Héra n’avait jamais réellement vécu ce qu’on pourrait appeler une vie paisible. Elle avait à peine ouvert les yeux et découvert le monde, qu’aussitôt elle était plongée dans les entrailles sombres et terribles de son propre père, Cronos. Le temps est certes l’ennemi de tous, mais son père représentait tout de même pour Héra quelque chose de plus qu’un simple antagoniste. Depuis ses premiers instants, elle a porté en elle une haine, un feu éternel qui brûle encore et toujours jusqu’à aujourd’hui allumé par le titan qu’elle avait pour père. Il y existe une légende amérindienne qui raconte que deux loups se battent dans notre cœur. L’un noir, l’autre blanc. L’un représente méchanceté, égocentrisme, tristesse et colère, et l’autre joie, optimisme et altruisme, et les deux se battent sans cesse dans le champ de bataille qu’est notre esprit, avec pour vainqueur celui que nous nourrissons. Dans le cas de Héra, la bataille n’était pas de nourrir un loup ou l’autre, mais de nourrir le feu de sa colère ou pas.

Cela n’était pas une tâche facile, puisqu’il semblait qu’à chaque tournant de sa vie, on cherchait à la tourmenter, à se moquer d’elle. Femme fière, il était difficile pour Héra de juste ignorer ces insultes constantes. Les approches de Zeus en faisaient partie, culminant avec sa transformation en coucou afin de la duper et de prendre refuge contre sa poitrine. Humiliée, elle s’était alors sentie obligée d’épouser son frère malin, ce qui n’allait pas être un mariage de tout repos. D’un naturel calme et maternel, celle qui était maintenant la reine des dieux avait toujours représenté les aspects de la vie traditionnellement féminins : le mariage, la grossesse, la famille et les enfants. Elle avait donc tendance à prendre soin de ceux qui l’entouraient.

Elle tient sa rigueur et son sérieux de ceux qu’elle considère comme ses vrais parents : Tethys et Oceanus, titans des fleuves et des océans. Ils lui avaient donné la patience de l’eau et la force du courant, faisant d’elle une femme puissante et fière qui n’acceptait pas qu’on lui refuse ses désirs. L’eau, comme le feu, peut être contrôlé, mais également très dévastatrice dans le cas contraire. Et alors que le feu en elle était nourri peu à peu, elle ne pouvait s’empêcher de faire déferler sa colère sur ceux qu’elle percevait comme manquant de respect. Zeus aurait du être la cible principale de son envie de destruction, mais elle finissait souvent par se retourner contre des innocents sans qu’elle réalise même ce que la colère lui faisait faire. Parmi ses victimes, on retrouve le héros Heraclès, la nymphe Io ou la déesse Léto. Elle a finalement décidé de prouver à Zeus qu’elle n’avait pas besoin de lui pour concevoir, et avait alors créé Hephaistos. Déçue de l’apparence de celui-ci, elle l’avait jeté d’une falaise, décision qu’elle vint à regretter des années plus tard, Hephaistos étant devenu un dieu fort et respectable.

Des années et des années plus tard, Hephaistos vint vers elle avec une nouvelle invention des mortels, une machine appelée un « ordinateur ». Son fils lui expliqua le principe de l’engin, ainsi que son usage principal : internet. Elle passa alors des heures à regarder des photos de chats adorables, de paons et de vaches. Son attention tomba ensuite sur des sites de mythologie. L’idée qu’elle et ses frères et sœurs n’étaient maintenant que des légendes aux yeux des mortels la fit glousser. Les humains avaient toujours été aveugles aux vérités de leur monde, et même une invention aussi puissante qu’internet ne changerait pas ça. Cependant, une histoire racontée sur les dieux la dérangeait. La sienne. Elle était présentée comme vindicative et colérique, jalouse et possessive. Zeus, lui, avait ses défauts vantés comme des qualités, son infidélité était présentée comme une fierté. Au début, elle était frustrée de cette injustice dans les perceptions mortelles. Cependant, en continuant sa lecture, elle se rappela de tout le mal qu’elle avait causé à des personnes innocentes dans ces affaires. Quel mal avaient causé Léto ou Io ? Elles n’avaient jamais voulu être les victimes de Zeus, et encore moins de la colère de Héra.
Elle sentit alors un sentiment de culpabilité profonde monter en elle. Sans même le réaliser, elle avait laissé le feu en elle la consumer, oublié sa vraie mission. Elle était avant tout une protectrice des femmes et de la féminité, et blâmer les femmes avec lesquelles son mari la trompaient n’était pas un comportement digne de la déesse. Pendant les mois qui suivirent, Héra dédia son temps à la lecture de livres sur les femmes, que ce soit d’un point de vue scientifique, philosophique ou historique. Elle apprit les histoires de Malala, Jeanne d’arc, Catherine de Russie ainsi que l’histoire de la féminité. Elle décida ensuite de prendre conseil auprès des femmes de l’Olympe. Elle avait découvert 7 aspects de la femme dans ses lectures : The Lover, qu’Aphrodite incarnait à la perfection, The Maiden par Perséphone, The Mother par Démeter, The Queen, qu’elle avait l’honneur de représenter, The Huntress par Artémis, The Sage par Athéna et enfin The Mystic par la discrète Hestia. Forte de ses apprentissages, Héra était désormais prête à accomplir son rôle et défendre toutes les femmes qui sont sa protection.