Ce soir la soirée avait été tout simplement génial.  Plein de gens, plein de nouveaux clients et Clovis s’était tout simplement amusé comme un fou. Oui, il n’avait beau n’avoir que dix huit ans, faire un métier pour le moins peu répandus pour les gens de son âge, il aimait ça. Il salua la foule et retourna en coulisse. Là, il se changea et se démaquilla. Son frère devait sans aucun doute être au bar avec son drôle de pote là, qu’importe, tant qu’il ne lui faisait pas de mal… Bah, comme si Clovis était en mesure de protéger son grand frère, c‘était plutôt l’inverse bien que certaines fois, le jeune homme avait la vague impression d’être un poids pour son frangin. Il attrapa sa veste et quitta le cabaret par la sortie des artistes. Hors de question d’être assaillis par des « fans d’un soir » en passant par l’entrée principale. Il pleuvait et naturellement, il avait oublié son parapluie. Bah, c’était tout lui ça.

Il ferma la porte soigneusement derrière lui et, après avoir fait quelques pas sous la pluie, une personne vint à lui. Son premier réflexe fut de sursauter car il ne l’avait pas vraiment aperçu dans l’obscurité. Puis, la fille – car oui s’en était une – le salua et se présenta. Des gens direct, Clovis en avait rencontré, mais des comme ça… Il pencha la tête sur le côté et ouvrit sa bouche en cœur.

Lucia… Lucianna ? Enchanté moi c'est...

Il s'arrêta. Il avait sentit son collier le brûler. Un danger était proche. Il baissa le regard et trouva sa boussole, toujours soigneusement attaché autour de son coup. Sang mêlée femelle droit devant. Puissante, sans doute enfant d’un dieu majeur et de l’olympe. L’aiguille de la boussole atteignait presque son summum. Clovis recula d’un pas, terrifié comme si la morte en personne s’était présentée à lui.

Vous… Vous !

Il la pointa du doigt et la pluie n’arrangeait rien aux traits de colère, de peur, de fureur qui s’était installé sur son visage d’ordinaire si doux.

Graine de dieu !

Et là, ce fut la catastrophe. Il tomba à genoux, poussa un long cri avant de se réfugier, toujours à quatre pattes, derrière le carton sur lequel la jeune femme était installée il y a quelques instants. Il pleura, ou plutôt chouina, comme un vulgaire môme de cinq ans. Il se roula dans la boue, enfin, dans quelque chose de pas très nette, et se mit à implorer qu’on lui vienne en aide. A chaque fois, c’était la même chose. Il revoyait, ou plutôt, re entendait des brides de ce qui c’était passé cette nuit là. Quand le monstre était venu chez lui et qu’il lui avait enlevé ses deux parents. Un type comme elle. Il la regarda à nouveau, essayant de savoir si ou non elle était dangereuse ou pas. Peut être qu’elle ne lui voulait aucun mal, ou peut être pas. Peut être qu’elle avait deviné qu’il était comme elle, qu’elle voulait le kidnapper et l’emmener dans cette colonie pour gens fou et monstrueux comme elle. Alors Clovis fit ce qu’il savait le mieux faire, il appela Aidan à l’aide.

Il pleuvait. Et Aidan n'aimait pas la pluie. En y réfléchissant, il n'aimait pas l'eau tout court. Étant petit, il n'avait jamais su apprécier les vacances à la mer que sa famille lui offrait parfois, il avait clairement détesté les cours de natation forcés (car il paraît qu'il est important de savoir se mouvoir partout, même en pleine mer)... Bref, rien d'un poisson le Aidan. Mais l'eau, elle, l'appréciait et c'était cet amour non réciproque qui avait poussé le jeune mortel à se réfugier dans le cabaret de son meilleur pote, Sonny. Il avait regardé son frangin faire son show avec une certaine admiration - lui-même étant trop timide pour se permettre de se donner en spectacle de cette façon - puis il avait glandouillé en compagnie d'une mortelle qui voyait à travers la Brume et qui traînaillait souvent dans ce cabaret. Une seconde humaine un peu spéciale quoi, comme lui. Aidan était toujours en compagnie de cette demoiselle lorsqu'il vit Clovis, son petit frère, attraper sa veste et sortir par l'entrée - ou la sortie dans le cas présent - des artistes. Enfilant un sweat en vitesse, il prit congé de son amie et fila vers la porte. Juste avant de sortir, en voyant la pluie fine mais froide qui tombait, il se dissimula sous la large capuche de sa veste.

Le spectacle qu'il découvrit le laissa particulièrement perplexe pour la simple e bonne raison qu'il ne s'y attendait pas. Pourtant, Aidan savait de quelle manière Clovis réagissait à la présence de d'autres demi-dieux. Mais il savait aussi qu'il n'hésitait pas à se donner en spectacle dans un cabaret leur étant réservé. Toutefois, il ne mit pas plus d'une seconde à rassembler les événements : Clovis était donc sorti par derrière comme il l'avait vu faire mais, le temps que lui-même arrive, il avait croisé cette demoiselle qui devait être une de ces créatures contre-natures et... Voilà. Aidan se précipita vers son frère, le redressa légèrement - geste inutile mais qui témoignait de sa présence - et sortit son arme préférée, soit un petit revolver à balles en bronze. C'était compliqué à fabriquer, certes, mais le jeu en valait la chandelle.

« Qu'est-ce que tu lui as fait ? »

Aidan, toujours dissimulé sous sa large capuche à l'abri des gouttes d'eau, jeta un nouveau coup d’œil à son frangin couvert de boue, et plissa les yeux. Il y avait trois règles à ne pas enfreindre chez les demi-dieux, selon lui : quitter leur campement débile, attaquer des mortels et faire peur à son frère. Malheureusement pour cette fille, elle en avait déjà enfreinte deux.

« Réponds ! »

Parce qu'il perdait patience facilement et qu'il avait la gâchette facile.

Aidan. Il l’avait bien retrouvé. Il était venue le sauver des griffes de cette horribles sang mêlé fille de… fille de Poséidon en plus ? Ce n’était pas le dieu des mers lui ? Si, oh bon sang, il était tombé sur un gros lot en plus ! Pourquoi aurait-il peur de l’un de ces congénères ? Elle était bonne celle là… Mais enfin, ils étaient tous ou presque terrifiant les demi-dieux ! Le pompon fut quand elle utilisa ses pouvoirs. Clovis frémis et se remit à gémir. Et elle leur parlait comme s’ils avaient douze ans… Non non, Aidan était un adulte, et lui aussi, enfin, sur les papiers. La jeune femme avait l’air étonné. Étrange. Et elle se rapprocha, Clovis sentit son estomac se retourner. Et elle lui parla, d’une voix qui se voulait rassurante. Il implora son grand frère du regard avant de pousser la jeune femme, pas trop fort et se refugier dans les genoux d’Aidan. Puis, une fois toute sa comédie doublé de sa peur infernale pour les gens comme lui terminée, il se releva et essaya ses larmes avec son foulard jaune canari. Il était vrai qu’il avait souvent tendance à simuler en plus de sa phobie dans les moments comme ça. Juste pour rendre la chose plus horrible. Il serra le bras de son frère, celui qui ne tenait pas son arme. Une arme puissante, vu ce que son frangin y avait glissé.

Elle m’a rien fait, pas encore. Mais elle était tapit dans le noir ! Et t’as vu ! Elle contrôle la pluie, enfin l’eau !

Il secoua la tête, la boussole avait dit vrai, demi-déesse assez puissante dans le genre.
Peur de ces congénères ? Enfin, je n’ai pas peur. Pas du tout.
Très crédible si on prenait en compte que Clovis n’avait pas lâché Aidan une seule seconde depuis qu’il s’était réfugié à côté de lui. Oui, parfaitement crédible.

Mon paternel est un dieu très puissant et si… et si vous me faite du mal il me vengera ! Et je sais me battre j’ai heu… une arme magique !

Il regarda son frère, lui lança un regard qui signifiait « j’en fais trop tu crois ? » et préféra se taire pour le moment. Il se contenta de regarda la fille de haut en bas. Que faisait une demi-déesse hors de son camp ? Ceux qui étaient à l’extérieur étaient souvent en meute non ? Peut être était-elle une de ces filles guerrières dont il avait entendu parler… les Chasseresses ? Soudain, quelque chose lui revint en mémoire. Il y avait quelques mois déjà, Clovis avait entendu parler d’un dieu. Pas de sa mythologie, ou peut être que si, mais Clovis ne voyait pas vraiment lequel était-ce. Toujours était-il que Clovis avait fait ses recherches, en avait parlé à son grand frère évidement. Aidan aimait tuer des demi-dieux et lorsqu’il avait apprit qu’il fallait sacrifier des êtres surnaturel pour ce dieu… Voyons, c’était parfait ! Si ils sacrifiaient une fille de Poséidon, peut être que ce dieu, ce dieu du feu pourrait leur faire l’honneur de sa présence, peut être même les rendre puissants et et… Et le fils de Ploutos sentait son cœur s’emballer.

Aidan… Pour notre dieu…

Aidan retint un cri étranglé lorsque l'eau qu'il haïssait tant ne put plus les atteindre. Il recula de deux-trois pas en trébuchant et manqua de piétiner son frère pour échapper à cette sorcellerie. Quand au père de Clovis... Disons qu'on ne pouvait pas franchement le classer parmi les divinités les plus importants du panthéon grec mais il avait une certaine classe si on imaginait très fort. Quand son petit frère évoqua une arme magique, Aidan lui lança un regard de travers en mode « ferme-la, sérieux, c'est pas crédible ».

« Ferme-la, demi-divinité, ou je jure que je tire. »

L'avantage avec cette arme, c'était qu'elle contenait des balles en bronze et Aidan était un bon tireur. Il savait viser les zones mortelles ou, si besoin, les plus douloureuses. Quand à la régénération... Tss, ces enfants divins étaient aussi faibles que les humains sauf s'ils avaient leur foutu ambroisie. Pas facile d'en manger lorsqu'on se vidait de son sang à toute allure. Clovis remit leur dieu sur le tapis.

« Oui, je crois que notre dieu aimerait ton sang, petite enfant de la pluie. Il l'apprécierait sans doute beaucoup. Et ne pose pas de question directe à mon frère, s'il te plaît, tu n'en as pas le droit... Chose. »

Tractopelle. Cette fillette se croyait vraiment tout permis mais parler à Clovis comme s'il avait quatre ans ou qu'il était complètement demeuré... Aidan n'aimait pas ça, mais alors pas du tout. Sans lâcher son arme - et il était prête à faire feu au besoin - il s'approcha de ce machin à pas lents.

« Laisse la pluie tranquille, s'il te plaît. »

Aidan préférait encore se mouiller que de voir cette vieille magie divine faire effet. Bon, il n'avait rien pour entraver cette fille mais il pouvait déjà la désarmer et la contraindre d'avancer, non ?

« Clo' excellente idée ! Tes armes, demi-déesse. Et nous sommes armés alors pas de blague. »

Et la fille donna ses armes. Sur le moment Clovis la trouva incroyablement stupide. Enfin, on ne donnait tout de même pas ses armes à deux inconnus sous prétexte qu’eux aussi étaient armés… Mais bon, c’était Aidan, et Aidan était fort alors c’était normal. Clovis sourit, se redressant un peu. Il passa une main dans ses cheveux humide, son pouls avait ralenti depuis quelques instants.

Caché ? Haha !

Sa voix avait quelque chose de théâtrale. C’était plutôt cool. Il s’avança d’un pas, la regarda le plus méchamment possible. Oui, Clovis avait beau avoir un air innocent et candide, il savait faire des regards noirs. Enfin noirs, tout avait une limite.

De quel dieu nous parlons ? La bonne blague, il nous avait prévenus que les gens comme toi ne lui prêtaient aucune attention.

Il regarda son frère et attrapa une des armes de la jeune femme. Bah, il n’avait jamais eu un faible pour les épées mais tant pis. Il la pointa sur le ventre de la dénommé Lucianna et reprit sur le même ton très assuré.

Recule-toi de quelques centimètres fille de la mer. Et en avant !

Il la fit se retourner et fit signe à Aidan de lui montrer le chemin. Oui, son frère avait déjà plus le sens de l’orientation que lui. Il donna un coup sur l’épaule de la jeune femme pour lui faire signe d’accélérer. Oh que oui, ils avaient bien remplis leur mission, le dieu serait bien fier d’eux. Peut-être qu’il les remercierait en leur offrant quelque chose d’exceptionnel ! Pas de l’or, de l’or le jeune homme en avait tellement… C’était dans ces moments là que Clovis se trouvait fort, et assez puissant. Pour une fois que le jeune demi dieu avait l’avantage… Ah, si seulement sa sœur était là pour le voir ! Bah, il avait déjà son frère. Ils arrivèrent enfin au point de rendez-vous. Enfin de rendez-vous, c’était à cet endroit que le dieu avait élu domicile pour quelque temps, le temps que les deux frères lui ramène son butin. L’odeur était désagréable et Clovis rajusta son foulard pour se boucher le nez.

C’est ici. On ne bouge plus demi-déesse.

Il tendit l’épée à Aidan, lui souriant comme un gamin le jour de Noël. Oui, il avait hâte de voir ce que voulait faire le vieillard de la mer avec cette enfant de Poséidon. On disait que les dieux se jalousaient entre eux… Clovis allait enfin savoir si cela était vrai.

Cette fille était incroyable. Et pas dans le bon sens du terme selon Aidan. Déjà, elle se permettait de l'appeler par son prénom, chose inacceptable quand on venait de se rencontrer et que la relation s'avérait loin d'être cordiale. Ensuite, c'était une graine de divinité et il n'avait absolument pas envie que son nom soit blasphémé de cette façon. Enfin, quoi qu'il en soit, Aidan était fier de Clovis. Maintenant qu'il avait - plus ou moins - surmonté sa peur, il s'avérait être un camarade de travail efficace. Mais les deux Tyrell avaient appris à compter l'un sur l'autre et à ne pas se sous-estimer. Un bon point. Quand au dieu... C'était probablement le seul qu'Aidan admirait vraiment. Il n'était pas connu, il n'était pas aimé, il n'était pas admiré ou craint. Pourtant, c'était l'un des meilleurs. Il avait tellement été descendu et oublié par la communauté mythologique qu'il vivait maintenant en reclus, ayant adopté la forme d'un SDF qui collait bien avec sa nouvelle condition de dieu oublié. Quand la petite troupe, la fille de Poséidon devant, débarqua dans la planque, Aidan attrapa l'été que lui tendait Clovis.

« Nérée, dieu véritable des océans, des mers et des fonds maritimes, divinité primitive des étendues aquatiques, Aidan et Clovis Tyrell t'attendent. »

En faire un peu trop ? C'était possible mais les dieux - et davantage ceux qui n'étaient pas aimé de tous - appréciaient ceux qui ne faisaient trop. Une masse finit par apparaître dans l'espèce d'arrière-cour qui servait de point de rendez-vous et un vieillard sale s'approcha d'eux.

« Alors, les deux gamins me ramènent enfin quelque chose. Je savais que j'avais fait un bon investissement en faisant affaire avec vous. Une... » Le dieu ancestral renifla l'air et ses sourcils s'envolèrent. « ... Fille de Poséidon ! Ça par exemple ! Tu savais que ton idiot de père m'avait volé ma place et ma gloire ? Je le hais. »

Bon, comme ça c'était dit. La vieille divinité ne prenait pas de gants quand il s'agissait de dire ce qu'il pensait. Aidan posa les mains sur les épaules de son frère - on savait jamais, avec les dieux et les demi-déesses qui avaient tendance à péter plus haut que leurs fesses.

« Tu sais, tu pourrais bien être mon sacrifice pour la prochaine lune. Une fille de Poséidon cet idiot sacrifié par Nérée le véritable... »

Le dieu émit un claquement de langue satisfait.

- Pour commencer, c'est Aidan, pas Aiden.

Clovis se boucha les oreilles. Tout ce qui sortait de la bouche de cette fille était insupportable. Comment ça il était stupide ? Comment ça il n’était pas mignon ? Des bouffons ? Et cette fille qui jouait à faire la météo avec son sourire candide elle était quoi elle ? Une superstar peut être ? Non, juste une demi-déesse comme les autres qui croyait être meilleur que tout le monde car elle avait un parent divin. Super ! Clovis n’avait jamais vu ce qu’il y avait de cool là-dedans, mais visiblement, les autres demi dieu avait su trouver ça sympa. Il regarde le vieux dieu des mers, toujours aussi… peu sympathique. Comment allait-il réagir ? Il n’y avait aucun doute sur le fait que l’évocation d’Hécate ne lui faisait pas réellement peur. Après tout, il était plus ancien qu’elle. Et les dieux avaient eau avoir des protégé, Clovis le savait, il fallait que les demi sachent se débrouiller d’eux même de temps en temps. Mais il était vrai que la fille en face de lui avait quand même l’air… cruche.

C’est ça… Tu penses vraiment que…

Il en termina pas sa phrase, le vieux dieu lui fit signe de se taire. Il se réfugia derrière son frangin, attendant la suite des évènements. Il s’avança vers elle, son odeur peu sympathique embaumant un peu plus l’air. Clovis se demandait pourquoi ce type ne prenait jamais de douche. Ou alors.. Ou alors les savons en tout genre n’avaient pas d’effets sur lui. C’était triste. Il leva le bras et une gerbe d’eau – sale- alla s’écraser contre la fille de Poséidon, la renvoyant au sol. Clovis fit une moue écœuré, n’osant pas imaginer dans quoi elle était tombée.

Répète gamine ?

C’était étrange d’entendre de tels mots sortir de la bouche d’un dieu, mais Nérée était particulier, il vivait dans le monde des humain pus que dans celui des dieux. Il vivait dans un quartier plutôt… insalubre, avec des gens pas forcément très cotable alors son vocabulaire de dieu beine levé… était partit au placard. Une nouvelle gerbe plus puissante la cloua au sol et le dieu se pencha vers elle, lui agrippant le coup.

Aidan, tu ne penses quand même pas qu’il va… ? Maintenant ?

Oui car Clovis n’avait jamais vu un dieu à l’œuvre, et il se demandait bien ce que cela faisait. Après tout, enfant de la mer contre dieu des mers, c’était sympa à voir non ?

Les enfants des dieux étaient tous des assassins, Aidan le savait. Il savait aussi que seul Clovis faisait exception, avec sa soeur. Mais celle-ci avait quitté leur domicile depuis si longtemps pour parcourir le monde - une mission noble à ce qu'il paraissait - qu'il ne se souvenait presque pas d'elle. Il était encore un gamin à l'époque, ignorant de toutes les absurdités qui avaient changé sa vie. Toutefois, s'il les savaient dangereux, il n'avait jamais pensé qu'ils puissent être stupide. Celle-là l'était. Sans un mot, Aidan regarda la suite des événements se dérouler. Il se contenta de hausser les sourcils à la mention d'Hécate, de croiser les mains dans son dos quand le vieux dieu passa à l'action. Nérée était une divinité. En théorie, le petit chasseur aurait dû le haïr. Mais il n'était pas idiot, s'il voulait parvenir à ses fins, il devait conclure des alliances. Et ce pauvre dieu avait presque réussi à toucher sa sympathie. Ils étaient amis, eux trois, à leur façon. Pendant que Nérée remettait correctement la fillette à sa place, Aidan referma les doigts sur sa très chère arme. Une pause dans le combat, Clovis posa une question.

« Je ne sais pas, Clo', mais j'ai mon mot à dire là-dedans. »

Aidan s'avança, leva l'arme, et le coup partit. Il était très facile d'appuyer sur une gâchette, celles-ci étant particulièrement chatouilleuse. Et le chasseur était un excellente tireur (sinon, il aurait probablement déjà été mort).

« Tu peux sans doute te soigner, fillette, ça ne t'empêchera pas d'avoir mal. Et ça ne m'empêchera pas de recommencer jusqu'à ton épuisement. »

Nérée haussa les sourcils et Aidan recula avec un sourire moqueur. Hécate, Hécate, où était-elle ? Pas ici en tout cas.

« Je vous en prie, maître. Faîtes ce que vous avez à faire. Clovis et moi n'avons pas à nous interposer entre vous et votre sacrifice. »

Le mot maître lui en coûtait mais caresser quelqu'un dans le sens du poil n'avait jamais fait de mal à personne et Aidan sentait qu'il avait besoin de toute la reconnaissance possible de la part de Nérée. Il était un humain, et Clovis un simple demi-dieu. Les sangs-mêlés avaient souvent tendance à se croire supérieur. C'était ce qui coûtait leur perte neuf fois sur dix. La vieille divinité leva les deux mains et les quatre se retrouvèrent en haut d'une montagne. Le vent balayait le pic, faisant claquer vestes et cheveux. Mais Nérée n'avait pas terminé : un autel apparut au centre du plateau, un couteau affuté posé sur l'un des bords.

« Il est temps, enfant de Poséidon ! » clama Nérée avec force.

Aidan avait presque l'impression de le voir rajeunir.

Clovis n'attendit pas que le dieu termine son stupide rituel. Si son frère voulait s'y opposer, qu'il le fasse ? Mais s'il y avait bien une chose qu’il haïssait plut que tout, c'était que l'on évoque ce prénom, celui de sa sœur partit avec les Chasseresses. Il était si petit quand elle avait quitté la maison, il devait bien l'avouer, l'image qu'il avait d'elle était encore toute innocente. Il poussa la dieu, et se jeta sur elle, entraînant son frère en passant. L'illusion de Nerée e se dissipa et il entamèrent alors une longue chute. Ils tombaient tous, pour de vrai, droit vers... New York. Clovis n'avait jamais fait de saut en parachute, mais il savait déjà qu'il en recommencerait pas l’expérience. Il pouvait entendre les cris du dieu en colère se dissiper au fur et à mesure. Tout ça pour rien, ils s'étaient tous enfuis. Au lieu de s'écraser sur le toit d'un building, il tombèrent sur le sol avec une étrange légèreté. Un dieu quelque part là haut avait du avoir pitié d'eux. Parce que Ploutos.. Bah, tout était possible. Toujours assis sur la fille de Poséidon, il se pencha vers son visage rougis par l'eau de mer et lui cracha à la figure :

Ne parle jamais de ma sœur comme ça. Tu ne la connais pas. Tu en sais pas ce qu'elle penserait de moi et je peux t'assurer qu'elle ne serait pas déçus que son frère ai enfin pris les choses en mains !

Il se releva, passant une main dans ses cheveux blond en bataille avant de retourner au côté de son frère. Bon, l’atterrissage étrange lui avait tout de même pas entièrement réussis, son genoux gauche le faisait un poil souffrir.

Et ma sœur... Ne cherche pas à t'en servir comme moyen de pression contre moi. Il en faut plus.

Il leva les yeux au ciel. Non en vrai il n'en fallait pas tellement plus. Il voulait bien l'avouer, de Aidan et lui, il était le plus faible, mais quand même ! Il enleva son écharpe, foutue, et la jeta au sol, rangeant conter lui même. Il était dégoutté. Une fois de plus sa propre espèce montrait qu'elle était incapable de... Et de quoi d'abord ? Bah, il ne savait même plus. Les demi dieu, les dieux, le camp, tout ça c'était du grand n'importe quoi qui ne devrait pas existé. Ah, Clovis aurait tout donné pour être un simple humain.