« Votre petite fille est adorable ! » Monsieur et Madame Milkovich se regardèrent en souriant, regardant la vieille dame qui reprenait tranquillement son chemin. Ils regardèrent le bébé dans sa polaire rose pâle, endormit dans sa poussette. Leur petite Louison était magnifique. Comment pouvait-elle se douter de tout ce qu'avaient prévu ses parents pour elle ? Le mari et la femme poursuivirent leur balade, main dans la main. Leur nouveau-né dormait paisiblement entouré de ces peluches. Sauf que Louison n'était pas une petite fille, mais un petit garçon. Deux parents désespérés d'avoir eu un cinquième garçon. Voilà ce qu'ils étaient. Leur nouvelle et première petite fille, voilà ce qu'il était.

04 ans. Louison attrapa un feutre et le mordilla. Sa mère le prit dans ses bras et lui brossa les cheveux longuement. Ce qu'elle aimait c'était ça, passer du temps avec sa fille. Elle lui tressait les cheveux un jour, lui faisait des chignons un autre... Elle lui faisait elle-même ses chemisiers, ses robes, ses jupes, ses shorts... Tout le monde n'y voyait que du feu, Louison n'avait que quatre ans, son visage était encore rond et sa voix aigüe. Les quatre frères de Louison jouaient le jeu eux aussi. Toute la famille y mettait du siens, si bien qu'au bout de quatre ans, il était réellement considéré comme la fille qu'ils avaient tous voulue. Matt était l'aîné, c'était le plus distant avec Louison. Les jumeaux Henry et Eric aimaient bien l'embêter de temps en temps, et c'était eux qui la gardaient le plus souvent quand leurs parents travaillaient tous les deux la même journée. Quant à Max, il se chargeait personnellement de jouer le grand frère protecteur en cas d'embrouilles. « C'est... Très joli comme dessin, ma chérie, c'est quoi ? » « Une stryge. » « Une quoi ? » La mère fronça les sourcils, étonnée qu'une enfant de quatre ans connaisse une telle chose. « C'est un monstre maman. Un vieux monstre, j'ai fait un rêve de ça hier soir... » Elle lui arracha la feuille des mains. « Je t'ai déjà dis que tu ne... Devais plus dessiner de telles horreurs ! File jouer avec tes jouets ! » Elle se leva et jeta le dessin dans la cheminée. Elle s'alluma une cigarette et se servit un verre d'alcool. Elle regarda Louison dans sa robe bleu pâle, ses longs cheveux bruns et ses grands yeux bleus. Hors de question qu'elle voit un psy, il pourrait lui dire un tas de choses qui ne lui plairait pas, et puis, les médecins, elle avait toujours eu horreur de ça. Non, sa fille arrêterait de voir de telles choses un jour ou l'autre...

08 ans. « Les filles de l'école se sont moqués de moi... » « Qu'est ce qu'elle t'ont dit ma chérie ? » « Elle ont dit que j'étais un garçon quand on était à la piscine... » « Mais c'est ridicule mon ange, vient là... » Elle la serra dans ses bras. La piscine, le maillot. Bien sûr ! « Je te ferais un mot pour la prochaine fois, tu n'iras plus. » « C'est vrai ? » « Oui. »  Ce soir là elle convoqua toute la petite famille, sauf la principal intéressé. Ils fallait qu'ils se préparent tous à la prochaine phase de leur petite Louison. Madame Milkovich prit un verre, un énième qu'elle mêla à ses médicaments. Et monsieur Milkovich l'imita presque aussitôt.

10 ans. Louison regarda les gens de sa classe. Ce cours de biologie était... Étrange. Il ne lui correspondait pas, elle se sentait étrangère. Les filles de sa classe avaient fièrement commencé à parler de leur brassière, les garçons de leur voix qui commençait à virer au grave. Louison, sur sa chaise, détaillait les schémas un à un. Elle tripotait sa couette brune, sentant quelques regard se poser sur elle. Comment pouvait-elle avoir... Le soir même, il déballa un tas de questions à sa mère. « Louison, je te l'ai déjà dit... Tu as quelques soucis de... Enfin ton corps est différent de celui des autres filles, mais cela ne doit te poser aucun souci ! » Et Louison n'en cru pas un seul mot cette fois-ci. Il monta dans sa chambre et alluma son ordinateur. Elle ôta sa tenue et soupira. Elle se regarda longuement dans le miroir. Pourquoi n'était-elle pas comme toutes les autres ? Le soir même elle rêva encore de ces monstres. Cette fois-ci, elle voyait méduse. Elle voyait aussi quatre enfants, en tee shirt orange qui l'affrontaient, dans la brume. Encore ces enfants en tee-shirt orange.

12 ans. « Sort de cette salle de bain Louison ! » C'était Max, qui se déchaînait contre la porte. « Oui oui j'arrive ! » Elle sortit en souriant et embrassa son frère en guise de bonjour. « Pfft, c'est bien un nana qui passe autant de temps à s'maquiller. T'as que douze ans hein ? » « Et alors ? » Elle descendit les escaliers et se mit à table avec ses autres frères.  Sa mère avala ses pilules et lui fit la bise.  Cela faisait maintenant deux ans qu'il savait. Qu'il savait que tout le monde dans cette maison lui mentait chaque jour, chaque heure. Mais Louison avait su garder la tête haute. Il avait fait semblant de ne rien voir, il s'était conforté dans son rôle. Deux ans aussi qu'il ne parlait plus de ses visions à n'importe qui. Il les voyait presque tout les soir, ces enfants au tee shirt orange. Et l'autre jour en allant à l'école, il était persuadé d'avoir vu un homme au jambes de chèvre. Et ses amies lui avait ris au nez.

13 ans. « Tim n'a invité au cinéma ! » « C'est qui ça Tim ? » « Un garçon de ma classe ! Je peux y aller ? » Madame Milkovich lui fit un grand sourire, sans doute parc qu’elle s'imaginait que c'était son premier rendez vous. Et elle l'y autorisa. Elle lui rappela de faire attention à sa voix – parce que Louison devait parler plus doucement pour cacher des changements éventuels de tons – et de ne pas faire de bêtise. Cependant, elle insista pour que l'un de ses frère l’accompagne, juste au cas où.

15 ans. « Et si je veux y aller avec Mandy ? » « Ma chérie, fait un effort... Tu m'a dit que tu avais un rencard, c'est avec des garçons que tu dois y aller.. » « Mais maman bordel ! Je suis un mec. » « Ta voix ! Fait un effort ma Louison, je sais que c'est pas facile pour toi, mais fait un effort ! Je sais, c'est dure d'être différente... » Louison leva les yeux au ciel. Sa mère était complètement perdu dans son propre mensonge son père et ses frères aussi d'ailleurs. Il sortit tout de même avec la Mandy en question toute l'après midi. Mandy était la fille la plus cool qu'il connaisse. Bon, elle était tatouée sur les épaules, percé à la lèvre inférieur, elle avait des mèches roses dans ses cheveux sombres, et parlait fort. Elle insultait pleins de gens aussi. Et elle n'allait pas au cours les mercredi parce qu'elle disait faire la sieste. Mais ce n'était que l'apparence. Il la voyait comme une fille super cool. Lui qui était toujours habillé comme une fillette modèle. Elle avait eu envie de changer ça. Il avait refusé. Elle n'avait pas comprit. Alors puisqu'elle était sa meilleure amie, il lui avoua tout. Au début elle avait rit. Il avait fini par lui montrer son torse, et son soutient gorge rembourré. « Tu vois ? » « Punaise la vache ! Mais... » Au lieu de le rejeter, elle l'avait encouragé à s’affirmer. « Louison, ça craint pour un gars, non ? Tu préfère pas Louis ? Ou je peux t’appeler par ton second prénom... » « Si t’arrive à la prononcer... » « Va pour Louis alors mon gars ! » Et ils étaient allés chez elle. Elle avait insisté pour lui couper les cheveux. Et lui passer des habits de son frères. « En fait t'es vraiment canon... Pourquoi tu te cache comme ça ? » Pas de réponse. Il n'avait jamais vraiment su. Il avait grandit comme ça, un point c'est tout. Il se regarda longuement dans la glace qui lui faisait face. Il passait une main dans ses cheveux court. Différent, il était vraiment... Différent. Pourquoi ses parents avait-il voulu faire de lui une fille ? « Tu crois que je peux en avoir un moi aussi ? » Il lui montra son tatouage. « Tu rigole j'espère ? J'te laisse même pas l'choix ! On va leur montrer à tes parents que tu va pas te laisser faire ! »

Ce soir là, sa mère hurla quand elle vit sa fille chérie rentrer. Ils étaient tous à table quand Louis débarqua. Son père lâcha ses couverts, et ses frères le regardèrent avec des yeux ronds. « Louison... ? » « C'est Louis. Louis, je suis un garçon maman... » « Qu'est ce que.. Tes cheveux ! Et tes doigts, mon dieu tu es tatoué sur les doigts ! Et ton nez, tu as fait un trou dans ton nez ! Seigneur, non ! » « Ça ne te plaît pas ? » « Mais mais... » Elle tourna de l’œil, son père blêmit et reprit une fourchette de purée. Quant à ses frères... Il monta dans sa chambre ne courant et éclata de rire. Leurs têtes à tous étaient mémorables. Vraiment. Il discuta longuement avec Mandy au téléphone ce soir-là. Et quand il se coucha, il rêva encore d'eux, ces enfants au tee-shirt orange. Il prit un carnet et nota tout. Les moindres détails.

16 ans. « Ma chérie, dis moi que c'est une blague... Cette fille dans le salon. » Louis baissa les yeux et regarda son amie assise sur le canapé. « Vous appelez toujours votre fils comme un fille ? » « Oh toi la ferme ! » C'était son père qui avait hurlé, dans un coin du salon. Heureusement pour Louis, ses frères n'étaient plus là, tous en fac. « J'ai pas fais exprès. » « Mais... Louison enfin ! » « Mais mince quoi, c'est quoi ton problème maman ? Louis, c'est pas compliqué non ? » Mandy se recroquevilla un peu sur son canapé et attrapa un coussin qu'elle serra contre elle. « Je vais vous demander de partir ma petite. » « Vous savez ce qu'elle vous dis la petite ? Elle a vingt ans la petite ! Et comment je fais moi pour le bébé, hein ? » Et Louis suivait tout ça, regardant un coup ses parents, et un coup son amie. Il regardait ses doigts, les tordait de plus en plus. Oh il en avait fait une belle de connerie. « Vous savez quoi ? J'me barre, vous êtes une famille de dingue, votre pauvre fils... Il ne mérite pas ça. Tu sais quoi Louis, barre toi aussi. Ils ne t'écouteront jamais. Tes parents sont des drogués, ils ne t'écoutent pas pour tes visions, ils t'habillent et te traitent comme une nana... Je parie que c'est ta mère qui t'as verni les ongles ? » Louis secoua la tête, non, c'était lui. Il était comme ça. Il avait gardé de ces anciennes manies, il n'arrivait plus vraiment à s'en séparer. Mandy eut les larmes aux yeux et elle claqua la porte. « Je ne veux plus que tu t'approches de cette fille, tu entends ma chérie ? Et ce bébé... On lui donnera de l'argent pour qu'elle... Arrête tout. » Louis se sentit mal, ses maux de tête, ses images monstrueuses reprenaient le dessus.

17 ans. Il n'avait pas eu le courage de tout leur dire en face. Il avait laissé un mot, long de deux feuilles sur la table de la cuisine. C'était le soir de Noël, au moins tout le monde serait là, ils allaient tous lire, tous comprendre. Mandy avait eu raison, ils étaient tous dingues. Il s'était voilé la face trop longtemps... Il passa chez elle avait de partir. Il ne pouvait pas rester en ville. Et elle avait sa vie ici. « Tu compte aller où ? » « J'ai pensé aux États Unis.» « Tu parle même pas anglais Louis... » « J'apprendrais vite, prend soin de toi et du petit d'accord ? Et... Enfin si tu veux bien, appelle moi d'accord ? Je veux pas vous oublier tout les deux. » Il la regarda une dernière fois, son fils se débattait dans ses bras et il se sentit tout de suite mal. Il reviendrait peut être un jour, où alors elle, quand elle aurait assez d'argent, ou quand elle se déciderait à quitter la ville de leur enfance. « Oh, et Louis ! Bonne chance, pour retrouver tes potes aux tee shirt orange ! » « J'te jure qu'ils existent, et tout le reste aussi. » « Je t'ai toujours cru. »

18 ans. Il était arrivé le jour de ses dix-huit ans à New York. N'étant pas majeur, trouver un travail fut tout d'abord compliqué. Il l'avait promis à Mandy, il apprit la langue du pays le plus vite possible. Cette ville avait quelque chose en plus. Il se sentait mieux. Il sentait une énergie qu'il n'avait jamais ressentit avant. Ces visions furent de plus en plus nombreuses. Il avait réussi à se trouver un petit appartement sympa, à trouver un travail qui lui suffisait pour vivre. Il avait fini par s'installer. Il posa une photo sur sa table de chevet. Mandy, Yev et lui. Sa nouvelle vie pouvait commencer.