Une rencontre maladroite

A la chaleur de l'automne ! Cal adorait regarder les feuilles couleurs vermeil tomber en cascade comme une pluie. Il aimait être un homme poétique, un homme qui ne soucie que des belles choses.

Mais Cal ne vivait que dans l'ombre, il ne faisait que des choses bien sombre, ténèbreuse, Cal avait tellement les mains couvertes de sang qu'il savait plus de quelle couleur était son épiderme. Pourtant, il ne voulait pas changer de vie. Il était fait pour se battre, il était fait pour mettre sa vie en danger, quitte à mourir, Sunshine le reprochait souvent de ne pas faire assez attention, d'être trop suicidaire et de prendre plus de considération pour sa vie. Mais est-ce qu'un demi-dieu avait le droit à une vie tranquille ? Avait-il le droit à avoir la paix, même quelques secondes ?

Le mercenaire attrapa sa capsule de bière et joua avec comme si il s'agissait d'une pièce de monnaie. Un objet anodin, un objet qui n'attire pas l'attention, un objet tout simple. L'arme mortelle par excellence. Il sourit à cette pensée, cela faisait deux semaines qu'on n'avait pas demandé ses services et il ne supportait pas cela, il aimait l'action et avec tout l'argent qu'il avait pu récolter, il pourrait mettre à bien son projet. Mais pour l'instant, cela devait rester secret, même ses benjamins n'étaient au courant de rien alors qu'il n'y avait qu'avec eux que Cal se montrait volubile, pour le commun des mortels, Cal restait un homme avec des muscles et un éternel sourire sur les lèvres: tantôt joyeux, tantôt sinistre.

Il se leva de son banc et se mit à déambuler dans les rues de la ville, une petite bourgade, bien tranquille par rapport à New York, sous certains aspect, elle lui rappelait la Colonie où le mercenaire avait fait ses classes. Il avait passé 8 ans là-bas, à l'abri de tout dans l'espoir d'accomplir des quêtes et devenir un grand héros Grec. Seulement, à quoi bon être un héros s'il n'y a personne pour l'attendre et l'accueillir à la maison ? Cal serra les poings, c'était pour bientôt, la grande roue du destin s'était mise à bouger, lentement, un mouvement presque grinçant mais inéducable. Il devait agir vite, et bien.

Et il tomba au sol.

Cal cligna plusieurs fois des yeux avant de comprendre qu'il s'était fait renverser par une jeune femme écrasée par tout son paquetage, il se mit à genoux et aida à rassembler les affaires de la pauvre fille.

"Eh bien ! Vous en avez des choses !"

Il lui fit un sourire franc et l'aida à se relever tout en gardant une certaine distance pour ne pas l'effrayer. Le vent souffla et quelque chose fit tiquer Cal.

Elle n'était pas humaine.

Tout en lui le lui crier. Etait-ce un monstre ? Un demi-dieu ou autre chose ? Cal ne dit rien, ne fit rien, s'il avait appris quelque chose, c'était de ne jamais perdre son calme et frapper au moment où la créature s'y attendait le moins. Il ne devait pas la laisser s'échapper avant d'être sûr de qui elle était, sinon, il devrait utiliser pouvoirs avec les conséquences que cela impliquait.

"Etes-vous blessée ?"

Une rencontre maladroite

-Je suis vraiment une empotée. Je ne vous ai pas fait mal au moins? Je m'en voudrait terriblement. Est-ce qu'il y a une quelconque façon de me faire pardonner?

Cal sourit avant de répondre gentiment:

"Votre sourire me suffit largement, vous êtes pardonnée !"

Elle faillit retomber, si bien que Cal la portait du bout du bras pour éviter qu'elle fasse une mauvaise chute, ils se retrouvèrent sur la route, seuls au monde, le reste de l'humanité ayant disparu, ne les laissant que tous les deux. Une étrange énergie les entoura, comme si toute l'énergie de la Nature les protégeait de toutes les agressions possible et inimaginable.

Une voiture klaxonna au loin, et ils retournèrent sur le trottoir, Cal s'écarta de la jeune femme, de façon à ne pas paraître incorrect. De plus, elle l'intriguait et il sentit que la poche de son jean devenait plus lourde, dès l'instant où Cal se sentirait en danger, la capsule de bière se transformerait en son épée double: une lame en fer stygien pour les êtres mythologiques et une lame en acier pour les mortels. Il n'aurait qu'à faire tournoyer l'arme pour savoir la nature de la jeune femme, sauf si elle était une demie-déesse et là, ça devenait plus problématique parce que là, son père ou Chiron lui tomberait dessus et il en aurait pour une éternité d'engueulade et adieu les cadeaux de Noel !

-Je n'ai rien merci beaucoup de vous en inquiéter. Et en effet j'ai pas mal de bazar là dedans.

"Oui, d'ailleurs ça m'a l'air bien lourd pour une jeune femme comme vous."

Le vent se fit plus intense, si bien que la queue de cheval de la jeune femme se défit, ses cheveux tombant comme une cascade de feu incandescent, cela fit sourire Cal, cela lui faisait penser aux forges de la Colonie où plusieurs de ses connaissances travaillaient en tant que ... forgerons. De plus, l'effet produit renforçait cette impression d'immortalité, elle n'était pas une déesse car aucune flamme ne brillait dans ses yeux, ce qui n'était pas un si mauvais point que cela, Cal en avait assez d'avoir affaire à des dieux plus puissants les uns que les autres.

Il la regarda de biais, elle avait l'air bien innocente, bien trop propre sur elle-même, bien trop gentille aussi. Un monstre ? Cal ne savait pas encore, d'habitude, ils avaient un tic qui permettait de les détecter et ainsi de les réduire en poussière. Mais là, rien, ce qui énervait grandement le mercenaire, il ne savait pas comment agir, cette jeune femme le perturbait trop à son goût. Il ne devait pas perdre son professionnalisme pour une inconnue.

Il essaya une approche, elle était risquée mais ce n'était pas une petite femme menue qui allait avoir le dessus sur lui.

"Ouah, on dirait une ... une nymphe ! Que dis-je ? Une dryade !"

Une rencontre maladroite

-Quand vous parlez de... nymphe? Je ne suis pas sûre de comprendre... en fait je sais que c'est une créature mais... ça ressemble à quoi au juste?

Cal cligna des yeux avant de reprendre contenance. Ignorante. Parfaitement ignorante. Celle là, on ne lui avait jamais faite. Il eu un sourire nerveux, en tout cas, ce n'était pas un monstre, pendant une fraction de seconde, il pensa que c'était une empousa mais non, elle était la candeur même. Et l'inconscience même aussi par la même occasion. Elle avait pas loin de la vingtaine et elle semblait sensible aux forces de la nature. Une fille de Déméter ? Probable. Après tout, l'odeur des enfants de la Déesse de l'agriculture était faible et la plupart des monstres les laissaient tranquille, si bien qu'ils avaient la plupart du temps, une vie presque normale. Cela devait être le cas de la jeune femme, Cal ne voyait que ça.

-Je... Je suis désolée mais je vais devoir vous laisser. J'ai de la marche à faire. Je vous souhaite de passer une bonne journée.

Cela le coupa court dans son introspection, il devait mener son enquête et l'emmener à la Colonie, même si il trouvait l'idée stupide d'emmener une personne totalement intégrée dans la société dans un coin coupé du monde où on jouait une sorte de folklore mythologique, le mercenaire aimait la Colonie, mais à ses yeux, on ne préparait mal les jeunes au monde moderne, il y a cent ans, ça allait mais là, le décalage est trop important, trop ... trop.

Elle se retourna et murmura doucement:

-Au fait.... Je m'appelle Louna.

"Et moi, Cal, enchanté."

Elle lui tourna le dos de nouveau pour attraper tout son paquetage, elle les chercha pendant plusieurs secondes avant de comprendre que Cal les portait d'une main, sans aucun problème. Il la regarda, moqueur

"Je suis bien obligé de vous aider, ces sacs sont trop lourds pour vous et de ce que je peux voir, il y a un tas d'objets avec lequel vous risquez de vous blesser."

Il n'allait pas la lâcher comme ça, si mignonne qu'elle était. Cal lui fit un grand sourire, il voulait paraître si gentil mais ses objectifs étaient autres. Elle était devenue sa proie, il voulait savoir ce qu'elle était, qui elle était et surtout, si elle était un danger potentiel à éliminer. Cal passait la moitié du temps avec Keziah et il avait appris à se méfier des femmes, pourquoi ? Parce qu'elles le faisaient tourner en bourrique, en mal d'amour, il était facilement manipulable. Il attrapa son portable et se demanda s'il devait appeler Keziah pour l'aider sur ce coup. Il adorait la mortelle, plus qu'il ne voulait l'admettre, plus qu'il oserait jamais se l'avouer mais leur monde et leurs objectifs respectifs leur empêchait d'avoir une autre relation que celle qui avait actuellement, celle qui stagne pour l'éternité, celle pour lesquels on se pose un milliard de questions sans réponses.

Il glissa son téléphone dans sa poche, essayant d'oublier les derniers événements concernant sa vie.

Une rencontre maladroite

-En tout cas... heu... Cal? Je vous remercie pour votre aide. Ce n'est pas tout le monde qui ferait ça.

Cal haussa un sourcil, soupçonneux, demander de l'aide ? Ce n'était pas si difficile. En même temps, le mercenaire n'avait jamais demandé de l'aide, pas qu'il était faible loin de là, mais il n'en avait pas besoin. Il ne voulait pas d'aide, ça voulait dire rencontrer quelqu'un, de l'apprécier, de l'aimer dans une certaine mesure et après, la voir disparaître, fatalement.

Le jeune homme marchait derrière Louna, éloigné de plusieurs pas, il la regarda, si fragile, si candide, si facile à tuer. Il plissa les yeux, qu'elle essaie la moindre entourloupe, elle allait le payer le prix fort, la galanterie du fils d'Hermès avait ses limites, ainsi que sa curiosité, si elle ne lui apportait rapidement pas satisfaction pour rassasier sa curiosité, eh bien, advienne que pourra. Il s'approcha d'une maison en ruine, abandonnée depuis des années. Un sourire sombre barra le visage du mercenaire, alors il était fixé.

Il pesta aussi, il s'était fait avoir, une empousa: une démone, une mangeuse d'homme, une diablesse qui s'en prenait au coeurs des hommes. Enfin, s'il en avait un. Si il en avait un. Ce n'était pas son cas, il en avait plus depuis longtemps pourtant, il ne perdait pas espoir d'aimer de nouveau, enfin, espérait était un grand mot, ce n'était pas sa préoccupation primordiale. De plus, sa profession ne poussait pas les femmes dans ses bras, il se consolait en disant qu'il n'aurait pas besoin de pleurer ni à porter le deuil. D'une certaine manière, la vie de couple l'effrayait au plus haut point, il n'y connaissait absolument rien, il avait oublié, absolument tout. A croire que son coeur était si sec au point qu'il ne s'effrite si on le touchait.

Il entra dans le taudis, une odeur de poussière et d'humidité lui assaillit son nez, il fronça les sourcils, fichtre, il était persuadé que les empousa avait des goûts de luxe ! Il se mit à fixer chaque pan de murs, chaque interstices, s'il en avait d'autre, il était en mauvaise posture, c'était un excellent combattant, mais pas au point de tenir tête à une horde de démone, il lui restait l'option de la téléportation, mais il détestait ce pouvoir, il ne l'utilisait que si la vie de quelqu'un était en danger, c'était lâche de fuir, il ne voulait plus fuir.

-Je suis désolée! Je vous ennui sûrement avec mes histoires. Je suis irrattrapable. Quelle impolitesse de ma part. Surtout après l'aide que vous m'avez gentiment apporté. Je vous prie de bien vouloir m'excuser.

Il tourna lentement la tête et hocha, il n'avait pas écouté un trait de mot de ce qu'elle avait dit, elle semblait excitée comme une puce, elle regardait sa maison comme si c'était un trésor, perdu au milieu de nul part. Un endroit isolé où l'espoir d'avoir une vie normale semblait possible. Mais ce n'était pas le cas de Cal, il voulait une vie trépidante et il ne se voyait pas finir ses jours loin de tout, enfin, s'il arrivait à 50 ans, ce serait un exploit. Il faisait partit des rares demi-dieux à atteindre la trentaine, il pensa à son frère aîné avant de l'effacer de sa mémoire.

Elle l'emmena dans ce qui semblait être la cuisine, il soupira intérieurement, mais qu'est ce qu'elle était à la fin ?

-Je vous offre quelque chose ?

"Hum, non merci, je n'ai pas faim et boire à cette heure n'est pas raisonnable."

Il regarda sa montre, à peine 3 heures de l'après-midi, il soupira, cette histoire lui avait fait perdre un temps précieux et il avait encore pas mal de route à faire.

"Je vais devoir me retirer, je dois rentrer chez moi."

Il sourit et inclina légèrement la tête, sa capsule dans le creux de sa paume, prêt à riposter, qu'elle ose venir. Il lui fit un sourire avant de quitter la maison, enfin, le reste de la maison et fit quelques pas avant de s'arrêter.

"Bon, espérons que les enfants n'aient pas fait de bêtises, sinon, je vais encore devoir faire le méchant flic."