Installé dans son bureau, regardant son nouveau bras sous toutes les coutures, Cyril poussa un soupir. Il appréciait d'avoir pu récupérer la motricité de son bras autrefois mort, mais il avait encore du mal à se faire à l'idée qu'il avait un bras magique, qui pouvait faire bouclier et lame si besoin était, le tout sans que personne ne s'en rende compte tant qu'il ne l'avait pas activé pour l'une ou l'autre fonction.

Ce qu'il n'avait pas prévu, en revanche, c'était l'arrivée impromptue de Sora alors qu'il était en pleine inspection, sursautant quand la porte de son bureau s'ouvrit sur sa fille adoptive affichant un masque neutre, presque froid, ce qui l'inquiéta d'autant plus quand elle lui lança sans préavis :

Il faut qu'on parle.

Hé bien installe-toi et dis-moi tout, répondit Cyril en croisant les bras sur son bureau et fixant la jeune femme avec attention. C'est qu'elle avait grandi, la petite Sora... Qu'est-ce qui avait bien pu se passer pour qu'elle change autant aussi rapidement ?

Sora n'attendit pas longtemps pour s'exécuter. Une fois assise, elle lui lança :

Papa ... j'espère que tu es bien assis parce que ça risque d'être long à raconter.

Aussitôt Cyril se raidit, portant une attention toute particulière à ce qu'allait dit sa petite Sora. Et il ne fut pas déçu :

Lors d'une mission de reconnaissance, je me suis faites capturée par Dionysos, hier matin.

Pause dramatique, le temps que Cyril digère la nouvelle, puis elle reprit :

Crois-moi, tu n'es pas au bout de tes surprises quoique le coup du poivrot, je ne m'y attendais vraiment pas.

J'ose espérer que tu m'amènes une bonne nouvelle quand même, répondit Cyril en restant parfaitement stoïque, du moins en apparence. Parce qu'il avait clairement envie de se lever pour aller étrangler le poivrot pour avoir osé s'attaquer à sa petite fille. Mais d'abord, écoutons la suite de l'histoire...

Hum, vu la tête que faisait Sora, elle n'avait pas compris que c'était pour elle qu'il demandait si elle avait de bonnes nouvelles. Tant pis, songea Cyril, autant la laisser répondre :

Si tu savais ! Dionysos nous a envoyé moi et Warren, une des victimes d'Alice à la Colonie. Ce qui m'étonne, c'est que le vieux nous ait pas suivi, je suppose qu'il a dû se faire griller par Zeus ...

Oh. Warren était donc dans le coup, intéressant... Cyril resta de marbre alors qu'elle reprenait :

Je suis arrivée à la Colonie, il m'a emmené dans l'infirmirmerie et m'a bouclé là-bas. Il voulait des informations sur nous, l'amateur !

C'est là que Cyril poussa un soupir et s'installa au fond de son siège avant de reprendre doucement :

Et dis-moi qu'il ne t'a rien fait... Je sais que tu n'as rien pu dire de trop important qui puisse menacer la Résistance, je veux juste me rassurer sur ton sort.

Tant qu'elle ne l'aurait pas rassuré, il refuserait d'écouter quoi que ce soit. Même si d'apparence elle semblait aller bien, tant qu'elle ne l'aurait pas dit clairement il ne pourrait pas savoir, et il ne ferait pas un bon père s'il ne s'inquiétait pas un minimum...

Sora sourit avant de répondre :

Je ne dirais jamais rien sur la Résistance qui puisse compromettre tes plans, nous ne devons pas sous-estimer la Colonie, ils ont encore un peu de ressource.

Bon, c'était déjà ça. Mais Cyril attendait la suite avec impatience, et se détendit un peu quand Sora lui assura qu'elle allait bien mais un peu chamboulée. Minute, chamboulée ? Le haussement de sourcil de Cyril trahit son interrogation, à laquelle la jeune femme répondit :

J'ai rencontré Warren. Il a voulu me faire cracher le morceau sur nous, j'ai refusé, nous avons discuté un petit moment avant de ... Il demande des pourparlers en vue d'une paix entre nous et la Colonie.

Alors là, il s'attendait à tout sauf à ça. Warren demandait des pourparlers en vue d'une paix ? L'ex-inspecteur se cala dans le fond de son fauteuil, pensif. Une trêve entre la Colonie et la Résistance... Cela pouvait être possible, voire même nécessaire, mais connaissant les Alliés ils chercheront à empêcher leurs adversaires de fondre sur l'Olympe, et les morts seraient inévitables des deux côtés.

Après quelques instants de réflexion, Cyril soupira et se tourna vers Sora :

D'un côté, c'est vrai que ça ne sert à rien de se battre contre eux. Nous tuons, ils tuent, et au final les choses n'avancent pas. De l'autre, ils nous empêcheront d'atteindre notre objectif, l'Olympe, et j'ai peur que nous retombions tous dans nos travers... Il faut qu'on en parle aux autres.

Vu la tête que faisait Sora, la demoiselle avait vraiment envie de convaincre Cyril. Aussi croisa-t-il les doigts sous son menton tout en l'écoutant :

Certes, ils nous empêchent d'atteindre l'Olympe, mais d'un autre côté, ils ne viennent plus nous détruire le QG. Si on pouvait se concentrer que sur les dieux, on gagnerait en puissance.

Petite pause, puis elle reprit :

La Résistance a dévié de son objectif principal, nous nous ne faisons que nous battre avec la Colonie, en perdant des camarades. Nous sommes vus comme des monstres assoiffés de sang avec Alice en haut du podium. Si nous étions capable de faire la paix avec la Colonie et si nous respections cet accord, je suis presque sûre que des Alliés viendraient de notre côté, nous ne pouvons plus régner dans la terreur, nous devons la jouer fine.

Même s'il n'en montrait rien, Cyril écoutait attentivement. Il s'était effectivement fourvoyé, écoutant aussi la soif de violence de certains Résistants, mais en tant que chef il aurait dû peser le pour et le contre à chacune de ses décisions... La dernière phrase de Sora acheva de le convaincre :

Il est temps de montrer pourquoi notre cause est légitime, elle doit perdurer, pas s'autodétruire.

Tu as raison.

Cyril se leva et se plaça devant Sora pour poser ses deux mains sur son visage avec un sourire avant de reprendre doucement :

Tu m'as convaincu, je crois qu'il est temps d'accepter ces pourparlers. Dans un endroit neutre. Par contre... Je ne sais pas encore si j'y vais seul ou accompagné.

Cyril laissa Sora se blottir contre lui comme une enfant, lui caressant doucement le haut du dos, alors qu'elle lui disait :

Tu dois y aller accompagné, ça montrera que la Résistance suit tes directives et que nous voulons la paix avec eux.

L'esprit de Cyril se mit en branle, réfléchissant à qui pourrait l'accompagner. Il aurait tendance à mettre les éléments les plus violents de côté, mais ses lieutenants semblaient les plus à même de l'accompagner. Il marmonna :

Matthew, Adriane... Alice, peut-être. Je pense qu'ils suffiront.

Il baissa la tête pour regarder sa petite fille devenue grande et reprit d'une voix assurée :

C'est décidé, j'irai avec Matt, Adriane et Alice. En espérant que je n'aurais pas à le regretter... Toi, tu te remets et tu préviens Warren. Je suis à sa disposition, qu'il me dise le jour, l'heure et le lieu du rendez-vous pour le cessez-le-feu.