Cela faisait plusieurs jours qu'Hermès avait atterri à la Colonie, privé temporairement de ses pouvoirs et blessé au cours de l'attaque pour récupérer les demi-dieux qui avaient été capturés par la Résistance. Sa fille, Jade, faisait partie de ceux qui avaient davantage besoin de soins, ayant été torturée de même que son petit ami, Warren, et Hermès veillait sur elle comme jamais il ne l'avait fait autrefois, même s'il enfreignait régulièrement la loi de son père vis-à-vis de ses enfants.

Un jour, après avoir veillé sur sa fille, il se décida à aller prendre l'air un peu, laissant ses pas le mener où ils voulaient ; après tout, il était coincé à la Colonie pour une durée indéterminée, autant profiter de ce laps de temps pour redécouvrir l'endroit qu'il avait contribué à créer pour protéger la progéniture des dieux.

Grimaçant de douleur quand il se leva de sa chaise, le dieu se dirigea vers la sortie de l'infirmerie, les mains dans les poches, avant de se diriger vers la forêt qui entourait la Colonie. Il le savait pertinemment, même si son état s'améliorait de jour en jour, il regrettait de ne pas avoir ses pouvoirs pour pouvoir guérir plus vite et retourner fissa sur l'Olympe... En plus, il avait ce que les mortels appellent communément des "poches" sous les yeux, preuve qu'il n'était pas fait pour la condition de mortel. Protéger ses enfants et leurs amis, pas de problème, mais de là à devenir mortel... C'était une autre histoire.

Alors qu'il marchait plus ou moins tranquillement dans la forêt, grimaçant à chaque pas, il ne se rendit pas compte de suite qu'il se dirigeait vers la clairière, le seul endroit où il n'y avait pas un seul arbre et où pas grand-monde se rendait. Pas grand-monde, sauf le demi-dieu qui s'était assoupi là, ce qui fit froncer les sourcils d'Hermès ; c'était la première fois qu'il le voyait, alors qu'il avait souvent les yeux rivés sur la Colonie.

Pour ne pas le déranger, Hermès se plaça à côté de lui, sans bruit, et ferma les yeux après avoir grimacé en s'asseyant sur le sol. Décidément, les courbatures, c'est vraiment un truc de mortel...

Même en espérant rester discret, Hermès se fit remarquer par le demi-dieu qui somnolait, qui se réveilla et lui tendit un verre de vin en lui lançant :

Voulez-vous un verre de vin, Seigneur Hermès ? Vous m'avez l'air bien fatigué, ça pourrait vous faire du bien... Bon, j'ai aussi de l'Ambroisie si vous voulez. Que peut-il bien se passer pour qu'un Olympien tel que vous soit dans un état pareil ?

Je te remercie, mon garçon, mais pas sûr que le vin soit vraiment bon pour moi... Je veux bien un peu d'ambroisie et de nectar, si tu as, par contre.

Poussant un soupir, il se pinça l'arête du nez, se préparant à l'idée de ressasser une expérience qui s'était mal passée et reprit d'une voix posée :

Tu n'es pas sans savoir que la Colonie a été attaquée récemment, privée de quelques-uns de ses pensionnaires dont ma fille, Jade. Je l'ai cherchée, voyant qu'elle avait disparu, et je l'ai retrouvée, avec ses amis, prisonnière de ce qu'on appelle la Résistance, dans un piteux état.

Son poing se referma instinctivement, alors que les images de l'assaut de l'entrepôt lui revenaient à l'esprit, et il prit quelques secondes avant de reprendre, d'une voix moins assurée :

Hé bien... Je suis allé les récupérer, avec mon frère Apollon et des demi-dieux de la Colonie qui n'avaient pas été capturés. Ça n'a pas été évident, surtout que personne n'avait prévu que la Résistance avait réussi à mettre au point une machine qui m'a privé de mes pouvoirs et donc permis à la Résistance de me blesser... Heureusement, j'avais encore une perle de Perséphone pour pouvoir m'enfuir, mais j'étais pas bien et ça se voit encore, même si ça va un peu mieux...

Alors qu'il sirotait le verre de nectar que le demi-dieu lui avait tendu, Hermès écouta ce dernier en gardant les yeux rivés devant lui :

Dites-moi, Hermès, comment peut-on retirer ses pouvoirs à un Dieux ? Enfin, je veux dire que... c'est vous qui avez inventé la technologie, alors comment avez-vous pu perdre vos pouvoirs - aussi grand soient-ils - à cause d'une simple machine ? Non pas que je me moque de vous, mais n'étant pas au courant des évènements avant que vous ne m'en fassiez part, j'essaye de comprendre. En plus, qu'est-ce qui pourrait pousser des Demi-Dieux à se rebeller contre leurs parents ? Les Hormones divines ? Seigneur, si tout le monde faisaient comme eux, ça fait longtemps que l'Olympe serait tombé ! Pour les blessés - dont votre fille - vous pourriez demander à Hadès ou Zeus de ramener Asclépios dans le monde des vivants, non ? Après tout, ce serait pas la première fois que quelqu'un reviendrait des Enfers...

Un très léger sourire s'installa sur les lèvres d'Hermès, au fur et à mesure que la boisson divine se répandait dans son corps, réparant quelques égratignures au passage. Quand il fut un peu plus frais, le dieu poussa un soupir et se décida à lui répondre :

A vrai dire, je l'ignore. Pour être franc, la Résistance nous était inconnue jusqu'à ce qu'elle attaque la Colonie, avant de disparaître à nouveau, et s'ils n'avaient pas exposé ma fille devant l'entrepôt, on ne les aurait probablement pas retrouvés si tôt...

Il but une nouvelle gorgée avant de reprendre, la voix un peu plus assurée :

Et j'ignore pourquoi ils font ça. Enfin, si, nous savons qu'ils détestent l'Olympe au point de vouloir la détruire, mais c'est à peu près tout. Quant aux blessés, ne t'en fais pas, Apollon et ses enfants veillent au grain et les remettent sur pied, ça prendra juste... un peu de temps.

Il reposa son verre et se tourna vers le garçon, de nouveau avec un léger sourire sur les lèvres :

Au fait, quel est ton nom, jeune homme ? Que je sache qui je dois remercier pour m'avoir offert du nectar et de l'ambroisie.

Le garçon tendit une main à Hermès et lui lança :

Je me présente, Gideon Huxley, Fils d'un débile fan des armes et de la Guerre et d'une humaine ! Je suis prof d'Histoire à l'Université de New-York ! Ne me remerciez pas pour le Nectar et l'Ambroisie, ça me fait plaisir de partager ! Vous savez que ce n'est pas en s'inquiétant pour votre fille (même si c'est normal, vous me direz) que ça va aller mieux ? Si Apollon et ses enfants veillent, je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter... Après tout, les enfants sont en vie, non ? Et puis dîtes vous que ces "résistants" ne sont pas tous... comment dire ?... Idiots... Une de mes demi-sœur est membre de la résistance alors j'ai parfois des nouvelles... Apparemment, certains cadres sont assez violent - et quand c'est un enfant d'Arès qui vous dit ça, c'est pas exagéré... j'espère juste qu'ils n'ont pas de Dieux à leurs cotés, sinon, ça va fortement changer la donne... Dites, vu que vous avez perdu vos pouvoirs - et que vous êtes obligé de vivre comme un mortel - vous allez faire quoi, en attendant ?

Wow... Un fils d'Arès aussi bavard, c'était une première pour Hermès, qui mit un petit moment avant de répondre, engrangeant tout ce que venait de dire Gideon pendant que ce dernier se servait une choppe d'une sorte de bière. Après quelques instants, le dieu se décida à lui répondre :

La vache, t'es bavard pour un fils d'Arès... Mais je vais te répondre malgré tout. Déjà, c'est cool que tu sois prof d'histoire, et ensuite je ne m'inquiète pas que pour ma fille, mais pour la Colonie en général. J'en suis plus ou moins le dieu tutélaire, pourquoi crois-tu que c'est chez moi que viennent ceux qui ne sont pas encore revendiqués par leurs parents ?

Il s'arrêta quelques instants avant de reprendre, fronçant légèrement les sourcils :

Tu dis que tu as une demi-sœur dans la Résistance ? Est-ce que des fois tu ne pourrais pas avoir de plus amples informations sur comment ils fonctionnent, etc. ? Ça nous serait très utile pour une prochaine fois...

Hermès esquissa un sourire quand Gideon lui répondit :

Ouais, mon coté pipelette me perdra un jour, désolé, ahahahah ! Point positif, ça énerve l'autre abruti, et ça me procure un plaisir sans borne, vous imaginez pas !

Et il put admirer l'audace du jeune homme quand il lança au ciel :

Hey, l'attardé ! Si tu m'entend, j'espère que tu ira crever en Enfer !

Pour un peu, Hermès s'attendait presque à ce que Gideon se retrouve avec un sanglier sur la tronche pour l'affront, mais rien ne se produisit. Il reporta donc son attention sur le garçon alors qu'il reprenait :

Désolé, mais j'aime pas quand on me parle de l'autre... Bref, si j'ai bien compris, vous voulez que je fasse l'espion ? Personnellement, ça ne me dérange pas, mais tout ce que j'espère, c'est que ça n'engrangera pas de violence car je deviens assez désagréable lorsque je suis énervé. En plus, votre proposition me pose un problème parce que je tiens à rester neutre dans cette histoire. Enfin, je veux bien glaner des infos, si vous voulez, mais si ça viens à me toucher personnellement (même si je me doute que c'est un peu foutu), je serais obligé de choisir mon camp... pour ça faut encore que je réfléchisse... Bref, je ferais l'espion et tenterais de savoir ce que cette bande de petits cons préparent !

Je ne dis pas que tu dois te mettre en danger, ni ta demi-sœur, comprends-moi bien. Nous voulons juste savoir comment ils fonctionnent et comment nous pourrions les neutraliser pour de bon. Après, je ne veux pas te forcer, j'ai cru comprendre qu'entre ton père et toi, ce n'était pas l'amour fou, mais tu pourrais aider à protéger la Colonie pour moi, pas pour lui. Qu'en dis-tu ?

Hermès sourit franchement quand Gideon lui répondit :

D'accord, j'accepte... Simplement, j'ai trois conditions : Premièrement, je ne travaillerait jamais avec Arès ! Il privilégie la violence sans jugement de valeur alors que je préfère la diplomatie, c'est pourquoi nous ne travaillerons jamais ensemble ! Deuxièmement, vu que ce sombre connard est mon père j'ai hérité d'un pouvoir que je ne veux en aucun cas réveiller ! C'est pourquoi, je ne veux pas être obligé de me battre ! J'accepte de poser des questions à ma demi-sœur et de garder un œil sur mes étudiants Demi-Dieux. Troisièmement, dans le cas où je me verrais dans l'obligation d'utiliser le pouvoir indésirable dont je dispose, je veux qu'on arrête de me considérer comme un être humain et que l'on ne m'approche pas. Ce serait beaucoup trop dangereux... Si vous acceptez ses conditions, je pourrais m'allier à la Colonie et faire en sorte de recevoir des informations... est-ce que cela vous paraît honnête ? Notez que je peux toujours assouplir les conditions si elles sont trop dures... Ah, et rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de fournir des infos aux Résistants -je ne les aiment pas du tout...

Il y a peu de chances que tu le croises, mais ok, j'accepte la première proposition. Pour le deuxième et troisième point... Hé bien, je peux m'engager à te mettre en sécurité sur une colline, ou ailleurs, pour que tu n'aies pas à te battre. C'est dangereux à ce point-là ? Sans vouloir paraître insistant...

Hermès se resservit en ambroisie et nectar avant de les avaler tout rond et de sourire un peu gêné :

Pardon, mais c'est tellement bon... Promis, quand je retrouverai mes pouvoirs, je m'en ferai péter le bide. D'ailleurs, est-ce que tu saurais vers qui je pourrais me tourner pour les retrouver ? A l'infirmerie j'ai vaguement ressenti une aura divine, mais pas moyen de savoir de qui il s'agit...

Vous savez, je ne m'inquiète pas pour moi, mais pour les autres. De facto, mon statut de fils d'Arès me procure un pouvoir assez désagréable qui me permet de devenir un Berserker... Certes, je deviens assez efficace, mais je perd conscience et attaque mes alliés comme mes ennemis... En plus, ça provoque pas mal de dégâts au niveau du corps...

Oh, songea Hermès. En effet, il y avait de quoi éviter de le mettre en colère pour éviter d'avoir un Hulk complètement halluciné qui frapperait aussi bien ses ennemis que ses alliés. Reste à savoir s'il devenait totalement vert ou s'il restait plus ou moins "normal" au niveau de la couleur de sa peau...

Alors qu'il se resservait en nectar et en ambroisie, sentant qu'ils agissaient significativement au niveau de son corps, Hermès entendit Gideon lui lancer :

Servez-vous, c'est fait pour ça ! Pour vos pouvoirs, je pense que l'aura divine provient de vous... Vous êtes un Dieu, né Dieu donc, vos pouvoirs sont innés, il vous a juste fallu les découvrir et vous entraîner, mais toujours en possédant ce statut divin... Or, même sans pouvoirs, vous restez un Dieu. L'Ichor coule dans vos veines, non ? Vous demeurez toujours Hermès, Fils de Zeus, mais sans pouvoirs... Je pense que c'est une chance pour vous d'avoir perdu vos pouvoirs, parce que maintenant, vous voyez que pour nous, les humains, il est difficile d'acquérir du pouvoir. L'aura divine que vous avez ressenti, c'est la votre, enfouie sous votre statut de Dieu. Pour retrouver vos pouvoirs, il vous faudra vous entraîner dur, vivre comme les humains, subir des défaites, vous entraîner encore et encore, jusqu'au jour ou vous deviendrez victorieux. Faites fi de tout ce que vous avez appris en tant que Dieu, parce que maintenant, les rôles sont inversés : vous êtes le novice, celui qui n'a encore aucun pouvoir, et vos enfants sont les maîtres, qui savent comment s'entraîner pour développer les pouvoirs que vous leur avez transmis... essayer de vivre avec eux et de comprendre leur façon de penser, et vous verrez qu'un jour, vos pouvoirs reviendront, encore plus puissants car vous les aurez acquis avec douleur, à la sueur de votre front et grâce à l'effort de votre volonté ! Le pouvoir sommeille en chacun de nous, Hermès... Il faut juste savoir comme le réveiller.

C'est très profond, ce que tu dis là... Mais je ne peux pas me permettre d'attendre qu'ils se décident à revenir. Je n'ai pas le temps, si je veux protéger la Colonie, mes enfants, leurs amis, mon univers, je dois les retrouver rapidement...

Soudain, son visage s'éclaira : il avait peut-être une solution à son problème... Son père ne l'entendait plus, mais peut-être qu'Apollon pouvait le guider vers quelqu'un qui saurait l'aider. Et Apollon se trouvait en ce moment à l'infirmerie de la Colonie, à aider les blessés à se remettre sur pied dans la mesure du possible. Se levant, il tendit la main à Gideon et lui sourit :

En tout cas, je te remercie pour tout. Si tu as besoin de quoi que ce soit que je peux apporter, n'hésite pas.