Dire que Héphaïstos n'aimait pas Arès ainsi que ses rejetons, était quelque chose de faible. Plus que ne pas aimer, il les détestait. Allez savoir pourquoi. Peut-être parce que sa femme batifolait avec le dieu de la guerre, non ? Du coup, faute d'avoir à disposition le fautif de cet adultère, il profitait du nombre incalculable de demi-dieu ayant pour père ce très cher Arès pour -avouons le- s'amuser. Puis, quand on est un dieu, on peut tout faire, ou quasiment. C'est donc tout naturellement que depuis quelques temps, il s'amusait avec une certaine Swann Barton en bidouillant deux ou trois petits trucs sur sa jolie et nouvelle moto toute neuve, sans qu'elle ne l'ait cherché d'ailleurs. Ce n'était rien de bien méchant, juste quelque chose pour la voir s'activer, rager, à réparer sa petite deux roues. Cela faisait mal au Forgeron de se l'avouer, mais la petite était plus ou moins douée (jamais autant que lui, dans tous les cas). En bref, il avait à nouveau décidé de l'embêter en ce jour si ensoleillé et si propice pour rouler. Ainsi donc, la pauvre demi-déesse était une fois contrainte de réparer sa moto. Mais cette fois-ci la chose était différente : Héphaïstos avait décidé venir la voir pour profiter du spectacle en directe. Vu comme cela, le dieu aurait pu paraître sadique, mais promis, quand votre femme batifole avec un autre, rien n'est trop sadique.
  Ainsi donc, il était descendu à la forge dans son apparence incognito. Mis à part ses éternelles grosses paluches et son pas boiteux, rien ne laissait montrer qu'il était le Forgeron divin. En bref, le dieu entra à peine dans la forge où Swann s'obstinait à réparer sa belle moto, quand une clé atérie à ses pieds. Héphaïstos haussa un sourcil avant d'esquisser un sourire pour enfin se baisser et ramasser l'objet volant, afin de le ramener à sa propriétaire.

"Tout va bien ici ? lui dit-il en arrivant à sa hauteur."

La situation semblait ironique. Voilà que Swann le questionnait sur son identité, toute sourire. Le dieu lui même esquissa un sourire, lui répondant simplement :

" Je suis juste un voyageur de passage, un touriste."

Après tout, la chose n'était pas complétement fausse ni complètement vraie. La fille d'Arès pouvait ainsi imaginer ce qu'elle voulait concernant celui qui se tenait devant elle.
Héphaïstos fronça les sourcils, ignorant la cigarette précédemment allumée et la fumée qu'elle engendrait. Il fallait avouer que la moto de Swan avait un certain charme. Le dieu Forgeron eu un certain pincement de remord de faire souffrir une si belle créature pour arriver à ses fins. Après tout, c'était Arès qui l'avait cherché, et même s'il faisait la sourde oreille concernant sa descendance illégitime, il s'y sentait concerné.

Le dieu fit le tour de la moto, semblant l'analyser non d'un oeil expert, cherchant la nature du problème.

"Le moteur est neuf ? Sans problème ?"

Il s'adossa à un mur quelconque, croisant les bras et ne détachant pas son regard de l'objet d'étude. Il avait choisi des questions basiques, histoire de ne pas prétendre s'y connaitre. Il voulait la voir se débrouiller, non pas lui donner la solution en quelques secondes.

  Héphaïstos haussa un sourcil. La petite commençait à lui plaire. Elle avait exclu le fait qu'il soit une créature, et cela lui faisait plaisir. Il avait eu l'habitude d'être traité de tout, principalement de monstre d'ailleurs, et cette gosse d'Arès avait pourtant deviné qu'il n'en était pas. Elle marquait un point la gosse.
  Le dieu sorti un cigare de sa poche (de nulle part, oui ... c'est l'avantage quand on est un dieu du genre d'Héphaïstos : on a des poches conçues comme des TARDIS), l'allumant du bout des doigts une fois le regard de Swann détourné. Puis il s'approcha de la bécane, s’intéressant plus sérieusement à la chose, la gosse d'Arès lui ayant littéralement dit que s'il ne bougeait pas son popotin, il risquait de devoir violemment sortir. Il s'agenouilla donc devant la moto, faisant mine de l'examiner, réfléchissant.

"Tu as vérifié la transmission primaire ? La chaîne de transmission n'est peut-être pas assez lubrifiée ..."

Le Boiteux ricana légèrement lorsque la gamine toussa, critiquant son cigare. Ça fumait la cigarette comme une vraie dure, mais ça ne supportait pas quelque chose de plus lourd. Dans un sens, elle n'avait pas tord. Le dieu estimait que le cigare qu'il fumait à l'instant n'était pas le meilleur qu'il avait pu goûter. Les humains étaient capables de mieux, dans cette catégorie.
Héphaïstos fixa la bécane.

"Gamine, faut toujours suivre ton intuition, pas celle du concessionnaire, ni celle du pote motard, ou quel qu'il soit. C'est ta bécane, tu la connais mieux que celui qui l'a fabriqué. Ces petits gens là ne font que suivre un plan. Ecoute ta bécane, elle te parle. Tout ce que t'as à faire c'est tendre l'oreille."

Pas facile, ce genre de chose quand on est un enfant d'Arès. Evidemment, Héphaïstos pouvais parler mentalement à l'objet de l'étude. Enfin, actuellement elle faisait la sourde oreille, muette, certainement excédée de subir l'amusement d'une divinité.

Héphaïstos se redressa, reculant de quelques pas et croisant les bras sur sa poitrine. Il soupira légèrement, et reprit sans retirer le cigare d'entre ses lèvres :

"Et si tu n'y arrives pas, tu recommences, tu observes. T'as du raté un truc, p'tite. Ouvre tes yeux."

Effectivement, si elle cherchait bien, il y avait quelque chose, quelque chose de bien caché tant la visibilité était évidente. Parfois la meilleure cachette est sous les yeux de celui qui cherche. Intérieurement le Forgeron ricana. Il pouvait paraître un peu sadique d'infliger un tel casse tête, mais il s'amusait de voir Swann tourner en rond alors que la réponse était si évidente.

"On croirait entendre un rejeton d'Héphaïstos ... de chouettes mecs même si je suis pas très convaincue pour ses filles. Tiens d'ailleurs, t'en serait pas un par hasard ?"

Hephaïstos pouffa. Non, il n'était pas son propre rejeton, mais la gosse n'était pas si loin de la solution ! Finalement, elle n'était pas aussi cruche que son père.

La gamine s'assit devant sa bécane, presque comme si elle la regardait dans les yeux, histoire d'entrer en contacte avec elle par télépathie. Le Forgeron se demanda si la moto (en l'occurrence sa victime) serait aussi muette avec lui qu'avec elle. Bon, ok les raisons ne seraient pas pareilles. A moins que Swann ne soit aussi douée d'un dont de technopathie ... chose peu probable quand on pense à son ascendance divine. La seule chose avec laquelle Arès savait communiquer était avec ses armes et ... enfin bref. Maudite soit Aphrodite pour tromper son mari avec un tel énergumène.

"Bordel de merde !"

Hephaïstos haussa un sourcil, intrigué par ce cri soudain et tout à fait charmant. Est-ce que la demi-déesse avait conversé avec sa moto par la simple pensée ? Ou alors autre chose ... plus probable d'ailleurs.

"Quoi donc petite ? Tu as trouvé l'origine du problème ?"

Pas bête la gosse ! Elle avait mit un temps avant de comprendre, ah ça oui ! Mais finalement, son petit cerveau avait résolu le problème. Brave petite. Bon, le seul truc c'est qu'elle ne réagissait absolument pas comme il l'avait prévu. La plupart des gens, sachant qu'ils étaient en présence divine, se jetaient à ses pieds, l'implorant activement de les laisser en vie, clamant qu'une telle présence les honorait. Ok, là, la situation n'était pas pareille. Swann avait aussi tout habillement deviné que Héphaïstos était à l'origine des nombreuses pannes de sa moto. Oups. Le mélange gamine d'Arès et mise en rogne par le mari de celle avec qui batifole son père ... Eh bien voilà qui semblait sans soucis expliquer cet excès de rage et ce ballet incessant d'objets volants.

Tout soupirant, encore adossé au mur qui soutenait gentiment sa lourde carcasse, les bras croisés, le Forgeron regardait sa petite victime massacrer la forge. Si elle continuait comme ça, le bâtiment finirait par s'écrouler.
Le dieu claqua des doigts, faisant ainsi disparaître l'ensemble du matériel. Seuls restaient les quatre murs de la gorge, la moto, Swann et le Forgeron. Le divin en avait d'ailleurs profité pour changer d'apparence (d'habits, plutôt). Il portait à présent une légère chemise de lin, un pantalon marron typé jean, et ses cheveux attachés en une demie queue. Soignait il son apparence ? Certainement. Dernier détail, le moteur de la moto vrombossait comme jamais (bien qu'elle n'ait toujours pas décidé d'adresser la parole à celui qui l'avait remise en fonction).

"C'est une bonne moto que tu as là gamine. Le problème ne venait pas forcément d'elle, tu l'as vu. T'as de la jugeote, bravo. C'est bien dommage que ton père soit cette tête brûlée d'Arès."

""DOMMAGE QUE TON PÈRE SOIT CETTE TÊTE BRÛLÉE D'ARÈS" ? JE PRÉFÈRE ÊTRE LA FILLE D'UNE FOUTUE TÊTE BRÛLÉE QUE D'ÊTRE CELLE D'UN PAUVRE DIEU QUI AU FINAL N'EST QU'UN PAUVRE MEC QUI S'EST FAIT VOLER BÊTEMENT SA FEMME ET QUI FAIT RIEN POUR LA RÉCUPÉRER PARCE QU'IL A TOUT SIMPLEMENT PAS LES COUILLES DE TENTER QUOI QUE CE SOIT CONTRE LADITE TÊTE BRÛLÉE PARCE QU'IL S'AGIT DU DIEU DE LA GUERRE ! VOUS DEVRIEZ AVOIR HONTE ! VOUS ÊTES TOUS LA À ESSAYER DE NOUS IMPOSER VOTRE PUTAIN DE SUPRÉMATIE MAIS VOUS ÊTES MÊME PAS CAPABLE DE GARDER DE L'ORDRE DANS VOS PROPRES VIES ET DE VOUS BATTRE POUR CE QUI COMPTE RÉELLEMENT, AUTREMENT DIT LES PERSONNES QUE VOUS AIMEZ."

La gosse se tenait devant lui, inébranlable. Clairement, elle avait l'audace de son père. Clairement, si Héphaïstos avait été ce dernier, il l'aurait carbonisé à la seconde même ou elle avait supposé que le Forgeron "n'avait pas les couilles". Ok, il était détraqué, mais peut-être pas à ce point. Heureusement pour elle, le dieu prônait le pacifisme et il en fallait bien plus pour le pousser à bout. Enfin là, que la gosse lui parle avec une telle hardeur, l'attitude qu'elle abordait ... heureusement qu'il ne se vexait pas aussi facilement qu'un être humain, sinon ... enfin, là Swann n'était pas loin de faire déborder le verre. Vraiment pas loin. En vérité, Héphaïstos aurait put dire "Touché", mais son amour propre, bien que modeste, était à vif. Du coup, évitons de trop en rajouter. Non, le dieu ne s'avouerai pas touché.

Le divin s'avança vers Swann. Sa démarche boiteuse rivalisait avec l'air sérieux qu'il adoptait, créant une sorte de comique de situation. Il serra les poings, ses phalanges rougeoyant telles les braises dormantes d'un feu. Il jugea l'espace d'un très court instant la moto dont le moteur vrombissait encore. Non, cette fois-ci il allait l'épargner, même si elle l’injuriait comme jamais. Il reporta son attention sur la rejetonne d'Arès, et s'arrêta juste devant elle. Même sous sa forme humaine, le dieu Forgeron la dominait de deux larges têtes la gosse qui se tenait devant lui.

"Ma chère, je te prierais de revoir ce que vous appelez "classiques mythologiques". Il semblerait que tu aies oublié les faits qui relatent les pièges que j'ai tendu à ton père, ainsi qu'à ma ... femme. Tu n'es qu'une mortelle, tu ne peux pas comprendre. Les choses sont différentes pour les dieux, rentre toi bien ça dans le crâne. Je te ferais remarquer que tu es également la preuve vivante que ton père ne s'attarde pas qu'avec Aphrodite, alors si tu cherches à donner une leçon de moral à quelqu'un, je te conseille de t'adresser à ton père."