C

omme chaque fois, les gorgones rôdaient pour surveiller que le couvre-feu soit bien respecté. Mais l’esprit de ces créatures est bien faible. Pour Jayan, disparaître sous leurs yeux ou bien les rendre aveugles était un jeu d’enfant. Il connaissait leur ronde par cœur et ne se souciait même plus d’elle. Les premières fois furent les plus stressantes et les plus dangereuses. Mais c’était devenu quelque chose de banal. Enfin, à quelques détails près, car cette fois-ci ce n’était pas une simple sortie nocturne comme il en avait l’habitude. C’était la sortie qu’il s’autorisait et qu’il attendait chaque trimestre : une échappée dans New York. Cela lui permettait de s’évader, loin des moqueries habituelles du camp. Il suivait un parcours de souvenirs, de senteurs, d’images, des souvenances qui revenaient chaque nuit dans sa tête. Mais en sortant du camp, il prenait de biens plus gros risques qu’avec les gorgones, il en était bien conscient. Au-delà de la barrière marchent et vivent des créatures dont de simples tours de demi-dieu ne sauraient certainement les duper.  Malgré cela, il devait y aller. Un besoin vital de se purger de toute la rancune, la tristesse et le désarroi accumulés durant ces trois mois passés. La forêt s’étendait encore un peu au-delà de la barrière, et il ne fut rassuré qu’en sortant du sous-bois et en voyant enfin la blanche lune. New York n’était pas encore à côté : deux heures de marche furent encore nécessaires pour atteindre la ville. Aussi pour pouvoir jouir de plus de temps, il s’en allait à chaque visite de New York, peu de temps après la tombée de la nuit. Lui laissant assez de temps pour revenir au petit matin.
Il arriva à New York sans trop d’encombres sous l’ombre protectrice du croissant de lune illuminant le ciel. Mais New York n’avait rien à envier à la Lune, tant la ville était illuminée. Des rangées de lampadaires, des attractions, des habitations, tant d’énergie que la ville rivalisait avec le ciel. Mais les étoiles n’avaient rien à envier des hauts bâtiments de pierre qui cachaient la voûte céleste et dépeignait une multitude d’éléments dissonants dans une symphonie de lumière éclatante.
Mais cela avait bien peu d’importance pour Jayan qui venait se souvenir dans ce chemin de la mémoire. Il ne faisait pas très froid et la marche n’en était que plus agréable. Bientôt il arriva devant son ancien foyer. Le souvenir était si poignant qu’il lui arracha une petite larme et un sourire en coin. Il savait la porte du bâtiment fermée, surtout pour lui « le monstre ». Mais il n’y avait pas eu que du malheur au début de sa vie là-bas. Il continua son chemin, se souvenant d’avoir tel numéro de porte ou tel avenue dans sa jeunesse. Mais que de vagues souvenirs.
Plus il avançait, et les rues étaient éclairées, se transformant même en ruelles. Il croisa certains de ces noctambules à ne pas fréquenter, se cachant derrière un voile d’obscurité. Mais saluant les autres passants qui défilaient là en pleine nuit d’été. Tout se passait comme chaque trimestre, même si le parcours changeait, enfin jusqu’à ce que…

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es bruits d’eau gouttant au sol, le grincement sourd du métal, le bruissement des feuilles lâchées au vent. Tout semblait avoir un sens, tout semblait vouloir prévenir quelque chose. Les bâtiments faits de briques rouges de part et d’autre de la ruelle semblaient le ramener des décennies en arrière. La plupart étaient d’anciens entrepôts aménagés, ce genre d’endroits que ne fréquente que la mauvaise graine de New York. De la fumée s’échappait en grosses volutes des conduits d’aération, faisant par la même un son de roulement, comme si quelqu’un avançait dans l’ombre. Des enseignes peu fréquentées, avec des néons pour la plupart éteints (formant par ailleurs d’étranges mots), s’alignaient dans la ruelle. Les passants avançaient sans s’arrêter et encore, lorsque l’on en croisait on pouvait s’estimer heureux. Sur la droite de Jayan se trouva un bar, avec à la sortie quelques personnes ivres et soudain très bavardes.
— Eh ! Qu’est-ce tu fous ici, gamin, l’interpella un homme adossé à un mur.  C’pas des endroits pour des enfants. C’est-C’est ni l’heure…ni l’heure.
Sa voix s’estompait dans son dos, et Jayan continuait sa marche sans y faire attention. Quel étrange personnage ! Quand enfin il vit le bout de la rue, caché dans une légère fumée blanche, la boule qu’il avait au ventre se résorba, la peur diminua. Et cela même s’il ne voyait pas bien l’artère dans laquelle il débouchait, il sentait l’air frais et les bruits de voiture venant de là-bas.
Une ombre oppressante s’avança dans la fumée. Devenant de plus en plus nette. Elle se découpait dans le brouillard blanc de cette nuit. Une silhouette boitant dans l’ombre des bâtiments. Plus elle se rapprochait, et plus elle était discernable. Une jeune femme, seul, boitant dans cette ruelle malfamé. Que faisait-elle ici ? C’est dans ces instants-ci que le fils de Nyx se sentait poussé comme des ailes.
— Tout va bien mademoiselle ? L’interpella haut et fort Jayan.
Lui collé au mur à sa droite, et elle à celui de gauche.

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L

a méfiance s’entendait nettement dans le son de sa voix.
— Oui, c’est rien.
Mais qu’attendait-elle donc, pourquoi se diriger dans une ruelle si peu sure pour elle à une heure si tardive. Qu’avait-elle dans la tête à la fin ! La femme s’avança encore et Jayan pouvait à présent apercevoir ses frêles pieds nus sur des dalles de béton mouillées, crasseuses. Soudain, un sourire éclaira son visage. Elle fixait Jayan et le rejoignait d’un pas bien décidé. Après quoi elle l’enlaça tout en s’exclamant :
— Jayan ! Je t’avais pas reconnue. Tu peux pas savoir comme je suis soulagée de te revoir.
Le jeune homme surpris, se laissa tout d’abord faire ne comprenant pas vraiment ce qu’il se passait. Mais très vite il reprit ses esprits. Certes le visage de la jeune femme lui disait très vaguement quelque chose, il avait déjà dû la croiser dans la rue ou quelque part, mais pourquoi lui sautait-elle au cou comme cela ? Il se dégagea de son étreinte et parut quelque peu gêné.
— Je… Enfin… on se connait ?
Il se trouvait un peu honteux de répondre pareille chose. Et si ce fut quelqu’un dont il aurait du se rappeler et si c’était …

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J

ayan ne comprenait pas sa réaction, enfin jusqu'à ce qu'elle dise :
— Oui et même très bien, mais on s'était perdu de vue. Mes parents t'avaient recueilli alors que tu t'étais enfuis du foyer, je m'appelle Lavinia et j'ai un frère jumeau, Jack, je sais pas si tu te rappelles de lui, mais vous vous entendiez pas très bien.
Jayan en tombait des nues.
— C-C’est toi Lavinia… J-Jack… Tellement de souvenirs. Mon passé dont je recolle les morceaux.
Le jeune homme bouche bée, et des larmes vinrent à couler. Il repensait à toute ces fois il s’était remémoré son passé. Sa rencontre avec Lavinia, leurs jeux. Oui, il se souvenait des meilleurs moments de sa vie, avant qu’une ombre vienne obscurcir le tableau.
— Je ne t’ai même pas reconnue. Tu…Tu as tellement changé !
Lavinia s’était appuyée contre le mur tout en continuant à m’écouter, puis s’était massé le pied. Jayan ne pouvait pas la laisser comme ça, et de toute manière il souhaitait en savoir plus, rattraper le temps perdu… Mais que lui dirait-il si elle posait des questions sur les  quatre dernières années qui venaient de s’écouler ? Il n’en avait pas la moindre idée. Le pire dans tout cela était qu’il était très mauvais en improvisation.
Toujours anticiper, prévoir plusieurs coups à l’avance. Jayan en avait marre à la fin. Il faut parfois suivre les élans de son cœur. Il s’élança vers Lavinia et l’enserra. Respirant son parfum, sa santé. Elle lui avait bien manqué. E chaque fois que la tristesse l’avait emporté, il avait repensé à ces moments divins. Bien sûr ce n’étaient que des jeux de gamins, mais c’était tout ce qu’il y avait eu de bon dans sa vie passée. Jayan se détacha au bout de quelques minutes de la jeune femme qu’il avait à présent  face de lui, même si dans sa tête il la superposait à l’image de l’enfant qu’il avait connue autrefois.
— Viens je vais te raccompagner. Appuie-toi sur moi ! déclara-t-il. J’ai raté tellement de choses. Dis-moi ce qui s’est passé depuis tout ce temps ! Jack il va bien ?

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J

ayan n’en revenait pas. Leur amitié n’avait été que très peu altéré, même après des années sans se voir.

*C’est  vraiment quelque chose de très fort comme lien l’amitié, se fit-il comme réflexion.*

Lavinia s’appuya sur lui après que ce dernier le lui ait demandé. La joie exaltait de leur conversation. Jayan était soudain très réceptif, très avide de connaissances sur le temps qui avait passé. Elle lui répondait aussi simplement que lui venait les questions dans sa tête. Malheureusement, même s’il avait pensé à cette éventualité plus que probable, il redoutait le moment où elle commencerait à le questionner sur son passé. Et plus il posait de question, assouvissant par-là la marée de question dans sa tête, et plus il viendrait certainement à l’idée de Lavinia de lui en poser. Mais au moment même où il réfléchissait à cela, elle commençait à lui répondre.

— Jack! Il a bien changé aussi, il a décidé de faire barman et malheureusement il prend souvent de la drogue, ça arrive qu'il rentre complètement bourré, tu le verras peut être tout à l'heure.

Loin des souvenirs qu’il avait du petit Jack, il semblait en effet avoir beaucoup changé. Et pas pour le meilleur semblait-il. Malgré cette révélation, le fils de Nyx était aux anges, il aurait presque pu croire à un rêve. Qui aurait pu deviné qu'il l'aurait rencontrée.

— Eh poupée ! Reste pas avec ce minable, conseilla l’homme ivre de tout l’heure, devant le bar que Jayan dépassait pour la seconde fois. Viens avec moi, on sera tranquille n...

Sans plus lui prêter attention à l’aller qu’au retour, Jayan avançait soutenant en même temps Lavinia mal en point. Les paroles s'estompaient dans leur dos. Les blanches fumées des bouches d’aérations s’élevaient toujours.

— Par contre indique moi par où aller, je connais plus le chemin ! ricana Jayan en arrivant à la première intersection.

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A

ussitôt demandé, et aussitôt il eut une réponse concise, et tellement douce.
— C'est par là-bas, et je ne vis plus avec mes parents mais avec mon frère, en décembre, mon coloc a disparu, ni la police si sa famille n'a trouver la moindre trace d'où il avait pu aller. Du coup je dois cohabiter avec mon jumeau.
Jayan n’en revenait pas. Quelqu’un qui disparaissait comme ça sans laisser de trace, c’était louche. Et en son for intérieur, le fils de Nyx sentait bien que la mythologie grecque n’y était pas étrangère d’une manière ou d’une autre. Jayan était fou de joie de pouvoir revoir Jack. Comment serait leur appartement, cela l’intriguait.
Ils tournèrent à gauche, droit vers le centre-ville. Les rues y étaient beaucoup plus animées. Il soutenait Lavinia, comme revenant d’une bataille sanglante pendant qu’autour d’eux s’affairaient des dizaines et des centaines de personnes. Parfois les bousculant au risque de faire tomber Lavinia tenant déjà difficilement sur ses deux jambes.
Mais soudain au milieu de cette cohue, Jayan reconnu un visage familier. Il eut un moment d’hésitation avec de l’interpeller, plus aucun doute n’était possible avec ses mimiques qu’il avait gardé.
— Eh, Steph’ qu’est-ce que tu fais là !
L’homme auquel s’adressait Jayan était peut-être bien quatre fois plus musclé que lui et avait au moins deux têtes de plus. Il avait le regard sévère, cependant quand il aperçut Jayan, de l’étonnement se lut d’abord dans son visage. Puis un sourire. Ils se rapprochèrent pour s’échanger une poignée de main (Lavinia suivant le mouvement sans trop comprendre).
— Oh Jayan ! C’est toi ? T’as pas changé d’un pouce dis-moi.
L’homme regarda Lavinia.
— Et c’est ta pe…
— Non, non. Juste une amie, répondit-il un peu gêné. Lavinia je te présente, Stéphane, un ami d’enfance, comme toi, avec lequel j’ai partagé de nombreux moments au foyer.
— Enchanté, ajouta le dit Stéphane.
Le demi-dieu  voyait bien que Lavinia souffrait en silence, plus encore dans cette foule dense. Aussi, mettant court aux retrouvailles, et prenant sur lui, sur sa timidité pour oser demander un service à ce vieux pote, il commença d’une voix tremblotante.
— Je…enfin Lavinia n’en peux plus de marcher. Tu pourrais pas nous conduire jusqu’à chez elle en voiture, s’il te plaît.
Et Jayan avait visé juste, il en possédait une, et pas très loin qui plus est… Mais cela valait-il vraiment le coup, si l’habitation ne se trouvait plus qu’à quelques pas, chose que Jayan ne savait pas encore ?

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téphan accepta de les mener jusqu’à l’appartement de Lavinia, en souvenir du bon vieux temps comme il disait. Jayan le suivit jusqu’à une place de stationnement à quelques mètres d’où ils avaient parlé et s’engouffra à l’avant aux côtés de Stéphan pendant que Lavinia peinait à renter à l’arrière du véhicule.
Jayan repensait à ce que lui avait dit Lavinia : son coloc’ avait disparu. C’était étrange. Très étrange même. Peut-être était-il allé rejoindre la colonie, qui sait ? Jayan savait que tous les cas de disparition ne nécessitaient pas le cas de demi-dieux, mais là il y avait anguille sous roche. Une humaine n’aurait pas compris c’est certain.
Le fils de Nyx regarda le compteur, et son regard dériva sur l’heure juste à côté. Elle avait bien avancée ! Mais il lui en restait suffisamment pour ne pas repartir de suite. Quand soudain Stéphan prit la parole pour le plus grand malheur de Jayan.
— Et alors, qu’est-ce que tu deviens ? Tu vis où ?
Le jeune garçon ne savait pas quoi répondre. Il ne savait pas mentir et il n’allait quand même pas leur dire la vérité !
— Euh…et bien.
Jayan ravala sa salive puis bredouilla vaguement.
— Je… je suis en colonie de vacance près de New York pour l’été…
Il n’en dit pas plus, de peur de se trahir. Il vit son ami lui jeter des regards disant : « c’est tout ce que tu as à me dire après quelques sept années sans se voir ? ». Il n’osa même pas regarder Lavinia qui aurait pu s’y mettre à son tour à tout moment. Et pour couper court au sujet, Jayan lança :
— On est bientôt arrivés ?

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as besoin d’attendre, Jayan eut une réponse immédiate.

— Oui c'est la prochaine à droite et c'est l'immeuble avec les jardinières de fleurs devant.

Stéphan suivit les indications de Lavinia et prit à droite. Ils s’enfoncèrent encore un peu et arrivèrent bientôt devant l’immeuble aux jardinières. Ils étaient arrivés et le conducteur arrêta le véhicule. Jayan et Lavinia sortirent, ne manquant pas de remercier encore une fois Stéphan qui demanda à Jayan :
— Ça te dirait de venir samedi prochain au Mojito club, histoire de parler un peu du passé ? Ça se trouve pas loin d’ici…

— Euh…Samedi prochain !

Jayan ravala sa salive et continua.

— Désolé, je suis pris, je dois aller voir de la famille dans…le Texas. Je pars vendredi pour le mois, désolé… Peut-être dans trois mois, je serais plus disponible à ce moment-là ! T’as pas changé d’adresse ? En tout cas j’ai été content de te revoir !

Stéphan fit une petite moue.

— Non j’ai pas changé d’adresse. Ouais, moi aussi j’ai été content de te revoir…Moi aussi, répondit-il sans grand enthousiasme.

L’ami de Jayan repartit aussi sec dans l’artère de la ville pendant que le fils de Nyx rejoignait Lavinia qui s’était appuyée sur un lampadaire.

— Tu montes? Je crois qu'on a pas mal à rattraper, dit-elle une fois qu’il fut à sa hauteur.

Et elle avait bien raison, le temps avait filé à une vitesse folle ces dernières années.

— Alors comme ça tu habites ici… je tâcherai de m’en souvenir.

Jayan ouvrit la porte du hall, laissant passer Lavinia pour qu’elle ouvre celle donnant sur les couloirs. Sa clé insérée et hop ! La lourde porte s’ouvrait et permettait à Jayan et à Lavinia de passer. Le fils de Nyx n’avait plus qu’à suivre la jeune fille pour enfin être au chaud !

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lle fit entrer Jayan dans son appartement. Jack n’y était pas semblait-il, mais il fallait s’y attendre si Jack était barman. Jayan jeta son manteau sur le canapé et s’installa à la table. Un vase se trouvait en son centre avec des roses fraîches. Sur les pétales perlaient des gouttes d’eau… Jayan se perdait dans la contemplation des fleurs, jusqu’à ce que Lavinia le sorte de sa rêverie.

— Hé oui, c'est plus près de la fac et depuis janviers Jack m'a rejoint. Tu veux boire quelque chose? J'ai du café, du thé, des jus de fruits ou de l'eau, à toi de choisir.

Elle attendit quelques temps, mais face à l’indécision de Jayan, elle rejoignit la salle de bain afin de panser son mal, lui disant par la même occasion de faire comme chez soi. Jayan ne se le refit pas dire deux fois. Bien qu’il soit timide avec les gens, il ne l’est pas avec ses amis. Et d’avoir discuté avec Lavinia lui a fait prendre conscience qu’ils n’avaient pas tant changé que ça, qu’ils se retrouvaient…amis. Alors pourquoi ne pas reprendre là où ils avaient laissé leur relation. Sans gêne il alla dans la cuisine se servir un café qu’il dut réchauffer au micro-onde et auquel il ajouta une pierre de sucre. Il revint à table, presque en même temps que Lavinia. Son mal ne semblait pas s’estomper.

— Tu fais quoi dans la vie ? Tu étudies encore je suppose … Tes rêves ont changé aussi j’imagine, ricana Jayan.

Oui, le temps suit son chemin, et peut bien faire rire parfois.

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avinia répondit à ses questions mais enchaîna aussitôt avec une autre.

— Et toi? Tu fais quoi maintenant?

Voilà que la question fatidique arrivait. Mais quel idiot il faisait ! Posé des questions pareilles à quelqu’un en pensant qu’elle n’en poserait pas à son tour. Mais en même temps il ne voulait pas gâcher leur amitié. Lui dire la vérité en se faisant passer pour fou, certainement pas. Il ne restait que le mensonge, mais cela ne lui plaisait pas de faire ça à Lavinia, surtout qu’il ne savait pas mentir et qu’il risquerait de se faire démasquer. Malgré tout, il devait tenter de ne pas lui dire la vérité.

— Je…euh… Je suis …en …encore au lycée. Je viens de passer ma seconde… Pfff! Et niveau orientation professionnelle, je suis pommé. Je ne sais vraiment pas ce que je vais faire.

Jayan était content de lui, il trouvait qu’il n’avait pas trop hésité par rapport à d’habitude, et cela paraissait crédible. Maintenant il espérait qu’elle ne lui poserait plus d’autres questions. Pour éviter ces désagréments, il en posa une lui aussi.

— Et pour ton coloc’ … je suis intrigué ! Tu…tu le connaissais un peu ?

Jayan reposa sa tasse de café, vide. Il voulait savoir si la disparition du jeune homme était due à son arrivée au camp. C’était bien possible, lui qui ne faisait pas vraiment attention aux nouveaux arrivants ne l’aurait pas forcément remarqué.

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on coloc’ et elle se connaissaient donc bien. Très bien même semblait-il. Jayan était toujours confus par les événements que lui avait contés Lavinia. Cela ressemblait beaucoup à… Enfin, il fallait lui demander, mais comment faire pour ne pas éveiller les soupçons ? Jayan ne chercha pas longtemps et posa la question qui lui trottait dans la tête sans autre explication, elle paraissait étrange ainsi.

— Ne connaissais-tu pas par hasard un de ses amis qui auraient tout le temps eu des béquilles ? Ou ne t’aurait-il jamais parlé d’événements étranges, de rencontres étranges ?

En y repensant Jayan aurait eu peur de lui-même s’il s’était posé les questions. On aurait presque dit un interrogatoire de police, sauf que Jayan était un gamin de quinze ans, timide, maigrichon… Il n’aurait pu impressionner personne, si ce n’est par la force de son regard et de son caractère qui en a effrayé plus d’un.
Jayan prenait de gros risques en demandant de telles choses. Lavinia se demanderait pourquoi il lui pose ses questions, et pourrait même lui en poser encore.

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a question ne sembla pas la perturber plus que cela. Elle posa sa tasse, regarda Jayan avant de répondre.
— Maintenant que tu le dis, il avait un de ses potes, son meilleur ami je crois. Mais on s'entendait pas très bien, je l'ai pas revu depuis que Dan a disparu.
Jayan ne pouvait plus avoir de doutes. Il était un peu surpris même s'il s'y attendait. Il savait ce qu'il s'était passé. D'un côté il voulait le révéler à Lavinia, mais s'il le faisait il devrait révéler sa véritable nature également. Non, il ne pouvait pas.
— D'accord...s'exclama Jayan.
Le fils de Nyx ne savait plus très bien comment il appelait Lavinia, mais il y avait bien un surnom qu'il lui avait trouvé dans sa jeunesse. Il n'avait pas arrêté de la charrier avec, et elle ne l'aimait pas du tout. Quel était-il déjà ? Ah mais oui, Lavi' (C'est la vie, la vie. La vie, la vie...)
Il lui chanta cette chanson issue d'un dessin animé comme quand ils étaient gamins. Jayan ne pouvait s'empêcher de sourire à ces souvenirs perdus. Il devait bien avouer que c'était une blague de merde (de même que le surnom) mais quand on est petit on est très vite amusé par peu.
— Dis, tu connaîtrais pas un certain Luke? Il a les cheveux un peu bouclé, je viens de me souvenir que j'ai un truc à lui donner.
Jayan ne comprenait pas sa question. Elle était étrange. Elle avait du ressentir la même chose lorsqu'il lui avait posé la sienne tout aussi étrange... La mettait-elle à l'épreuve ? Il n'en savait rien.
— Je... si j'en ai connu un de Luke dans mon enfance, mais pas revu depuis plusieurs années.
Jayan sourit. Il avait dit la vérité, il ne connaissait aucun Luke. Il se demandait pourquoi lui avoir posé cette question, au temps des portables et des ordinateurs.

------------------------------Flash Back-------------------------------

Les souvenirs resurgissaient, plus présents et plus nombreux. Il pouvait presque toucher les peluches qu'il avait vu dans la chambre de Lavinia il y a de cela de nombreuses années. Il pouvait presque entendre et sentir le murmure de leur secret sur sa peau. Et il pouvait voir le présent qu'il lui avait donné à l'époque, en souvenir de leur amitié pour qu'ils ne s'oublient pas. L'objet en question était une pièce, une unique pièce lisse des deux côtés (il l'avait trouvé en dessous d'un meuble dans la fente d'un plainte). C'était certainement un ancien enfant du foyer qui l'avait glissé là. Quoiqu'il en soit, ce fut certainement sa plus grande trouvaille, et peut-être l'un des seuls cadeau qu'il n'ait jamais fait. Il grava sur l'une de ces face un "J", de manière maladroite avec la pointe d'un couteau. Une lettre simple, sans ornements, mais ce geste à l'époque valait tous les au revoir. Il avait dit alors, entre les mains des policiers prêts à partir alors qu'il donnait sa pièce.
— Tiens. Voilà mon présent, mon souvenir. Garde la précieusement. Et trace un trait sur l'autre face de la pièce chaque fois que tu repenseras à ces quelques jours. Qui sait si ces traits ne formerons pas un jour un "L" en ton souvenir. À ce moment là nous nous retrouverons peut-être par la force du Destin. Merci pour tout.

--------------------------fin flash back --------------------------------

Jayan avait laissé une larme couler pendant qu'il s'en allait. Il ne l'avait pas cachée à Lavinia à  l'époque, mais maintenant qu'il y repensait devant elle, il ne devait pas pleurer comme un poltron. Il devait être fort, résister à la nostalgie. Il sourit à ce souvenir si triste et si beau. Il murmura.
— Un "J" pour Jayan ...

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— Tu penses à quoi? J'ai l'impression que tu pourrais avoir une bonne information, je me trompe? En tout cas si tu sais quelque chose, dis-le moi s'il te plait.
Le vide.
— Tant pis et Thelios ça te dis quelque chose?
Le rien. Le grand néant. Il ne pensait plus, n'entendait plus. Tout son être était comme à l'écoute de ses souvenirs de ses sensations. Il ne se rendit même pas compte qu'une larme coula sur sa joue. Ce n'est qu'au contact de Lavinia qu'il reprit ses esprits brusquement. Il était surpris, étonné et avait le souffle coupé. Il rendit ce câlin amical à Lavinia tout en lui confirmant que tout allait bien.
— C'est rien. C'est...C'est juste que je repense à ce cadeau d'adieu que je t'ai offert il y a longtemps déjà. Cette pièce...
Il eut un sourire en se rappelant le mal qu'il avait eu à graver correctement le "J" dans la pièce. Il sécha sa joue et s'éloigna d'elle, honteux d'avoir pleurer devant elle.
Puis il reprit.
— Enfin ça n'a plus beaucoup d'importance... j'ai eu un moment d'absence excuse-moi. Tu disais ?... ah oui des informations...
Jayan soupira. Il ne voulait pas lui dire la vérité. Non, il devait avant tout lui cacher sa nature et le monde auquel il appartenait.

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