« Zoey ? Mais Zoey, elle n’est pas là, mon pauvre. » Alors William prit la fuite. Aussi simplement que cela. Il tourna brusquement les talons et s’enfuit en courant, ses baskets martelant l’herbe à un rythme soutenu. Il n’était pas assez doué pour affronter ces deux idiots et leurs épées énormes, encore moins en étant seul contre eux deux. Si l’enfant de Dionysos voulait avoir une chance de gagner, il fallait réfléchir, s’y mettre avec sa sœur et… gagner. Mais William ne gagnait jamais contre ces deux gars de dix-sept ans. Il n’avait que onze ans après tout, douze dans quelques semaines, et il devait faire quoi… La moitié de leur taille et de leur poids ? « Reviens là, imbécile ! » Leurs baskets à eux aussi martelaient le sol à un rythme soutenu, mais sur ce terrain-là, le petit sang-mêlé était plus doué. Plus rapide aussi. Il passa en trombe derrière la Grande Maison, bousculant en passant une dryade qui poussa un cri courroucé. « D’solé ! » Les terrains d’entraînement défilèrent eux aussi, tandis qu’il zigzaguait entre tous les demi-dieux en train de s’entraîner assidûment. Lui aussi venait s’exercer mais… Bah, il n’y avait pas à dire, il n’était pas très doué.

Et puis il manqua de mourir, là, au beau milieu du terrain d’entraînement le plus reculé. Il courrait à en perdre haleine quand une parfaite inconnue lui rentra brutalement dedans. En parallèle, quelque chose siffla près d son oreille droite. Vaguement sonné, assis dans la terre, il regarda la – jolie – jeune fille se relever… Et coller son poing dans la tronche d’un type qui n’était pas mal non plus. Et qui venait accidentellement d’essayer de le tuer, accessoirement. Devant l’avalanche de questions de la part de sa sauveuse, William se releva maladroitement en jetant un coup d’œil furtif autour de lui. Il n’aurait plus manqué que les deux autres se ramènent maintenant… « Euh… Moi, c’est William, de chez les Dionysos. Enchanté également. » Il ne put s’empêcher de rougir jusqu’aux oreilles quand elle l’embrassa sur les deux joues.

« Eh, toi ! » Et voilà, c’était reparti. Quand ce n’était pas un enfant qu’il essayait de le descendre à coup de flèche envoyée n’importe comment, c’était les deux autres qui se ramenaient pour lui faire la peau. Et pourtant, il y avait Grace, la fille d’Aphrodite. Curieusement, il n’eut pas envie de s’enfuir alors qu’elle était encore là. Il n’avait pas non plus envie qu’elle le défende. Alors il s’approcha du type qui l’avait presque descendu et lui prit l’arc des mains. « File-moi ça, avant que tu ne tues quelqu’un. » C’était un peu osé de la part d’un môme de onze ans de parler ainsi à plus âgé que lui, mais il se révélait parfois un peu surprenant, le William. Il encocha une flèche et visa. Cela ne devait pas être si différent de l’arbalète… Si ? Le tir manqua largement de précision, mais pas de puissance. La flèche traversa le court espace qui le séparait des deux guignols et se planta dans le genou du premier. En vérité, ce n’était pas là que le gamin avait visé mais… Les autres n’étaient pas obligés de le savoir, hein.

Deux garçons plus âgés firent leur apparition et oh surprise, c'était le dénommé William qu'ils semblaient pourchasser. Et justement, le Williams en question, fils de Dionysos – elle avait l'image du directeur de la colonie en tête et se demandait vraiment comment… Enfin bref, la mère de William devait être très belle – avait l'intention de pas se laisser faire. Quand il attrapa l'arc des mains de Gus, elle cru que cela allait mal finir. Bon, son demi frère n'était pas bien dangereux, il savait se servir de ses mains comme d'un arc c'est à dire, pas du tout. Il était tellement nul que cela en devenait souvent navrant et même honteux pour les autres enfants d'Aphrodite. La flèche alla se planter droit dans la jambes de l'un des deux aînés et ce fut plus fort qu'elle, Grace porta une main à sa bouche, d'abord un poil horrifié, puis rigola nerveusement avant de finir par applaudirent le jeune garçon. Et si Grace applaudissait, ses autres demi sœurs aussi. Une partie d'entre elles accoururent vers le pauvre malheureux et sa flèche dans la jambe, le rassurant et le traînant vers l'infirmerie. Quand à Grace, elle tapota le dos du fils de Dionysos.

- Bien visé ! Tu t'étais déjà servis d'un arc ? Pour moi, c'est une des meilleurs arme. Faut pas te sentir coupable en tout cas, faut toujours se féliciter ! Moi c'est ce que je fais, et je vois la vie en rose contrairement à certains !

Elle n'était pas vraiment égocentrique, mais disons que Grace trouvait que tout ce qu'elle disait ou faisait était largement justifié, et cela tout le temps et dans n'importe quel situation. Gus était toujours planté au milieu du terrai, analysant les scènes qui venaient de se dérouler sous ses yeux. Vu la lenteur du service, Grace en déduit qu'il devait en être à la partie où un môme de onze ans pas plus le désarma avec une facilité déconcertante.

- Graaace !

Une voix se fit entendr,e à l'autre bout du terrain et elle soupira. Le retour du gars collant. Gars collant qui la suivait partout où elle allait, elle n'arrivait jamais à s'en débarrasser. Oh, depuis quelques temps déjà une idée lui trottait dans la tête mais cela lui paraissait dingue…

- Faut pas rester là, on a tous nos chewing-gum qui nous suivent partout… Et lui tu vois, depuis que j'ai mis les pieds ici, il n'arrête pas.

Oh et un jour elle lui planterais une flèche dans la tronche pour voir si il l'aimait toujours. Après tout, elle lui avait fait tant de misère et ce boulé était toujours revenu au grand galop. Un pot de colle quoi.

- C'était qui ces types ? T'avais pas d'amis ou un de tes demi frères et sœur pour t'aider à heu…

Se défendre peut être ? C'était facile pour elle, elle n'était jamais seule. Elle était toujours entourée, elle avait un tas d'amis, certains dont elle oubliait même le nom. Il y avait toujours un pauvre gars ou une pauvre fille dingue d'elle, et qui lui donnait l'impression d'être une vraie princesse.

La flèche s'était bien fichée dans le genou du type, à présent couché sur le sol de terre du terrain d'entraînement. William se sentit rougir lorsque Grace – et la quasi-intégralité de ses frères et sœurs – l'applaudirent bruyamment. Il fut presque soulagé quand la jeune fille l'entraîna plus loin, visiblement dans l'espoir de fuir un garçon. Mais contrairement au fils de Dyonisos, elle le fuyait parce qu'il l'aimait trop, et non pas parce qu'il souhaitait lui mettre une raclée. À la réflexion, il ne savait pas trop ce qui était le pire entre les deux. « Oui si, d'habitude on se défend à deux avec ma sœur, Zoey, mais là elle n'était pas là. » La culpabilité qu'il avait un instant ressenti en voyant couler le sang de cet idiot s'atténuait enfin et il adressa un grand sourire sincère à la fille d'Aphrodite. « Mais t'as raison, je ne vais pas me sentir coupable pour si peu. T'façon, il l'avait mérité. Je peux garder l'arc, tu crois ? J'aime bien, c'est pratique. » Pratique, et c'était enfin quelque chose pour laquelle il manifestait un tant soit peu de talent. « Le type qui t'appelait, il est amoureux de toi ? » Au final, William n'avait que onze ans, et à peu près autant de maturité que l'on pouvait en attendre de la part d'un môme de cet âge. « Je peux lui tirer une flèche aussi, si tu veux. Je suis certain de ne pas le rater. » Il croyait vraiment ce qu'il disait à cet instant.

Il avait donc une sœur, Zoey. Si il en parlait comme ça, sans employer le terme c'était qu'ils devaient jumeaux. Elle essaya d'imaginer une version féminine de William mais chassa bien vite cette image de sa tête. Ouais non ça collait pas.

Ouais garde le, et entraîne toi surtout, c'est important. Ne laisse plus des crétins pareils t'embêter. Tu vaux mieux qu'eux William.

Elle rigola à sa question. Lui oh et bien... En quelque sorte. Si être amoureux était être une guimauve, un espèce de poète qui vous collait aux basques toute la journée, alors oui. Un jour peut être elle arriverait à s'en débarrasser. Elle arriverait l'enjôler assez longtemps pour qu'il se case avec une de ses demi sœur et basta. Liberté.

En quelque sorte, depuis que je suis ici, il ne me lâche pas. Crois moi, j'ai essayé de comment dire, lui faire comprendre, mais je pense qu'en effet la solution serait de lui tirer une flèche dessus.

Et sur le coup elle avait dit cela de manière terriblement... sérieuse. Quand il s'agissait de sentiments elle était cruelle. Non, Grace n'avait jamais vraiment aimé personne comme cet idiot prétendait l'aimer. Elle s'était toujours contenter du... Strict minimum. Il y avait bien son âme de petite fille qui voulait une vie amoureuse fantastique, une vie royale enfin bref, des rêves qu'elle n'aurait jamais en restant ici. Pour le moment, elle se contentait de dire qu'elle se réservait pour le seul, l'unique. Qui mettait bien du temps à arriver il fallait bien l'avouer. Elle se tourna vers le petit William, un grand sourire aux lèvres.

Il approche, je t'en pris, fait toi plaisir, fou lui la frousse.

Oui parce qu'en plus il n'était pas courageux du tout. Ce qu'elle voulait elle, c'était quelqu'un qui n'avait pas froid au yeux. Qui savait chanter aussi, sans doute un de ses fantasmes mais un garçon avec une belle voix c'était important. Galant aussi, délicat, romantique et... Bref, le contraire de gars. Les pouces en l'air, elle fit signe au petit garçon de foncer. Non, ce n'était pas de la corruption de jeunesse, il en avait besoin elle le sentait. Il fallait qu'il se défoule un grand coup. Et bien Josh était là pour ça !

Mieux valoir qu'eux, William n'en était pas tout à fait convaincu. Il était petit, assez minable dans tout ce qui touchait aux armes, et devait avoir une aura particulière puisque dés qu'il était seul, la plupart des gens aimaient le prendre en chasse. « Merci Grace ! » C'était une chic fille que cette Grace, et d'une gentillesse à toute épreuve. Comme quoi, certaines personnes devaient bien finir par arriver à résister à cette fameuse aura ? Un gène particulier, ou un parent divin spécial... Allez savoir, William n'allait pas chercher le pourquoi du comment. Quand elle lui donna l'autorisation de s'exercer dans cette nouvelle activité qu'était le tir à l'arc, le môme se fendit d'un grand sourire en encocha une flèche. Pas de doute, il était doué pour cet art – du moins sans doute plus que pour l'épée ou le maniement du poignard où il devenait quasiment instantanément une machine à tuer involontaire... qui se retournait bien souvent contre ses alliés. Il n'avait jamais réussi à toucher ses partenaires mais il avait en revanche envoyé plusieurs fois le professeur d'épée à l'infirmerie en le heurtant malencontreusement. Et c'était encore sans compter les blessures qu'il s'était auto-infligé.

Bref, il ferma un œil, tendit la corde et visa soigneusement. La flèche décrivit une ligne quasi-droite, à peine arrondie par son propre poids, avant de se planter en vibrant dans le sol juste devant le garçon. Celui-ci poussa un couinement à mourir de rire auquel William répondit avec joie, et bondit en arrière en regardant frénétiquement tout autour. Le fils de Dionysos encocha une nouvelle flèche, visa, manqua de perforer de peu le cou du type qui porta vivement la main à la légère entaille. D'un peu plus et William l'abattait mais il se retourna en souriant vers Grace. « Tu sais, tu viens de me sauver la vie. » Spontanément il la serra contre lui avant de reculer en rougissant. « Euh désolé... On se reverra, hein ? » Nouveau sourire enfantin. William s'éloigna en courant, lui adressa un dernier signe de la main, puis disparut. La journée ne risquait pas de manquer de piquant maintenant qu'il était armé.