J'entendis ses pas derrière moi et bientôt, je le vis du coin de l'oeil dans mon champ de vision, marchant à mes côtés comme si de rien n'était. Nous fîmes plusieurs pas en silence avant qu'il ne me file un petit coup dans l'épaule et s'exclame :

"Ok t'as gagné mais t'avise pas de t'en vanter sinon je... eh bien je ne ferais rien mais voilà. Et non je ne manque pas d'arguments, et non je suis pas susceptible, je suis seulement...  Galant, oui voilà c'est ça galant !"

J'éclatais de rire et lui rendis son petit coup d'épaule. Je me tournais vers lui et lui répondis du tac au tac :

"Mais bien sûr ! Ca doit être tout à fait ça !"

Je lui relançais un petit coup dans l'épaule en me balançant vers lui, ajoutant à ma petite blague pour l'embêter. Nous continuâmes de marcher un peu plus longtemps dans le silence, quittant les grandes avenues bondées pour entrer dans de plus petites banlieues, nous rapprochant au fur et à mesure de la Colonie.

Les kilomètres séparant la ville du Camp n'étaient pas un problème. J'étais une nymphe et même si j'étais mortelle, je vivais bien plus longtemps que les petits humains et encore bien plus que les demi-dieux qui avaient tendance à voir leurs vies vite arriver à leur terme. Moi, je ne fatiguais pas vraiment vite et normalement, Dean non plus. Un réel avantage quand on avait de longues distances à parcourir.

Les arbres apparurent bien vite. Plus vite que je ne le pensais. La forêt ne serait plus bien loin. Je regardais autour de moi et aperçus un pommier. Je m'en approchais et sautais d'un petit bond pour attraper un des fruits de l'arbre. Je le lançais à Dean avant d'en attraper un autre pour moi. Je croquais dedans quand Dean sortit de son silence :

"Ali ? Je ne t'ai jamais demandé car ça ne me regarde peut être pas mais... Tu as quelqu'un à la colonie ? Je veux dire une créature ou un sang mêlé ou je ne sais quoi ? Si c'est trop déplacé tu n'es pas obligée de répondre hein."

Je manquais de m'étouffer avec mon bout de pomme. J'avalais avec difficulté et me tournais vers lui, m'arrêtant net sur ma route.

"Oui, c'est plutôt déplacé."

Je vis son petit sourire timide disparaître à cause de ma voix sèche. Je me mordis la lèvre. Je n'avais pas été très gentille mais j'avais été prise par surprise. Je réfléchis donc avant de reprendre, après avoir tourné sept fois ma langue dans ma bouche :

"Désolée. Non, il n'y a pas vraiment quelqu'un mais c'est mieux comme ça je crois. Ca pose trop de problèmes..."

Je lui adressais un mince sourire pour tenter de le remettre à l'aise. Après tout, je lui avais quelque peu forcé la main pour me suivre à la Colonie et être malpolie de la sorte, ce n'était pas très gentil.

Il attendu quelques instants sans rien dire avant de me répondre :

"Je suis désolé... je n'aurai pas dû te demander ce genre de chose. Après tout cela ne me regardait pas... Mais je te remercie de ta réponse tout de même, j'ai bien vu que cela t'avais gênée mais tu m'as répondu, merci..."

Je décidais de ne pas répondre. Ca ne servait à rien. Il était gêné, j'étais gênée. Mais ce que je lui avais dit n'était pas faux : avec tout ce qui se passait ces derniers temps, les attaques, les guerres, ça ne servait à rien de s'engager dans quelque chose de ce type. C'était trop dangereux, ça aurait pu faire trop mal. J'en savais quelque chose. J'avais déjà perdu un ou deux amours à la guerre et malgré les années, la douleur était toujours présente. Autant ne pas réitérer l'expérience.

Je croquais dans ma pomme et me remis en marche. Finalement, ce fut de nouveau Dean qui brisa le silence :

"En soit tu n'as pas tort, les relations amoureuse sont vraiment problématiques. Je connais ça moi, j'ai eu tellement de petites amies. Ppppiiiooouuu je ne les compte même plus ! Faut dire que je suis un véritable tombeur, mais bon je n'y peux rien, je ne fais rien pour et pourtant je les attire toutes que veux-tu."

J'éclatais de rire. Au moins, il savait détendre l'atmosphère et par ces temps difficiles, mieux valait avoir cette aptitude. Au Camp, ce n'était pas vraiment la fête. Je me mordis la lèvre, m'empêchant de continuer de rire en pensant à l'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes à tous.

Je tournais la tête vers lui et, avec un petit sourire triste, lui répondis :

"Arrête donc de te vanter. Et je te préviens, en ce moment, au Camp, pas besoin de ce genre de choses. Personne. J'aurais peut-être dû te prévenir..."

Je laissais ma phrase en suspens, réfléchissant à comment l'amener dans la conversation, lui annoncer ce qui se passait sans pour autant l'inquiéter ou l'attrister. J'inspirais un grand coup et lui annonçais de but en blanc :

"On a été attaqué. Des demi-dieux contre les Dieux. Depuis, on est en état de guerre."

"Je suis désolé... je ne savais pas... Tu sais je n'étais pas sérieux, je disais simplement ça pour détendre l'atmosphère... Mais je comprend... si là bas il ne faut pas rire ni rien je peux me tenir. Ne t'en fais pas je ne te ferai pas honte ou autre."

Dean avait l'air si gêné que j'en oubliais presque la peine que j'avais ressenti. Je lui adressais un petit sourire pour le rassurer. Je marchais à ses côtés, en silence. On aurait dit qu'une ambiance de plomb s'était désormais installée. Remarque, mieux valait cela en arrivant au Camp. Arriver en riant, ça aurait été mal vu. Il faut dire que si la Colonie était presque entièrement reconstruite, l'humeur n'était tout de même pas à la fête. Tout le monde avait souffert.

Je relevais la tête, arrêtant de fixer mes pieds et le sol couvert de feuilles avec l'arrivée de l'automne. Nous étions presque arrivés, je voyais déjà l'entrée du Camp. Je tournais la tête vers Dean et le vis prendre une grande inspiration avant de se lancer :

"Ali... je..."

J'entendis un sifflement puis un bruit sourd et Dean tomba à la renverse. Transpercé par une flèche. Je me précipitais à son chevet alors qu'il fermait les yeux, perdant connaissance.

"Dean ! Non mais c'est pas vrai !"

Je me retournais, furibonde. La flèche bien vissée dans son ventre, il ne saignait pas trop. Tant qu'on ne la lui enlevait pas. Je regardais les deux demi-dieux postés à l'entrée du Camp. Je me relevais et les hélais :

"Non mais ça va pas la tête ! C'est Aliénor ! Je revenais avec un satyre bande d'abrutis ! Venez donc m'aider à l'amener à l'infirmerie !"

Tout penauds, les deux demi-dieux, enfants d'Arès - comme de par hasard - accoururent et m'aidèrent à lever Dean pour le transporter à l'infirmerie. Aussitôt l'entrée du Camp passée, deux enfants d'Apollon arrivèrent pour nous prêter main forte tandis que deux autres allaient remplacer à leurs postes les enfants du Dieu de la guerre.

Je regardais les demi-dieux s'activer autour de Dean, le soignant à grand coup de nectar et d'ambroisie. Finalement, au bout de longues minutes, ils s'éloignèrent, m'assurant que tout irait bien pour lui. J'eus l'impression de reprendre enfin ma respiration après une longue apnée. Je soupirais, soulagée et décidais de rester à son chevet un peu plus longtemps, juste pour m'assurer qu'il allait bien.