Une louve face à sa proie

Rencontre avec le fils de Chioné #1

Les mots de Thanatos résonnaient encore ainsi que la peur éprouvait. Mon sang s’était glacée et arrêtée de battre jusqu’au moment d’entendre autre chose battre. Puis, prenant conscience que cet autre battement était l’enfant que je portais. Je dus combattre l’envie de hurler car tout mon être semblait s’embraser et s’éteindre telle une rose achevant son dernier éclat. J’étais devenue pâle et tout mon visage s’était crispé dans une expression d’effroi. Je sentais le poids de cette vérité sur mes épaules et la face colérique d’Hadès surgissant des ténèbres les plus chaotiques. Ce n’était pas le moment de concevoir mais le destin en avait décidé autrement. Comment pourrais-je porter un tel enfant tout en conservant un tel secret ? Je n’en avais pas la réponse et je ne pouvais pas prendre le risque de me mettre en danger inutilement. Le seul choix qui s’imposait réellement à moi, était de vivre comme un spectre parmi les mortels et de disparaître le temps que je serais enceinte. Je savais que ma disparition allait être sue et qu’on essayerait de me chercher, de me traquer… Mais ils ne devaient pas me retrouver car je mettrais en péril ma liberté mais surtout la vie de Tyler. Son père serait tellement fou de rage en apprenant cette nouvelle…

Seulement, je ne devais pas y penser, me concentrer sur moi-même et rester le plus longtemps possible introuvable. Je me rappelais encore de mon dernier entretien avec l’une de mes empuses. « Délia, je suis désolée mais…Mais je vais devoir user de ma magie pour que vous m'oubliez le temps que cette vie soit en sécurité. » A mes mots, son visage avait perdu toute couleur et elle s’avançait vers moi d’un pas déterminé. Or, elle ne put s’empêcher de commenter ce que je faisais réellement. « Votre plan est de la folie, ils vous retrouveront et… Et je n’ose imaginer la sentence d’un des trois. Où allez-vous vous réfugier ? Avez-vous réellement des alliés parmi les Olympiens ? Vous savez mieux que personne que vous jouez avec le feu ! Vous allez vous brûler et…Et je ne serai pas là pour vous protéger et vous servir comme je l’ai toujours fait depuis que vous m’avez créé. » Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel mais je posais avec tendresse ma main sur la sienne et je la serrai avec gratitude. « Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis après tout l’as des as en magie et j’ai le contrôle de la réalité. Même si je suis plus affaiblie que jamais je ferai mon maximum. Mais, je ne veux pas mettre plus de personne en dangers dont vous. Depuis le temps que j’ai passé à vous côtoyer, cela ne me permet pas de vous laisser dans les mains du chaos. Je vous libère de vos fonctions jusqu’à nouvelle ordre. Le lien qui nous unissait, sera… Rompu. » Je me mordis légèrement ma lèvre inférieure en prononçant ce dernier mot car ça me déchirait le cœur de perdre petit à petit ce que j’avais mis du temps à construire.  Mais plus je laissais derrière moi des pistes, plus ils pourront me retrouver et je ne pouvais le concevoir. Cet enfant était la chair de ma chair et la chair de la chair de Tyler, le produit de notre amour et je ne laisserais personne y faire le moindre mal. A ce prénom, j’eus l’image de l’homme que j’aimais et le dernier souvenir de lui. Il avait été si étrange, si distant comme s’il ne me connaissait plus mais peut-être il vaut mieux que ça reste ainsi pour le moment. Plus il sera éloigné de moi, plus il sera en sécurité car ils n’auront alors aucune idée du père de l’enfant que je porte.

Mes pas résonnaient sur le pavé new-yorkais. La nuit semblait paisible et un pâle croissant de lune se dessinait à travers ce plafond ténébreux. Je me sentais comme chez moi et la puissance irradiait chacun de mes ports. Je sentais naître à chaque coin de mon être une étincelle de pouvoir comme un feu d’artifice. J’étais habillée d’une longue cape noire cachant tout mon corps et ne laissant s’échapper que deux perles d’agate luisant sur un visage doux et légèrement pêche.

Seulement, mon troisième œil s’activa et je distinguais à trois pâtés de maison des silhouettes de chien des enfers. Mon sourire disparut laissant place à un rictus désagréable. Tout en gardant mon sang-froid, je dessinais de mes doigts des symboles runiques avant qu’apparaisse devant moi une porte. Je saisis doucement la poignée et je l’ouvris avant de pénétrer à l’intérieur. Celle-ci me fit apparaître dans une forêt qui m’était familière, non loin de la colonie. Etant donné que certains d’entre eux connaissaient cette forme humaine, je décidais de me transformer une louve. Ma fourrure noire luisait tel un diamant noir à la lumière lunaire. Puis, sans plus attendre, je m’engouffrais dans cette forêt tout en dissipant au maximum mon aura. J’avais pleinement conscience qu’Hadès aurait été parfaitement capable de me détecter car il avait appris à sentir l’odeur de ma magie qui était des plus particulières, des plus primitives. Or, alors comme tout être sauvage, je me mis à chercher une proie grâce à mon odorat surdéveloppé. Je me léchais les babines en sentant l’effluve d’un chevreuil. Je me dissimulais parmi les ombres et je me mis à pister ma future prise. Mes pas effleuraient à peine le sol comme une caresse. J’avais faim et c’était une certitude. Plus je m’approchais de ce fabuleux festin, plus j’étais déterminée à lui donner le coup fatal. Je pouvais déjà apercevoir sa fourrure ainsi que son regard apeuré. En remarquant ce petit détail, je sus qu’il ne m’était pas destiné et qu’il y avait donc quelqu’un d’autre. Je n’eus pas le temps de fouiller dans l’âme de l’animal que celui-ci avait déjà fui bien loin. Sentant l’intrus approché par mon instinct de prédateur, je montrais légèrement mes canines tout en prenant les devants. Quand il ne fut qu’à cinq mètres de moi, je me mis à grogner d’un air sombre et menaçant. Or, je m’aperçus bien trop tard que cet intrus était un demi-dieu. Je redoublais d’hostilité en avançant tout doucement près de ma nouvelle proie tout en le fixant de mon regard azuré perçant. Que devais-je faire à ce sang-mêlé ? J’avais la possibilité de le tuer ou de lui laisser la vie sauve. Mais en tant que loup, je savais être patient pour faire mariner ma proie.