Un jour inchangé
« Ce qui est dévié ne peut être redressé, et ce qui manque ne peut être compté. »



Ce bip habituel qui sonnait une fois par mois. C’était à un jour précis, le seul où je m’octroyais un congé pour rendre visite de façon anonyme à l’un de mes fils. Il s’appelait Caspar et mon absence l’avait conduit dans le monde de la drogue. Des remords, j’en avais. Je n’étais pas fière mais il était désormais trop tard pour y changer. Alors, pour apprendre à le connaître et à soulager ma conscience de mère, j’avais eu une idée de génie. Certes, c’était loin d’être honnête mais je pouvais avoir un autre visage que la mère ayant abandonné son gosse. Je possédais une pauvre femme qui était en permanence sous l’emprise de la drogue que mon cher fils livrait. Pourquoi elle et pas une autre ? La raison était qu’il semblait l’apprécier et lui confier de nombreuses choses sans forcément en demander en retour. Je n’avais aucune envie de lui révéler mon identité alors je restais flou et mystérieuse. Je l’écoutais, je le conseillais et il m’arrivait même de rigoler avec lui. A vrai dire, j’étais loin de me prendre au sérieuse, essayant au maximum de ressembler à cette femme. Je ne vous cache pas qu’il m’arrive de consommer un peu pour paraître plus naturel à ses yeux. La drogue a un effet bien différent sur les divinités, elle affecte nos sens mais elle ne nous rend pas accro. En comparaison, c’est comme manger un bonbon. Puis, ces cachetons ont un effet relaxant et pour une déesse « overbookée » comme moi, la détente n’est jamais au programme.

Appuyant sur l’écran pour faire cesser le bruit, je rangeai les derniers papiers avant de me téléporter dans l’appartement de la femme et d’en prendre possession. A mon étonnement, celle-ci se trouvait dans la salle de bain et semblait cacher vainement l’effet de la drogue sur son visage. Il était creux tout comme son corps était maigre. « Mrs Thomas ? » La voix du jeune homme s’entendait depuis l’entrée de l’appartement. « C'est Caspar ! » Prenant une mine apaisante, je remis une petite touche de fond de teint avant d’apparaître dans le salon. Comme à son habitude, le jeune homme avait pris son aise, en ayant pris une boisson au frigo et installé dans le canapé. J’émis un petit salut avant de poursuivre d’une voix calme. « Comment vas-tu depuis la dernière fois ? » Sans plus attendre, je pris place sur le fauteuil près du canapé tout en le regardant d’un œil scrutateur. Il semblait inchangé et c’était déjà une bonne chose. « Tu ne m’oublies jamais, toujours à l’heure ! » J’émis un petit ricanement tout en chopant une sorte de cachet et de l’ingurgité. Montrant au passage que c’était le dernier.