Claire de Chastennay s'écroula dans le couloir de l'appartement et fondit en larmes. Sa fille s'approcha timidement et prit sa mère dans ses bras. C'était bien simple, son père venait de partir pour de bon, il avait fait ses valises la veille. Sa fille de trois ans n'avait eu le droit à aucun câlin d'adieu, aucun baiser, rien. Alors bien évidemment, cela lui avait paru étrange. Sa mère pleurait toutes les larmes de son corps, et Charlotte-Leanne la serra dans ses bras, espérant réconforter sa maman.

CL leva les yeux au ciel. Sept ans et déjà, elle se permettait de juger tous les hommes que sa mère n'arrêtait pas de ramener à la maison. Aucun ne la méritait, ils étaient tous snobs, profiteurs ou de gros pervers tout simplement. Il fallait dire que Claire avait eu sa fille tôt, et que son âge était de vingt-cinq ans, et les hommes plus âgés semblaient vouloir en profiter. Quand on voyait sa fille, on se demandait laquelle des deux allait craquer en premier. Beaucoup disaient que la pauvre fillette, déstabilisée, sans père fixe, avec une mère névrosée à point, aller finir ces jours dans un pensionnat pour jeune en difficulté. Il n'en était rien. CL était une petite fille terriblement équilibrée pour ses sept ans, et qui gérait mieux les histoires de sa mère que personne. Elle termina par s'en rendre compte et un beau jour, sur un coup de tête, décida de faire ses valises, et de partir avec sa fille vivre au États-Unis. Elle opta pour la Floride, Miami.

La vie ici lui avait tout de suite plu. Elle avait dix-neuf ans maintenant et tout semblait être parfait dans sa vie. Bon, si l'on mettait de côté le fait que la jeune femme changea d'établissement quatre fois durant sa scolarité à cause de son comportement irritant et parce qu'elle draguait ouvertement son professeur de maths durant sa dernière année de lycée. Elle avait aussi essayé de partir loin de sa mère, qui lui paraissait de plus en plus étouffante. Car Claire ne supportait pas de vivre seule, et elle ne trouvait personne. Pour CL c'était mieux comme ça. Rien que toutes les deux, c'était une vie parfaite. Malheureusement, cela ne dura pas. Parce qu'elle le rencontra. Cet homme. L'homme qui changea tellement de choses dans sa vie. Non, elle n'était plus autant chouchoutée, elle n'était plus non plus le centre de l'attention de sa mère. Parce qu'Adam Gaither venait de débarquer dans sa vie.

« Maman, tu peux pas sortir avec ce type...» « Chérie, soit gentille veux tu ? Je te le présenterais ce week end, c'est un homme charmant, tu vas voir ! » « Maman, j'te préviens, si c'est encore un de ces types qui porte sa chemise ouverte jusqu'au bide, je vais exploser » « Char ! » « Non mais c'est vrai quoi... Il m'a l'air chelou ce mec, franchement, son fils s'appelle Sonny. Tu trouve que c'est un prénom ça, Sonny ? C'est ridicule je trouve. » « Arrête maintenant, soit plus gentille, son fils sera là lui aussi... » C'est ça, son fils qui visiblement, était peu présent. « Ouais, ben j'ai hâte de voir ça, Monsieur Moche et son fils mini moche... » « CHAR' ! » Il n'en fallu pas plus à la jeune femme pour esquiver une claque et elle fila dans sa chambre en rageant. Qu'est ce qu'elle en avait à faire de ce mec ? Il allait la faire souffrir, et sa mère aussi.

En réalité, le fils en question ne se pointa pas. Il avait visiblement un empêchement. Alors CL rencontra le nouvel homme de la vie de sa mère. En réalité il s'habillait correctement et il avait l'air terriblement gentil. Elle apprit par la suite qu’il était français, tout comme elles. CL fit un effort, elle essaya de lui sourire durant tout le repas, de rire à ses blagues (oui, elles étaient drôles) et de lui parler. Mais le cœur n'y était pas. Elle voulait en savoir plus, toujours plus. Mais sa mère avait l'air amoureuse, et elle savait depuis bien longtemps qu'on ne pouvait rien contre ce sentiments. Durant le repas, elle se leva et fit son petit tour dans la maison de monsieur Gaither. Ce fut l'étage qui l’intéressa le plus. Au fond du couloir il y avait cette porte bleu ciel, avec un prénom écrit en lettres colorés. Celle de son garçon sans doute. Franchement, il avait quel âge pour garder une porte de chambre de gamin comme ça ? Ce fut plus fort qu'elle, elle s'y dirigea. La chambre était assez grande. Un lit parfaitement fait, trois étagères et une armoire de bois clair. Au mur était accroché des dessins d'enfants et un poster de SpiderMan, le tout premier. Cependant, c'était comme si l'enfant qui couchait ici autrefois était partit comme ça, du jour au lendemain. Sur une petite table, une boite de feutre était toujours ouverte. Un cahier d'exercices de Français traînait là lui aussi. C'était comme si Adam n'avait touché à rien depuis le départ de son fils. Son regard s'attarda sur une série de photos. Et elle esquissa un sourire ému. Les photographies du petit garçon n'allait pas plus loin que ces treize ans, et elles étaient toutes datés. Il tenait dans ses bras une énorme peluche de panda et souriait ; les joues rondes, et d'épaisses boucles blondes. Et il avait ce sourire, qui aurait fait craquer n'importe qui. « Charlotte-Leanne ! » Elle ferma la porte et sortit. Un jour peut être aurait-elle l'occasion de le rencontrer.

Sa mère était de nouveau une jeune mariée. Ils avaient célébré un mariage simple, intime. Pas de Sonny présent, et CL se demanda bien pourquoi. Son père se remariait et il n'était pas là, elle trouvait cela assez curieux. Elle avait terminé par apprécier ce monsieur. De plus, c'était lui qui l'avait aidé à introduire sa fac de médecine, elle lui devait bien ça. « Sonny arrive dans une heure, et t'es toujours en nuisette Char, dépêche toi ! Je veux pas que ton demi-frère te prenne pour une dévergondé ou une je ne sais quoi ! » Étonnement, elle qui n'avait pas de mal à entamer de nouvelles relations, elle redoutait sa venue. Ou plutôt, elle n'avait pas envie qu'il vienne se mêler de sa vie. Il était partit non ? Alors pourquoi il revenait maintenant ? Elle soupira et enfila une de ses robes beige. La sonnette ne tarda pas à retentir et elle se précipita en bas de l'escalier, afin d'ouvrir la première. Et elle gagna sa course, elle ouvrit la porte en grand et fit face au nouveau venu. Adam Gaither le serra dans ses bras, Claire l'embrassa et CL resta... Sans rien faire. Il lui adressa un immense sourire, et entra dans l'entrée. La porte claqua et elle passa une main dans ses cheveux roux. Elle s'était fait des tas d'histoire sur lui, avait essayé d’imaginé à quoi il ressemblerait... Pas à son père en tout cas. Mais pas non plus aux photos qu'elle avait vu. Oh non. C'était comme si ce Sonny là était devenu plus sérieux, ou plus grave au choix. Comme s'il avait vécu des choses absolument horribles. Pourtant, elle était la seule à se rendre compte de ça. « Alors c'est toi Charlotte-Leanne ? Sonny, enchanté. » Il lui fit la bise et elle essaya d'afficher son plus beau sourire. Il était tellement... Elle se demanda vraiment qui était la mère de ce garçon. Un canon sans doute.

Elle avait beau tenté de fouiner, nul trace de l'ex madame Gaither, Et Sonny ne disait rien, il se contentait de dire que sa mère était une femme troublée qui avait du partir parce que la vie de famille ne lui convenait. Sur le coup CL trouva tout cela parfaitement injuste, un parent n'avait pas le droit d'abandonner son enfant comme ça. Et puis elle se rappela que son père avait fait la même, elle venait de découvrir un point commun avec lui.  « Je te rassure, mon père a prit soin de moi avant le pensionnat » Ah oui, le pensionnant où il était partit à ses treize ans. Drôle d'idée. Elle voyait mal ce Sonny là dans un pensionnat. De ce qui lui racontait de sa vie à New York c'était... Il était extra, un elle en version masculin quoi. Quoi que au jour d'aujourd'hui, elle avait du mal à le croire. Il était malade est cela crevait les yeux. Pourtant c'était comme si lui même se voilait la face.

« Hé, c'est qui ce type ? » En fait ils s'étaient plutôt vite entendu. Il était spécial en son genre, mais c'était un frère extra. « Punaise, rend moi çaaa ! » Il lui arracha son portable des mains et le balança sous sa couette. « Ben quoi, j'demande qui sait, tu parle jamais de ta vie alors j'me sens obligé de fouiner. Alors c'est qui, il a l'air cool, vous avez l'air proches » « Ouais c'est ça... » La phrase qui voulait tout dire. Ou rien dire. « Un pote de fac ? » « Colocataire » « Ooh, tu vivais en colocation, ça doit être juste... Trop fun. » « Bof... » « Quoi bof, j'aimerais trop moi... » Il lui jeta un coup d’œil intrigué avant de se replonger dans sa lecture. CL, assise au bout de son lit continuait son interrogatoire. « Vous bossiez ensemble ? Dites, vous faisiez quoi ? » « De la compta. » « Beuuh, ça pas l'air cool votre truc... Si vous étiez pas si potes, pourquoi t'as une photo de lui et toi hein ? » « Parce que. Je sais même plus quel jour c'était, un de ces bons jours j'imagine. J'essaie de l'oublier tu vois, alors arrête de parler Char', s'il te plait ». Et il replongea dans son magasine. Elle ouvrit des yeux ronds. Était-il... ? Elle garderait ça pour elle, en tout cas, en il n'en donnait pas l'air. Un jour elle en saurait plus sur lui, sur sa vie. Lui il avait tout de suite tout su, pourquoi pas elle ? « Bon, j'vais me balader ok ? » Il marmonna quelque chose, toussotant au passage. Mouais bon. Elle enfila une veste légère, la nuit venait de tomber sur la Floride. Se balader seule était quelque chose de ressourçant. Enfin. Jusqu'à qu'un type au dent étrangement longues la stoppe et lui demande du feu. Elle s'excusa de ne pouvoir exaucer son vœux et fit mine de repartir. Une main lui attrapa le bras, et l'homme dévoila une rangés de dents pourries. « Vous me faites mal... » « Miam, une délicieuse mortelle, une délicieuse jeune femme... » Elle regretta ne pas être sortit avec un spray au poivre ou quoi, elle poussa un grand cri strident. Sauf que l'homme en question n'en avait pas fini. Il l'attrapa par les cheveux aussi et la traîna dans un coin d'une ruelle. Elle lui donna des coups, le mordit, mais rien n'y fit. « Une mortelle délicieuse... Miam ! » Et il n'avait que ces mots à la bouche, elle venait de tomber sur taré qui voulait la manger. Un cannibal. C'était la fin, elle allait mourir, déchiqueté dans une ruelle. Soudain quelque chose frappa l'homme par derrière, il lâcha CL qui s'écrasa contre une poubelle en hurlant. La personne qui avait attaqué en question était son demi frère, armé d'une sorte de glaive. « Dégage d'ici Char', vite ! » Elle ne se fit pas prier, elle détala et se planqua à une dizaine de mètres. Elle essaya de ne pas regarder, mais ce fut plus fort qu'elle. Elle regarda son frère se battre avec cette homme, lui enfoncer son glaive un peu partout et elle se retint de vomir. Il venait de tuer quelqu'un... Il aurait pu alerter la police ou quoi, mais il l'avait tué, tout simplement. Elle sanglota et bientôt son sauveur se pointa. Il la fixa droit dans les yeux, posant une main sur son épaule. Il y avait du sang sur son visage, et elle pria pour que cela ne soit pas le siens. « Ta balade s'est bien passée, tu as pris l'air et cela t'as fait du bien. D'accord ? » Elle acquiesça, une douce chaleur se rependit en elle et elle se sentit tout de suite mieux. Ses yeux se fermèrent, et quand elle se réveilla dans on lit le lendemain, il lui sembla alors que tout cela n'était qu'un affreux cauchemar.

Le lendemain elle trouva Sonny et son père dans la cuisine. Et ce rêve. Les images de ce rêve lui revenait en tête. Non, Sonny n'était pas un meurtrier... Juste un mec malade, incapable de marcher plus de dix mètres sans cracher ses poumons. Ce n'était pas possible. Sa mère était partie tôt faire les courses, elle était seule avec les deux Gaither. Pourtant elle n'osa pas entrer tout de suite, non, elle se contenta d'écouter aux portes, vilaine fille comme elle était. « Sonny, tu n'a pas fais ça, si ? » « Tu voulais que je fasse quoi aussi... Depuis le début elles sont sous contrôle » « C'est de ma femme dont tu parle là... » « Ouais ben c'est où ça, où elles vont bien finir par se rendre compte que je suis un peu... Genre tu vois, pas tout à fait normal ? » « Sonny, mon garçon tu es parfaitement normal tu... » « Non, papa, je ne le suis pas, je dois te rappeler qui est ma mère ? » « Arrêtons d'en parler, tu es sûre qu'elle ne se souvient plus de rien ? » « Oui, ça, je peux encore le gérer » « Parfait alors... Et au fait, qu'à dit le médecin ? » « Que tout allait s'arranger » « Tu mens mon garçon » « De toute façon, on s'en fou non ? On a toujours su que ma vie allait être compliqué » Son père posa une main sur son épaule et prit son fils dans ses bras. Un grand silence s'abattit dans la cuisine et CL ferma les yeux. Des menteurs, voilà ce qu’ils étaient tout les deux, mais de bons menteurs. Qui était-il bon sang ? Elle devait le découvrir, savoir la vérité. Mais il semblait bien décidé tout les deux à la cacher, et ça, pas qu'à elle, mais aussi au reste du monde.