Après avoir discuté avec Athéna, Zeus se mit en tête de chercher Lys, sa troisième enfant. Il avait décidé d'aller la voir, l'air de rien, histoire de s'enquérir de sa santé sans que sa présence éveille les soupçons. L'initiative de son fils Hermès, qui assumait pleinement de ne pas respecter la loi, semblait lui avoir donné des idées, mais Zeus était beaucoup trop égoïste pour admettre que c'était probablement une erreur que d'interdire aux dieux de voir leurs enfants...

Il se pencha sur le bassin de la salle de conseil et activa le mode recherche ; très vite, il put voir sa fille assise sur un banc au square. Zeus se mit à penser à l'avenir qui l'attendait, à elle qui était née alors qu'elle était condamnée par les Moires dès sa naissance. Pourquoi avaient-elles décidé qu'il en serait ainsi pour elle, aussi libre que sa mère l'était, alors qu'elle n'avait rien demandé ? Même les voies des Moires restaient parfois impénétrables pour le seigneur du ciel...

Il s'habilla de manière simple - chemise et jean - avant de se décider à descendre pour la rejoindre l'air de rien. Il apparut sans bruit à quelques mètres du banc où elle était installée, puis toussota pour signaler sa présence avant de se placer devant elle. Souriant, il lui demanda :

Bonjour. Pardonnez-moi de vous déranger, mais je suis un ami de quelqu'un qui vous ressemble beaucoup... Vous ne seriez pas la fille d'une aviatrice hispanique, des fois ?

Il la regarda en souriant presque avec tendresse - il ne fallait pas pour l'instant qu'elle se doute qu'elle avait affaire à son propre père - et attendit patiemment une réponse. Et l'envie de passer du temps avec Lys s'installa réellement dans son esprit...

  Le temps hivernal ne m'empêchait jamais de sortir, qu'il fasse pluvieux, qu'il vente ou qu'il fasse gris, je mettais toujours mon nez dehors. La plupart du temps avec ma mère nous cherchions les endroits les plus ensoleillés, les conditions les plus optimales pour être dans les airs, mais depuis que j'étais à New York j'avais appris à apprécier la météo changeante. Par chance, aujourd'hui le temps avait envie d'être clément : malgré les quelques nuages le soleil était présent, et encore par chance, c'était mon jour de congé.
  J'avais décidé de passer un bon moment de mon temps à flâner dans le Square, finalement j'avais jeté mon dévolu sur l'un des bancs de l'endroit. Je passais mon temps à regarder les passants comme les pigeons, le nez au soleil et le froid me mordant les joues. Pour moi, c'était ça la liberté.

"Bonjour. Pardonnez-moi de vous déranger, mais je suis un ami de quelqu'un qui vous ressemble beaucoup... Vous ne seriez pas la fille d'une aviatrice hispanique, des fois ? "

  L'homme était venu se positionner devant moi. Il avait la tête de monsieur tout le monde, habillé comme monsieur tout le monde, mais tout chez lui était sympathique, et lorsqu'il prononça ses mots un large sourire s'étira sur mes lèvres.

" Oui, c'est bien ma mère ! Mais ... comment la connaissez-vous ? Venez, installez-vous."

  Toujours souriante, je tapotais sur le banc indiquant une place libre à côté de moi. J'avais envie d'en savoir plus sur cette homme qui avait connu ma mère, sur leur rencontre. En parcourant le monde, nous avions l'habitude de rencontrer un bon nombre de personnes, et c'était comme pour nous rappeler que le monde était petit, que de faire la rencontre de cet homme aujourd'hui.

Zeus continua de sourire avec sincérité quand, après qu'il lui ait demandé si elle était bien la fille de sa mère, Lys lui répondit :

Oui, c'est bien ma mère ! Mais ... comment la connaissez-vous ? Venez, installez-vous.

Elle lui fit signe de s'asseoir près d'elle sur son banc, ce que Zeus fit avec plaisir. Comment il connaissait sa mère ? Parce qu'il avait eu la chance de la côtoyer, elle qui était venue le titiller en jouant avec les nuages dans son avion. Passant sa main dans ses quelques cheveux qui subsistaient, Zeus marqua un temps de pause avant de répondre doucement :

Ah, si vous saviez... Nous nous sommes côtoyés quand elle a commencé à jouer dans les nuages avec son avion. Moi, j'ai toujours rêvé de voler, mais avec mes yeux c'était impossible, du fait de ma myopie. Alors elle m'a proposé de voler avec elle, une fois, et de me laisser les commandes de son appareil...

En effet, il s'était fait passer pour un ingénieur en aéronautique pour pouvoir l'approcher, cette femme qui respirait la liberté, et ne lui avait jamais révélé sa nature véritable. Comme s'il craignait qu'elle s'éloigne s'il lui disait qu'il était le maître du ciel... Il reprit :

Ce fut le jour où j'avais compris qu'elle était la femme qu'il me fallait. Le fait qu'elle me laisse conduire son avion m'a procuré un tel bonheur que je lui ai demandé si elle acceptait de m'avoir comme compagnon. Et elle a accepté, et notre bonheur a connu son apogée quand elle m'a annoncé qu'elle était enceinte.

Tout ce qu'il lui racontait, il le revoyait devant ses yeux, comme des images qui défilaient ou comme s'il y était comme spectateur. Mais il baissa la tête avant de conclure, plus doucement :

J'ai dû partir alors qu'elle venait de donner naissance à notre enfant, et je n'ai jamais pu les retrouver du fait de mes responsabilités. Alors... Si je pouvais lui dire que j'étais désolé de devoir partir, qu'elle ne me méritait pas, et si je pouvais les aider, elle et l'enfant, je le ferai sans une once d'hésitation.

Il posa son regard sur Lys, l'observant du coin de l’œil pour guetter sa réaction. Si elle comprenait que c'était d'elle dont il parlait, comment réagirait-elle ?

  Tandis qu'il s'asseyait à mes côtés, je ne pouvais m'empêcher de le fixer tout en me questionnant sur qui il était, et comment il avait rencontrer ma mère. Qui était-il pour elle ? un ami, un ennemi (bien que ma mère n'en avait pas), ou peut-être autre chose ? Comme pour répondre aux questions que je me posais mentalement, cet homme mystérieux prit la parole :

"Ah, si vous saviez... Nous nous sommes côtoyés quand elle a commencé à jouer dans les nuages avec son avion. Moi, j'ai toujours rêvé de voler, mais avec mes yeux c'était impossible, du fait de ma myopie. Alors elle m'a proposé de voler avec elle, une fois, et de me laisser les commandes de son appareil..."

Faire voler quelqu'un qui n'en n'avait pas les moyens, voilà quelque chose qui lui ressemblait bien. C'est sa passion, sa fierté, mais prêter son appareil à quelqu'un m'étonnais beaucoup d'elle. Son avion est comme son trésor, et mis à part moi qui avait prit la place du pilot alors que je n'étais qu'une enfant, à ma connaissance personne n'avait fait une telle chose. Et cet homme venait, en toute innocence me dire cela. Alors à moins qu'il ne compte extrêmement pour elle ...

"Ce fut le jour où j'avais compris qu'elle était la femme qu'il me fallait. Le fait qu'elle me laisse conduire son avion m'a procuré un tel bonheur que je lui ai demandé si elle acceptait de m'avoir comme compagnon. Et elle a accepté, et notre bonheur a connu son apogée quand elle m'a annoncé qu'elle était enceinte."

Au fur et à mesure de ses paroles, mon coeur battait de plus en plus la chamade. Il n'avait pas fini sa première phrase que j'avais déjà compris. C'était lui. Comme sourde, je continuais à le fixer et ignorait à moitié le reste de ses paroles. J'avais comprit qu'il était mon père, celui dont ma mère parlait avec des étoiles dans les yeux, celui qu'elle aimait et qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps. Et je ne pouvais pas m'empêcher de sourire de joie. C'était un choc de retrouver un tel homme en plein New York, comme cela, comme par hasard. Je l'avais imaginé de toute sorte : grand ou petit, maigre ou rondouillard, agréable et même acariâtre. Jamais je ne l'aurais imaginé comme il l'était devant moi. Vingt deux années sans lui, à grandir seule avec ma mère. J'aurais pu le haïr, comme beaucoup d'autres l'auraient fait à ma place, mais c'était impossible, je n'étais pas comme cela. Au contraire, j'étais heureuse de rencontrer enfin l'homme qui avait réussi à obtenir le coeur de ma mère, elle qui est si libre, et la joie s'affichait sur mon visage.

" Vous êtes mon père, c'est bien cela ?"

Même si je le savais, même si j'étais persuadée, je devais le lui demander. Après une pose, j'ajoutais sans accusation :

" Mais, pourquoi êtes vous parti ?

Quand il vit la joie illuminer le visage de Lys, Zeus comprit qu'elle avait compris et qu'elle ne lui en voulait pas d'être parti. Il en sourit de soulagement ; enfin quelqu'un de sa descendance mortelle qui avait de la considération positive pour lui... Entre Pandore qui le haïssait et Luke qui s'en moquait, son cœur de père avait bien souffert jusqu'à l'apparition de Lys dans sa vie. Et si elle lui permettait de changer, ne serait-ce que légèrement, il n'allait pas s'en plaindre.

Il se tourna vers la demoiselle qui lui demanda quand même, histoire d'être sûre :

Vous êtes mon père, c'est bien cela ? Mais, pourquoi êtes vous parti ?

La fameuse question. Qui n'était pas posée avec une seule once d'accusation : elle voulait comprendre, et ça, Zeus ne pouvait que l'entendre. Il poussa un léger soupir avant de reposer son attention sur sa fille et lui répondre d'une voix douce :

Oui, je suis ton père. J'ignore si tu es au fait de ce qu'il se passe sur l'Olympe, mais il y a soixante-dix ans, durant la Seconde Guerre mondiale, en voyant la descendance des dieux se battre pour le pouvoir, il a fallu agir.

Zeus marqua ensuite un temps de pause avant de reprendre d'une voix douce :

Par la suite, j'ai proclamé une loi : aucun des Trois Grands ne pouvait plus avoir de descendance. Mais nous avons rompu cette promesse tous les trois, de par notre... tempérament, dirons-nous. Et nous devenions humains au fur et à mesure que nous restions près de nos compagnes et de nos enfants. Et pour un dieu, c'est un comble. Alors j'ai décidé qu'aucun Olympien, aucune divinité n'aurait désormais la possibilité d'avoir le moindre contact avec sa descendance mortelle.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Zeus alors qu'il concluait :

Mais ça, c'était sans compter ton demi-frère, Hermès. Tellement têtu qu'il a allègrement contourné la loi un certain nombre de fois. Et je me rends compte que j'ai probablement commis une erreur.

Et il resta silencieux : ça lui coûtait, quand même, de reconnaître son erreur...

Je savais pertinemment la réponse avant qu’il n’ouvre la bouche. Evidemment qu’il était mon père, tout ce qu’il m’avait dit précédemment m’avait orienté sur cette piste. On voyait souvent dans les romans deux types de réactions quand des gamins rencontraient enfin leur parent inconnu. Certains leur sautaient au cou et d’autres se contentaient de leur jeter à la figure un bon nombre de noms d’oiseaux. Personnellement je n’avais rien imaginé, pas même un jour voir celui qui était mon père, et encore imaginé la réponse qu’il allait finalement me donner :

«Oui, je suis ton père. J’ignore si tu es au fait de ce qu’il se passe sur l’Olympe, mais il y a soixante-dix ans, durant la Seconde Guerre mondiale, en voyant la descendance des dieux se battre pour le pouvoir, il a fallu agir. »

Le sourire autrefois sur mes lèvres s’était totalement effondré, un peu comme moi intérieurement au fil de ses paroles. Je ne comprenais rien de ce qu’il venait me dire, rien du tout. Et tandis qu’il reprenait un peu plus dans son délire je le regardais avec des yeux écarquillés tentant discrètement de mettre un peu d’écart entre ce drôle de personnage et moi sur ce banc qui nous réunissait.

« Par la suite j’ai proclamé une loi : aucun des Trois Grands ne pouvait plus avoir de descendance. Mais nous avons rompu cette promesse tous les trois de par notre … tempérament, dirons-nous. Et nous devenions humains au fur et à mesure que nous restions près de nos compagnes et de nos enfants. Et pour un dieu, c’est un comble. Alors j’ai décidé qu’aucun Olympien, aucune divinité n’aurait désormais la possibilité d’avoir le moindre contact avec sa descendance mortelle. »

J’hochais la tête, ne comprenant rien à ce qu’il disait.

« Mais ça, c'était sans compter ton demi-frère, Hermès. Tellement têtu qu'il a allègrement contourné la loi un certain nombre de fois. Et je me rends compte que j'ai probablement commis une erreur. »

Mon demi-frère ?? Des dieux, des Olympiens, les Trois Grands … ces mots résonnaient dans ma tête mais je ne comprenais strictement rien mis à part que l’homme que je croyais être mon père ne semblait d’être qu’un fou comme New York en comptait. Je le fixais, la mine déconfite et la peur en moi me hurlait de prendre mes jambes à mon cou, mais j’avais envie d’en savoir plus.

« Pardon ?! soufflais-je. »