« Oh, dis, Maman ! Dis, c'est quoi cette étoile, là ? Celle qui brille beaucoup, juste au dessus de nous ! » La petite voix fluette du jeune Evander, alors âgé de sept ans, s'éleva dans la nuit, tandis qu'il pointait son index vers le ciel, un large sourire étirant ses lèvres. « Pas si fort, Evy ! Tu vas réveiller ta sœur. » Le reprit aussitôt sa mère en chuchotant d'une voix qui se voulait sévère. Mais elle souriait dans l'obscurité, et comme à chaque fois qu'elle posait les yeux sur son petit garçon, ses prunelles bleues débordaient d'amour. Le bambin jeta un regard en direction d'Althea, sa sœur aînée, qui dormait paisiblement dans son lit, à l'autre bout de la pièce plongée dans le noir. De là, il n'arrivait pas à distinguer son visage, mais il entendait parfaitement sa respiration calme et lente envahir la pièce, et il savait qu'il ne risquait rien. Il aurait pu lancer un feu d'artifice juste en face de son oreiller, elle ne se serait pas réveillée pour autant. « Ne t'inquiète pas, elle n'entend rien. » Murmura-t-il en gloussant légèrement, avant de lever à nouveau la tête en direction du large velux qui trônait sur le plafond en pente de la chambre. De l'autre côté de la vitre s'étalait l’immensité du ciel nocturne dans toute sa splendeur. Depuis sa plus tendre enfance, pas une seule nuit n'avait passé sans qu'Evander ne demeure de longues heures étendu dans son lit, le regard rivé sur l'espace, laissant la douce lueur des étoiles l'entraîner dans de longues rêveries. Et tous les soirs, avant d'aller se coucher, sa mère venait s'étendre quelques temps avec lui. Elle lui montrait les différentes étoiles, les planètes, les constellations, et le petit garçon ouvrait grand ses oreilles, fasciné par tous les secrets que recelait le ciel nocturne. C'était leur petit rituel, et pour rien au monde ils ne l'auraient manqué.
« Alors, c'est quoi cette étoile ? Comment elle s'appelle ? » Souffla-t-il, impatient. Sa mère rit doucement, amusée par l'expression boudeuse qu'arborait son fils. « C'est l'étoile Polaire, commença-t-elle d'une voix douce. C'est l'étoile la plus brillante de la constellation de la Petite Ourse. » Du bout du doigt, elle dessina en l'air la forme de carré qui constituait la tête de la constellation en question. « Et pourquoi elle s'appelle comme ça ? » S'enquit le garçon, toujours avide d'en apprendre plus. « Parce qu'elle indique la direction du Pôle Nord, tout simplement. » Elle sourit à nouveau, et ses doigts virent caresser les boucles brunes de l'enfant. « Est-ce que la Petite Ourse c'est le bébé de la Grande Ourse ? » Evander tourna la tête vers sa mère. « Moi je pense que la Petite Ourse elle a peur toute seule la nuit, et que quand il fait jour et qu'on ne peut plus voir les étoiles, et ben sa maman elle vient la rejoindre. Parce que si elles restent toutes seules dans leur coin, c'est trop triste. Et moi j'aime pas les histoires tristes. » Déclara-t-il avec tout le sérieux du monde. Cette fois-ci, sa mère riait franchement.
« Et celle-là, là-bas, c'est quoi son nom ? » Continua-t-il. Sa mère scruta le coin de ciel qu'il lui montrait. « Je ne m'en souviens plus. » Dit-elle en fronçant les sourcils. « En revanche, je peux te dire qu'elle appartient à la constellation d'Hercule. » Ajouta-t-elle. Elle n'avait que de maigres connaissances en matière d'astronomie, mais en tant que professeur de Grec ancien, elle était familière avec les travaux de Ptolémée – en particulier son Almageste, qui traitait des connaissances les plus avancées en matière d'astronomie et de mathématiques de l'époque. Et c'était largement suffisant pour répondre aux questions de son fils, pour l'instant. « Tiens, toi qui aimes les histoires, je t'ai déjà raconté celle d'Hercule ? » Le garçon fit non de la tête. « Eh bien Hercule – Héraclès en Grec – était le fils d'Alcmène et du chef des dieux de l'Olympe, Zeus. C'était un demi-dieu, l'un des héros les plus reconnus de la mythologie grecque, car il était très fort et très courageux. Après avoir gagné la bataille contre l'armée d'Erginos, Héraclès s'est vu offrir par le roi Créon la main de sa fille, Mégara. Ils étaient tous les deux très amoureux et ne tardèrent pas à fonder une famille. Mais la déesse Héra, jalouse du bonheur d'Héraclès, lui lança un sort qui le rendit fou. Et dans sa folie, il tua celle qu'il aimait, ainsi que tous leurs enfants. » « Mais c'est horrible ! » S'exclama aussitôt le garçon.
« Attends, laisse-moi raconter la suite. Après cette tragédie, Héraclès alla demander conseil à l'oracle de Delphes, qui lui suggéra, pour se purifier de ses pêchés, de se mettre au service du roi Eurysthée. Ainsi, il accepta d'accomplir toutes les tâches que ce dernier lui imposait. Il en résulta une série de douze travaux, tous plus périlleux les uns que les autres. » « Tu veux dire, des trucs encore pire que devoir ranger touuute sa chambre ? » La professeur de Grec se mit aussitôt à rire. « Tu n'imagines même pas. Sa première mission fut de tuer le lion de Némée, dont la peau était impénétrable. Il finit par le tuer en l'étranglant à mains nues. En deuxième, il dut tuer l'hydre de Lerne, dont les têtes repoussaient dès qu'elles étaient coupées, et qu'il vainquit en les brûlant pour qu'elles ne repoussent plus. Ses troisième et quatrième tâches furent respectivement de ramener au roi le sanglier d'Erymanthe et la biche de Cérynie. Ensuite, il dut nettoyer les écuries d'Augias, tuer les oiseaux du lac Stymphale, dompter le taureau Crétois, capturer les juments mangeuses d'homme de Diomède, rapporter au roi la ceinture de la reine des Amazones, vaincre le géant Géryon, récupérer les pommes d'or du jardin des Hespérides, et enfin, descendre aux Enfers pour enchaîner le chien à trois têtes, Cerbère. » « Et il a réussi à faire tout ça ? » « Oui, absolument tout. Après quoi, il s'est vu conférer l'immortalité et a pu rejoindre l'Olympe. » Conclut-elle en souriant. « Heureusement que ça finit bien ! Je l'aime bien, cette histoire. » Déclara Evander, pensif.
« Dis, Maman... Tu penses que moi aussi je vais devenir grand et fort et faire des choses incroyables comme Héraclès ? » Demanda-t-il alors, d'une voix un peu hésitante. Il avait beau avoir de très bonnes notes à l'école, il résidait toujours cette peur au fond de lui, de ne pas être assez bien, de ne pas être à la hauteur. « Mon chéri... Tu lui ressembles bien plus que tu ne le penses. » Souffla sa mère en plaquant un baiser sur son front. « Plus tard... Je voudrais allez vivre dans les étoiles. » C'était une certitude qu'il avait acquise depuis longtemps déjà, même s'il ne l'avait jamais clairement formulée avant cet instant. Les étoiles et leur fascinante beauté tenaient une place importante dans son cœur, et, d'une façon ou d'une autre, il voulait orienter sa vie dans cette direction. Mais il aurait tout le temps de penser à cela plus tard, car déjà ses paupières se faisaient lourdes, et il ne faudrait pas longtemps pour qu'il plonge enfin dans un sommeil paisible.

✧ ✧ ✧

Midi. La sonnerie venait de retentir. Evander, alors âgé de seize ans, s'était empressé de rassembler ses affaires de cours et de les fourrer dans son sac aussi vite qu'il avait pu, avant de se précipiter hors de la salle de classe. Il n'avait pas envie de côtoyer les gens de sa classe. Pas envie de s'exposer à leur regard qui le jugeait sans cesse, ni à leurs moqueries et aux chuchotements qu'il pouvait entendre dès qu'il avait le malheur d'entrer dans leur champ de vision. Il n'avait jamais été très populaire à l'école, sans doute parce qu'il n'avait pas beaucoup d'amis et que pour la plupart des élèves il était considéré comme l'intello de service, et cela n'intéressait personne. Pourtant, il avait beaucoup de choses à partager, mais vraisemblablement personne ne voulait se donner la peine de les écouter. Jusque là, Evander était passé plutôt inaperçu dans cette foule d'élèves de tous horizons, et il s'en contentait parfaitement. Mais cette année-là était un véritable calvaire.
D'un pas rapide, il descendit les deux étages qui le séparaient du rez-de-chaussée et s'engouffra dans le réfectoire, encore relativement désert. Il s'empara d'un plateau, y déposa des couverts et une assiette, puis rejoignit la queue. Plus que quatre heures de cours et il pourrait enfin rentrer chez lui. Quatre heures, ce n'était pas tant que cela, au final. Ou, du moins, c'est ce dont il essayait de se convaincre. Il enviait sa sœur, qui avait quitté le lycée depuis longtemps et faisait à présent des études qu'elle aimait. Evander n'avait qu'une hâte : quitter cet enfer pour pouvoir enfin se consacrer à des études qui l'intéressaient vraiment. Il n'avait rien contre le lycée, il était même plutôt bon dans la plupart des matières, mais c'était l'ambiance qui y régnait qui le dérangeait. Une fois son assiette remplie, il se mit en quête d'une table libre, ignorant un groupe de filles qui gloussaient sur son passage. L'une d'entre elles s'approcha de lui et le bouscula sans ménagement, manquant de lui faire perdre l'équilibre. Il ne broncha pas, ne lui lança pas même un regard et continua sa route. Il avait l'habitude, maintenant. Il se laissa tomber sur une chaise vide au fond de la salle et soupira. Il n'avait pas faim, sans compter que la nourriture qu'ils servaient ici n'était pas réputée pour être très bonne non plus. Mais il fallait qu'il se force. Plus que quatre heures. Il se raccrochait à cette idée comme on s'accroche à une bouée. Le fait de savoir que dans quelques heures il allait enfin retrouver sa mère et sa sœur, et surtout une atmosphère calme et rassurante, l'aidait à tenir.
Evander sursauta lorsqu'un garçon à la chevelure blonde vint s'asseoir précipitamment en face de lui, son plateau à la main. « Pardon d'être en retard, j'étais chez la conseillère d'orientation. » S'excusa ce dernier, encore un peu essoufflé d'avoir couru pour venir. Evander secoua la tête pour lui signifier que ce n'était pas grave. Ça aussi, il en avait l'habitude, depuis le temps. Cela faisait bientôt trois ans qu'il côtoyait Nolan, et ce dernier n'avait jamais été très ponctuel. « Attends, bouge pas, t'as.. T'as un truc dans le dos. » Ajouta le blond sur un ton un peu hésitant. Evander passa un bras par dessus son épaule pour tâter son dos et arracha un papier, collé grossièrement avec un morceau de scotch. Dessus, en grosses lettres rouges, on pouvait distinctement lire un unique mot. Faggot. Un silence gêné s'installa entre les deux garçons, avant qu'Evander ne se décide à rouler rageusement le papier en boule et à l'abandonner sur un coin de son plateau. « Désolé... » Marmonna Nolan, qui s'en voulait d'être impuissant face aux déboires de son ami. « C'est rien. C'est pas comme si tu y pouvais quoi que ce soit, de toute façon. » Soupira Evander, avant d'avaler une bouchée de haricots. « Tu sais.. Depuis quelques semaines il y a une rumeur qui court, comme quoi toi et moi on.. on.. Tu vois... » Le blond passa une main nerveuse dans ses cheveux. « Tu es comme tu es, hein, j'ai rien contre ça, mais... J'ai pas envie de.. D'être associé à ça, tu comprends. » Evander leva les yeux de son assiette, un peu plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu. « Alors.. Tu vas me laisser tomber, c'est ça que tu es en train de dire ? » Une vague de panique passa rapidement dans la voix du brun. Nolan était la seule personne au lycée dont il était vraiment proche, et même s'ils ne s'entendaient pas toujours sur tout, il n'avait pas envie de le perdre. Surtout à cause de quelque chose d'aussi stupide qu'une orientation sexuelle. Il avait eu le malheur de se confier, au début de l'année et, d'une façon ou d'une autre, l'information avait fuité. S'il avait su ce qui en découlerait, il aurait tenu sa langue. « M-Mais non, c'est pas ce que j'ai voulu dire. Je... Tu sais quoi, laisse tomber cette histoire. » Se rattrapa maladroitement le jeune homme.
« À part ça, tu es allé la voir, toi, la conseillère d'orientation ? » Demanda-t-il alors, plus pour changer de sujet que parce que la réponse l'intéressait. Evander secoua la tête. « Non. C'est pas la peine. Je sais déjà ce que je veux faire plus tard, moi. » Cela faisait quelques années déjà qu'Evander avait une idée assez précise de ce à quoi ressemblerait son avenir. « Une fois le lycée terminé, je vais me spécialiser dans l'astrophysique. Je vais tenter Oxford, ou bien Cambridge, je ne sais pas encore. Et une fois que j'aurai mon doctorat en poche, j'essayerai de postuler à la NASA. » Expliqua-t-il à son camarade, une pointe de fierté dans la voix. C'était son rêve depuis toujours, et il comptait bien se donner les moyens de le réaliser. C'était sa revanche à lui, sur la vie, sur les autres. Un jour, sa vie ne tournerait plus qu'autour de l'espace, et plus rien d'autre ne compterait.

✧ ✧ ✧

Accoudé au comptoir poisseux du Stonewall, bar gay situé à l'angle de Christopher Street, Evander était perdu dans ses pensées. Le jeune homme d'à présent vingt-sept ans faisait tourner distraitement entre ses doigts la petite ombrelle en papier qui ornait sa boisson. Ce n'était pas vraiment un habitué de ce genre de bars, ni même un habitué à sortir tout court. Il préférait de loin rester à l'écart de l'agitation, dans le cocon rassurant qu'était son petit appartement. Au moins, perdu au milieu de ses innombrables piles de livres et de ses cours, il avait l'impression d'être à sa place. Mais ce soir, pour la première fois depuis bien longtemps, il s'était forcé à changer un peu son programme habituel. « Monsieur Parks, vous ne pouvez pas continuer ainsi à vous couper du monde, ce n'est pas bon. Vous devriez essayer de sortir un peu, de rencontrer de nouvelles personnes. Ne restez pas replié sur vous-même. Promettez-moi que vous allez faire un petit effort. Voyez cela comme une expérimentation scientifique dont vous êtes le sujet. Ce sera très enrichissant, je vous le promet. » Telles avaient été les paroles de son psychiatre. Et Evander, n'osant pas le contredire, avait promis qu'il allait essayer.
Il lui avait fallu une bonne dose de courage pour se décider à mettre un pied hors de chez lui, mais il avait fini par s'y résoudre. Maintenant qu'il avait déménagé, troqué sa tranquille demeure londonienne contre les rues bruyantes et surpeuplées de New York, il avait perdu ses repères. Il s'était fié à un guide touristique qu'il avait acheté à son arrivée à l'aéroport, deux mois plus tôt, et avait choisi un peu au hasard l'adresse d'un bar situé dans le quartier LGBT de la ville. Quitte à sortir et se sociabiliser, autant le faire dans le milieu le plus tolérant et accueillant possible, c'était ce qu'il s'était dit. Cependant, cela n'avait pas marché aussi bien qu'il l'avait espéré. Une fois installé au comptoir, il s'était rapproché d'un inconnu d'une trentaine d'années, assis à côté de lui, et avait tout naturellement entamé la conversation. Et comme toujours lorsqu'il était mal à l'aise, il s'était mis à parler beaucoup et à sourire d'un air un peu niais, et son interlocuteur l'avait considéré d'un œil surpris avant de lui servir une excuse quelconque, de se lever et de partir. Non sans avoir oublié de se plaindre de la température ambiante qui lui paraissait soudainement devenue glaciale. Evander avait soupiré et rajusté sa veste. Il faisait toujours froid lorsqu'il était quelque part, il n'avait jamais compris pourquoi. Le jeune homme ne s'était cependant pas laissé abattre et avait commandé une boisson. Sans alcool, bien entendu, il n'aimait pas vraiment cela. Il avait choisi sur la carte un cocktail au hasard, le Sparkling Rainbow, amusé par ce nom peu ordinaire.
Cela faisait à présent une bonne heure qu'il était assis au bar, attendant... Quoi au juste ? Il n'en savait trop rien. Que quelqu'un daigne lui parler, sans doute. Il n'espérait plus vraiment, en général les gens trouvaient sa compagnie un peu trop envahissante. Le regard dans le vague, il ne remarqua pas l'homme qui venait de s'asseoir sur le siège à côté du sien. « Excuse-moi... » Il sursauta lorsqu'une voix retentit à ses oreilles et qu'il sentit une main lui tapoter l'épaule. « Tu es Evander, c'est exact ? » Le jeune Anglais cligna des yeux, éberlué, et sa bouche s'entrouvrit sous l'effet de la surprise. Comment se pouvait-il que ce parfait inconnu sache son nom ? Il ne l'avait jamais vu de sa vie, il en était certain, et il ne connaissait personne à New York. « Euh.. Je.. Oui. Enfin ça dépend... Qui êtes-vous ? » Balbutia-t-il, totalement pris au dépourvu. Il détailla le visage de l'homme qui lui faisait face. Il avait les cheveux gris, presque blancs, des pommettes hautes, un nez droit et des yeux d'un bleu céruléen qui semblaient presque luire tant ils étaient expressifs et lumineux. Il émanait de lui une aura de détachement et de tranquillité qui fit une forte impression sur Evander. Il était littéralement bouche bée.
« Ne t'inquiète pas, je ne suis pas là pour t'ennuyer ou te faire du mal. J'ai seulement quelques petites choses à te dire, si tu veux bien m'accorder un peu de ton temps. » Dit-il d'une voix tranquille, pour tenter de calmer la nervosité qu'il sentait poindre chez son interlocuteur. « Je m'appelle Éther. » Ajouta-t-il avec un léger sourire. « Vous voulez dire.. Comme la divinité grecque ? » Demanda aussitôt le jeune homme. Il avait déjà entendu ce nom dans la bouche de sa mère et l'avait lu à plusieurs reprises dans ses livres de cours sur la mythologie grecque. « Exactement. Et nous partageons plus qu'un nom, à vrai dire... Puisque nous sommes une seule et même personne. » Evander demeura interdit. « Je.. Je ne sais pas de quoi vous parlez, je ne comprends pas, je suis désolé. Vous ne m'avez pas dit comment vous connaissez mon nom. » Dit-il au bout de quelques secondes de silence. Cette conversation impromptue commençait à prendre un tournant vraiment étrange, et il n'aurait su dire si cela l'amusait ou le mettait mal à l'aise. Sans doute un mélange des deux. « Tu veux dire que ta mère ne t'a jamais parlé de moi ? » L'inconnu aux yeux bleus sembla choqué, l'espace d'une seconde, avant de se reprendre. « Toi qui a grandi plongé dans la mythologie grecque, tu dois certainement savoir qu'il arrive parfois que les dieux aient des aventures avec des mortels. Et tu dois également savoir que les enfants résultant de ces unions sont des demi-dieux. » « Oui. Mais ce ne sont que des histoires. Je ne vois pas le rapport avec– » « Evander, ne t'es-tu jamais demandé pourquoi tu es différent ? Pourquoi il fait toujours si froid autour de toi ? Pourquoi tu es dyslexique ? Pourquoi tu arrives à lire le grec ancien aussi facilement que  si c'était de l'anglais ? Tu sais au fond de toi que tu as quelque chose de particulier. » L'homme marqua une pause. « C'est parce que toi et moi sommes liés. Parce que je suis un Dieu. Et parce que tu es mon fils. » Cette fois-ci, la bouche du jeune homme s'ouvrit tout grand et il laissa échapper une exclamation de surprise. Tout ce discours n'avait aucun sens, tout se mélangeait dans sa tête. « Vous vous moquez de moi ! Mon père était pilote, il est mort en Afghanistan avant ma naissance. » S'étrangla l'anglais, encore choqué de ce qu'il venait d'entendre. « Je ne mens jamais, mon garçon. Nous nous ressemblons plus que tu ne le penses. Pourquoi crois-tu que tu es aussi différent de ta sœur ? Tu as hérité d'une partie de mes pouvoirs. Et puis tu as mes yeux... » Il avait prononcé ces dernières paroles avec un sourire presque tendre. Mais Evander demeurait tétanisé. En à peine quelques minutes, il venait d'apprendre que sa sœur n'était pas vraiment sa sœur, que son père n'était pas mort comme il l'avait toujours cru, et qu'en plus de ça ce dernier était... Un Dieu ? Il se demanda, l'espace d'un instant, si quelqu'un n'avait pas glissé quelque chose dans son verre et s'il n'était pas tout simplement en train de délirer. Mais non, l'homme en face de lui semblait tout ce qu'il y avait de plus réel. « Je suis conscient que c'est peut-être un peu trop d'informations à assimiler d'un coup... Et je suis désolé d'avoir attendu aussi longtemps pour tout te dire, mais c'était le souhait de ta mère, et je devais m'y plier. Si je suis venu vers toi aujourd'hui, c'est parce que je pense que tu es prêt. » Leurs regards se croisèrent pendant de longues secondes, avant que le Dieu ne reprenne la parole. « À présent, sache que si tu le souhaites, il y a un endroit non loin d'ici où se trouvent des gens comme toi et moi. Des gens qui te comprendront. Et les portes te sont grandes ouvertes. » À ces mots, il glissa en direction d'Evander une carte de visite sur laquelle était inscrite une adresse et un nom. Colonie des Sang-mêlés. Le Dieu se leva prestement et s'éloigna, aussi rapide qu'un coup de vent. Evander demeura silencieux, encore trop hébété pour faire quoi que ce soit. Il avait encore du mal à croire tout ce qu'il venait d'entendre, et pourtant... Pourtant cela semblait tellement réel. Pour une fois, son psychiatre avait vu juste, cette soirée avait été effectivement très enrichissante. Ce fut la dernière pensée du jeune homme, avant qu'il ne se décide à vider son verre d'un trait et à commander une nouvelle boisson, avec beaucoup d'alcool cette fois-ci.

Sois le bienvenu sur Filiorum Ex Deorum, Evander ! Te voilà donc validé ! Ta fiche était franchement cool, bien écrite, consistante. Les éléments s'enchaînent avec logique, on suit correctement l'évolution d'un personnage qui s'insère avec brio dans l'univers du forum. Vraiment, j'adore voir un membre pareil débarquer. (Sinon, je viendrai te quémander quelques liens, ma foi.) Bref, bienvenue parmi nous ! J'espère que tu y passeras de bons moments. ♥ (Ah, ton rang arrivera sans doute lors de la prochaine mise à jour, pas d'inquiétude !).

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