Hadès se leva enfin, ses jambes engourdies par cette longue réunion qui avait duré à n'en plus finir. C'était quand même dingue, on l'excluait totalement de l'Olympe -ce qui ne le dérangeait pas-, mais on ne lui demandait de venir que pour les trucs chiants -ce qui le dérangeait plus, son temps était très important. Et, aussi, le temps, c'était de l'argent. Pour une fois, cette règle s'appliquait à Hadès, puisque deux heures assis, à parler de trucs totalement inutile (faudrait-il enlever le bungalow de Nyx à la Colonie ? Mais il s'en foutait, de la colonie !), alors qu'il pourrait gagner de l'argent pendant ce temps. Donc vous comprenez désormais la satisfaction du Maître des Enfers lorsqu'il se leva à la fin de la réunion.
Il épousseta, malgré l'inutilité du geste, le bas de son manteau, et se dirigea lentement vers la sortie. Dans sa tête bouillonnaient toutes sortes d'informations utiles à Hadès, mais qui n'avait aucun rapport avec la réunion -certes importante. Il se demandait tout de même quelle était la vie d'un sang-mêlé de la Colonie, aussi chiante soit cette dernière. Après tout, il ne savait pas vraiment, mais avec ce qu'il avait entendu, ça n'avait pas l'air de faire rêver.
Il soupira un instant et s'arrêta juste avant d'ouvrir l'immense porte qui séparait le monde divin de celui des fourmis qui grouillaient dans le monde d'en bas. Il se retourna et fixa le trône qu'il lui avait été attribué. Il avait la désagréable impression d'avoir oublié quelque chose, et pourtant ? Il n'y avait rien sur ce qui lui servait de chaise. Non, vraiment, elle était vide et propre de tout objet ayant appartenu au Dieu des Enfers. Avec un soupir, encore plus désespéré d'avoir perdu du temps, Hadès se décida à s'approcher de la porte en roulant des yeux, après cette horrible perte de temps.

Il tendit mollement sa main pâle et squelettique pour attraper l'immense porte d'or. Avec un petit effort dû à sa maigreur, il l'ouvrit en serrant les dents.
Foutus Dieux.

Zeus avait fini par réunir tout l'Olympe, y compris son frère Hadès, afin de faire le point et tenter de réfléchir à la situation que connaissait la Colonie, mais comme il s'y attendait, ils étaient tous trop occupés soit à se crier dessus, soit à écouter d'une oreille distraite, comme c'était le cas pour Hadès. Ce qui fit soupirer le roi des dieux : il allait falloir qu'ils discutent, tous les deux, et ça n'allait pas être une partie de plaisir.

Une fois la réunion terminée, Zeus les fit tous se disperser, disant à son fils Hermès de rester dans le coin, afin qu'ils tentent ensemble de trouver une solution pour l'état du dieu des voleurs, même s'il retrouvait petit à petit ses pouvoirs, avant de chercher Hadès. Il finit par le trouver en train d'ouvrir la grande porte qui séparait l'Olympe du monde mortel, et lui lança :

Hadès ! Comptais-tu partir sans me dire au revoir ? Ce serait manquer à ton devoir et faire preuve d'impolitesse...

Esquissant un sourire légèrement moqueur, le roi des dieux et des hommes s'approcha de son aîné et le prit par l'épaule avant de reprendre :

Mais avant que tu partes, j'aimerais que nous parlions un peu, toi et moi. Comme dans le bon vieux temps, sans se battre si possible...

Il l'emmena dans la pièce principale qui servait de salle du trône et du conseil, fit rapprocher le trône d'Hadès du sien et apparaître du nectar et de l'ambroisie qu'il tendit à Hadès en le regardant droit dans les yeux :

Dis-moi ce qui ne va pas. Et n'hésite pas à être honnête et franc, comme d'habitude, au moins ça sortira. Qu'est-ce qui t'embête pour que tu soupires pendant une réunion concernant l'avenir de la Colonie ?

La réponse d'Hadès ne tarda, et Zeus nota le petit sourire qu'il lui adressait :

Crois-moi, je veux bien participer. Mais il me faudrait une raison de me soucier de petits idiots qui font du mal à mes enfants. Alice, tu sais ? Elle n'aurait pas été dans la Résistance si les demis-dieux l'avaient bien traitée. Tu as des enfants mortels, toi aussi. Mais être mon enfant c'est... Pas valorisant du tout. Vois-tu, contrairement à toi, je n'ai pas une liste de mes femmes sur Wikipedia, et j'ai eu ces enfants car j'ai aimé leurs mères. Donc si je n'en ai rien à faire c'est car je me demande pourquoi la Colonie mériterait mon aide.

Zeus se raidit sur son trône et prit un air sévère, presque fermé. Alors oui, il aimait les femmes, mais il ne pouvait pas y faire grand-chose, mais qu'est-ce qu'il y pouvait si Hadès renvoyait une image plutôt négative auprès de la population ? En tant que Seigneur des Enfers, il ne montrait pas l'impression d'avoir envie de changer tout cela... Fronçant les sourcils, le roi des dieux et des hommes répondit en tentant de rester calme :

Donc si je te suis bien, tu me reproches qu'être ton enfant ne soit pas valorisé ? Mais regarde-toi, par moi ! Tu es le Seigneur des Enfers, tu ne fais rien pour tenter d'améliorer cette image...

Il poussa un soupir et se pinça l'arête du nez avant de reprendre avec lassitude :

De tous temps les mortels t'ont considéré comme néfaste, depuis que nous existons je n'en ai pas entendu un seul qui n'ait pas prié pour ne jamais croiser ta route, et ce malgré leur nature éphémère. Alors j'avoue que je ne vois pas ce que je pourrai faire personnellement pour que toi et tes enfants soyez mieux considérés...

Je ne parle pas de ma propre réputation, je parle de celle de mes enfants. Et je te l'ai dis, je pense que mon aide serait utile à la Colonie. Mais je ne fais pas les choses à moitié, alors s'ils veulent que j'aide cette troupe d'adolescents, il va falloir me montrer qu'ils le méritent. Et ce n'est pas gagné pour l'instant.

Zeus poussa un soupir d'exaspération : décidément, Hadès était plus malin qu'il ne laissait paraître... Mais la question de la réputation de ses enfants dépendait en partie de la réputation du maître des Enfers, qu'il le veuille ou non. Après... C'était aussi aux demi-dieux de prouver leur valeur, mais les préjugés avaient malgré tout la vie dure auprès des demi-dieux dont l'ascendance divine n'était pas celle d'Hadès. Le roi des dieux et des hommes finit par répondre :

La réputation de tes enfants dépend en partie de la tienne, que tu le veuilles ou non. Mais nous pouvons quand même tenter de changer les mentalités, mais ça ne fera pas du jour au lendemain, j'espère que tu en es conscient.

Il fit apparaître deux coupes pleines de nectar, dont une qu'il tendit à Hadès, avant de reprendre :

Remarque... Je pense que si ta descendance prenait part au combat pour montrer qu'elle vaut autant qu'un enfant d'Hermès, par exemple, ça pourrait commencer à aider les autres à vous considérer d'un autre œil. Bon,
là tes deux filles sont à la Résistance, mais tu pourrais peut-être leur faire prendre conscience de leur erreur, afin qu'elles montrent aux autres qu'elle valent mieux que l'image qu'elles renvoient. Après tout, tu peux très bien les retrouver, ce n'est pas comme si tu voulais les reprendre auprès de toi...

Hadès eut la politesse d'attendre que Zeus ait fini avant de répondre en soupirant :

J'ai déjà parlé à Alice. Elle cherche dans la Résistance de la puissance et du pouvoir. Elle considère son groupe comme sa famille, elle me hait. Quant à Kaylee, j'ai bien peur qu'elle soit comme Alice.

Et voilà. La sempiternelle question de la loi que Zeus avait instaurée pour éviter que les dieux deviennent humains. La critique était sous-entendue mais très claire. Et il était pour l'instant hors de question pour le maître de l'Olympe de revenir là-dessus, déjà qu'il l'avait bien assouplie sur la demande de Percy Jackson, il y a quelques années maintenant...

Soupirant de nouveau - en espérant que ce soit la dernière fois - Zeus se leva et lança :

Bon, je pense que nous n'arriverons pas à aller au-delà de cette discussion... Quand Hermès ira mieux, je l'enverrai à la Colonie transmettre le message comme quoi, la prochaine fois qu'un de tes enfants viendra à la Colonie, il faudra le respecter et ne plus le considérer comme un pestiféré. Mais d'ici là, il faudra que tu y mettes un peu du tiens de ton côté en aidant la Colonie et ses pensionnaires, ça aidera à redorer ton image auprès d'eux.

Sitôt qu'il eût parlé, le tonnerre se mit à gronder, signe que la décision de Zeus était prise et que rien ne pouvait y changer. Il fallait que l'Olympe soit unie pour aider la Colonie et ramener la Résistance dans le rang, même si cette dernière devait disparaître avec tous ses membres. On ne défie pas impunément l'Olympe, et les Résistants apprendront bien vite que les dieux ne restent jamais immobiles quand on les défie. La preuve avec Hermès, qui avait laissé des plumes lorsqu'il était parti récupérer les demi-dieux capturés...