gros œil, mais ne fit rien de stupide. Oh, il ne devait pas avoir compris, ces choses là n'étaient pas réputé pour être très malignes. Et là il la vit. Son cœur fit un bond. Elle était en vie, vivante, toujours là ! Il ne savait pas vraiment si c'était de la joie qu'il ressentait ou un soulagement immense, ou bien les deux à la fois mais... Ce sentiment était super cool. Il agita ses menottes.

Anna, qu'est ce que tu fiche là ?

Parce que pour le coup, il aurait vraiment aimé la voir coincé dans un fossé, elle y serait plus en sécurité que dans cette triste caverne. Le cyclope se retourna et Wesley sauta sur l'occasion.

Tu devrais surveiller ton mouton gros crade, y'en a qui se barrent...

Le cyclope eu l'air surpris et se précipita hors de sa caverne, pour récupérer son bien.

Alors Anna, tu pense qu'on a combien de temps pour se barrer d'ici avant qu'il se rende copte qu'il n'a jamais eu de moutons ?

Anna ne pleurait pas. Pas maintenant. Les premières minutes, elle était restée tétanisée par la peur, se pressant contre la paroi de la grotte en tirant désespérément sur les menottes à moumoute rose. Ensuite, l'énorme créature était sortie et la demoiselle s'était tout de suite sentie mieux. Non pas qu'elle soit davantage en sécurité ou sortie d'affaire avec le cyclope dehors mais... Ne plus voir son horrible face aidait pas mal. Les menottes étaient bien fermées et, même consacrées à des jeux sexuels, elle devait être conçues pour des jeux sexuels féroces car bien résistantes à souhait. Aussi se tourna-t-elle plutôt à la paroi de pierre. Enfin de pierre... La consistance se rapprochait plutôt de la terre battue en fait. La fille d'Hermès, enfant du dieu des voleurs et voleuse dans l'âme elle-même, n'en était pas à son premier cambriolage. Gratter de la terre pour rentrer, elle savait faire. Gratter de la terre pour se libérer... Elle devait pouvoir y arriver. Elle grattait toujours, les ongles en sang, quand le cyclope revint de sa petite promenade, un Wesley en sac de couchage se balançant négligemment au creux de sa main. Une brève conversation avec le cyclope plus tard, ce dernier filait au-dehors pour rattraper les moutons qu'il n'avait jamais eu.

« Wesley ! »

Elle n'avait sans doute jamais été aussi heureuse de le voir se tenir là, devant elle, même avec des menotes léopard vertes. Elle leva ses mains, toujours menottées mais libérées du mur en terre.

« Eh eh, pas longtemps ! »

La présence de son demi-frère-cousin avait suffi à lui redonner l'énergei qui lui manquait. Elle se précipita vers lui, attrapa ses propres chaînes et tira dessus.

« Aides-moi ! » Il tirèrent, la chaîne quitta le mur. « Yeah ! »
« Où comptez-vous aller, mes douces brebis ? »

Anna se retourna lentement, lentement... Jusqu'à faire face à l'énorme créature qui les dominait, les poings sur les hanches. Avec un cri de guerre saisissant qui surprit aussi bien le cyclope qu'elle-même, Anna courut. Jusqu'au chaudron. Elle se jeta derrière, esquivant de justesse une énorme main, et tomba nez-à-nez avec un tas d'épée. Rouillées et moches, elles feraient l'affaire pour l'instant.

« Wesley ! »

Une épée vola dans la direction de son cousin. Elle jeta un coup d'oeil à celle qu'elle avait choisi, ses yeux s'accrochant involontairement sur l'inscription apposée à la lame. Dard. Sérieusement ? Qui que soit le demi-dieu à laquelle la lame avait appartenu... Sa perte n'était pas bien grosse pour l'humanité. Sur un nouveau cri de guerre, elle quitta sa cachette, levant la petite épée. Elle bondit, planta la lame dans la première chose qui passait – soit les bijoux de famille du cyclope – et laissa son poids servir de levier.

« On couuurt ! »

Elle courut comme jamais elle n'avait couru avant aujourd'hui.

Elle était complètement folle ! Mais c'était une bonne idée. Sans trop réfléchir, il se sauva, toujours dans on duvet dont il se débarrassa bien vite. Le cyclope hurlait de rage, au milieu de sa caverne. Le sol sembla trembler et Wesley accusa le cyclope qui devait s'être mit en tête de les retrouver et de les manger en mode cru, sans cuisson. Super, super fin du Grand Wesley. Heureusement pour lui, il avait de grandes jambes, et une bonne endurance. Il attrapa la main de sa demi sœur et en avant, la tracta à moitié. Hors de question qu'elle y reste dans cette histoire !

Les arbres Anna, grimpons !

Parce que la bestiole – enfin le monstre – qui les pourchassait à présent n'était pas réputé pour son extrême intelligence. Ils seraient tranquille dans leur arbre. Le cyclope ne pourrait pas les sentir, ou du moins, leur odeur serait masqué par l'odeur forte des conifères. Bonne idée. Il aida Anna à grimper, faisant un gros effort pour passer après elle. En temps normal le fils d'Hermès aurait sûrement fait le contraire, mais vu que c'était elle qui l'avait délivrer des menottes coquines dans l'antre du monstre... Jamais ses bras, ses jambes, ne lui permirent de grimper aussi vite en haut d'un arbre. Ils étaient bien plus haut que le cyclope, qui sembla s'arrêter, renifler, et poursuivre son chemin, l'air de rien, se tenant les bijoux de famille ensanglantés. Ce spectacle fit un peu sourire Wesley. Voilà quelque chose à raconter dès leur retour au camp ! Il jeta un coup d’œil à sa demi sœur, sur sa branche. Il avait de la chance d'être avec un poids plume, l'arbre ne semblait pas trop souffrir.

Je voulais te dire... Hum, merci pour tout à l'heure.

Les joues légèrement colorés, il la prit soudainement dans ses bras et la serra très fort. Ce fut peut être à ce moment là que Wesley se rendit compte qu'il ne supporterait pas de la perde, quoi qu'il en dise. Non, elle était unique en son genre, c'était Sa Anna, on ne pouvait pas remplacer une nana comme ça. Le jeune homme savait que dans sa vie, il n'en croiserait pas deux comme elle. Il se rendit aussi compte qu'il ne devrait ps l'apprécier à ce point, c'était trop... Intime, mais sur le coup il en fit abstraction, c'était peut être juste l'émotion... La tête enfoui dans sa chevelure rousse, il ferma les yeux.

T’imagine c'qu'on aurait dit de nous à la colonie si ce gros tas nous avait eu ? La honte...

À l'injonction de Wesley, Anna n'hésita pas une seule seconde. Elle pouvait le détester de tout son cœur, elle lui vouait une confiance quasi-absolue. La demoiselle s'écorcha les doigts en grimpant dans l'arbre le plus proche avec agilité. Heureusement pour sa petite taille que les premières vraies branches capables de supporter leurs poids n'étaient pas non plus trop hautes. Elle trembla quand le cyclope se glissa juste en dessous de leur cachette et elle trembla quand il hésita un bref instant. Et il partit. Il fallaut sans aucun doute une bonne dizaine de secondes avant que l'air ne retrouve un passage en direction des poumons d'Anna. « Y'a pas d-de quoi. » Wesley l'a prit soudain dans ses bras et elle s'accrocha comme si elle allait le perdre. Se perdre. Comme si un océan allait brutalement s'ouvrir sous ses pieds et l'avaler, l'entraînant loin de son frère, de son cousin. C'était une étreinte intime, trop intime pour être vraiment celle d'un frère et d'une sœur, encore moins celle d'un cousin et sa cousine. Trop de proximité et d'attachement dans ce toucher. Le nez au creux du coup de Wesley, Anna inspira pourtant profondément pour s'emplir de son odeur, de s'en souvenir à chaque instant. Mais dès qu'elle l'aurait lâché, elle oublierait tous les petits détails de cette senteur qui suffisait à la rassurer. « T'as raison, la honte suprême... Heureusement qu'on est trop intelligents. » Et chanceux. Et doués de leurs mains. Anna se permit de faire durer leur étreinte encore quelques secondes, repoussant toujours à plus tard le moment où elle le repousserait. Elle en trouva pourtant le courage, afficha un air moqueur sur ses traits – moquerie qu'elle ne ressentait pas le moins du monde – et éloigna Wesley d'elle en l'attrapant par les épaules. Moment d'intimité terminé. Moment qui voulait tout dire mais dont elle avait honte.

« Eh bah, il a besoin d'être rassuré, le Wesley ? » Anna lui tira la langue et se pencha en avant. Aucun cyclope en vue, mais ils savaient qu'il était toujours là, quelque part. À présent, ils seraient prudents. Après une ultime oeillade moqueuse à l'adresse de son cousin, Anna descendit de leur perchoir. « Je te propose qu'on laisse tomber cette mission pour raisons diplomatiques. Faudrait voir à pas entrer en guerre avec ce cyclope, hein. » Raisons diplomatiques, elle en avait de belles... C'es surtout qu'elle n'avait pas envie de s'acquitter de la tâche ennuyeuse d'aller chercher des sangs-mêlés paumés en ville. « Et donc qu'on rentre à la maison. » Son ton n'appelait pas vraiment à la discussion, aussi prit-elle la direction de la Colonie.

Sa moquerie ne l'effleura pas tellement cette fois. Il lui tira la langue en retour, grimaçant en même temps. Il fut bien d'accord avec sa proposition. Après tout ils avaient suffisamment couru de dangers pour aujourd'hui. Wesley tenait à rester vivant encore quelques années, trop de chose à faire sur cette planète. Et oui, fallait pas chercher à se mettre sur le dos un cyclope en colère. Pour le moment il semblait s'être définitivement envolé, donc tant mieux. Il descendit de l'arbre sans trembler et sans craindre pour sa vie une fois arrivé en bas. Oh et puis ces pauvres demi-dieux encore perdus dans le monde mortel allaient devoirs attendre. D'autre enfants d'Arès, Athéna ou autre allaient bien finir par se porter volontaires pour eux non ? Il lui attrapa le bras et l’entraîna en avant, d'un pas limite sautillant.

Aller vient, on va faire la fête une fois rentré, cousine !

Si le dernier mot était pourtant justifié, il sonnait faux avec Wesley. Sans doute l'avait-il lâché pour se rappeler ce qui était normal, et ce qui ne l'était pas. Les interdits, les non-interdits. Ils n'avaient pas beaucoup avancé depuis leur départ. A vrai dire, si le cyclope les avaient pas mal éloigné, il avait bien couru avec Anna afin de lui échapper. En bref, ils devaient être de retour avant la tombée de la nuit. Et dire qu'il était partis en se jetant des fleurs, disant aux autres enfants de leur bungalow que… Qu'il était le meilleur tout simplement et qu'il allait réussir sa mission à main levé. Pour le côté héroïque, on repassera.

Et on dira aux autres que les pauvres demi dieux se sont fait manger avant même qu'on puissent faire quoi que se soit.

Égoïste était le mieux qui qualifiait Wesley en ces moments là. Il haussa les épaules, lui adressant son grand sourire du monsieur qui « avait toujours la bonne solution bidon pour ne pas passer pour des lâches ». En tout cas, pour lui en tout cas, les sorties hors de la colonie comme elle ci c'était fini pour ce mois ci.

FIN.