Il n'est jamais facile de s'adapter à une nouvelle vie. Mais pourtant, je dois le faire. Alors que je n'ai jamais touché d'arme de toute ma vie, je me retrouve obligé d'entrer en plein milieu d'un court de maniement d'épée. 
La honte déjà d'arriver en plein milieu, mais encore plus quand tu comprends que tu n'es pas fait pour manier ce genre d'arme.
Je me suis ridiculisé comme personne ne peut le faire. Mais le pire dans tout ça s'est de devoir supporter les regards en coin et les railleries à voix basses des autres demi-dieux. 
Ma vie d'avant me manque, je veux pouvoir retourner en cours ou même chez moi et retrouver mon père et partager un thé avec lui. Mais à cause de cette foutue différence, je ne peux rien faire, même un dieu en veut à ma famille. Je n'aurais jamais dû voir le jour et ça aurait été mieux pour tout le monde…
C'est la fin du cours et je sens sur moi les regards pesants de tous mes semblables, je les entends me rabaisser, me montrer du doigt. Je me sens mal et j'ai envie d'une chose de pleurer. De me morfondre dans un coin et d'y rester jusqu’à ce que toute ma peine ait quitté mon corps en même temps que mes larmes. Mais le destin en a décidé autrement et je me suis perdue dans le camp et je me suis retrouvé au bord de la plage. Je me suis assis dans le sable et j'ai pleuré. Je n'en peux plus, j'ai l'impression de tout rater. 
Je regarde la mer et demande à voix hautes :
« Mais qu'est-ce que je t'ai fait pour mériter tout ça ? »

Aucune réponse, ça ne m'aurait pas étonnée, qui m'aurait répondu ? Zeus ? Poséidon ? Perséphone ? Hadès? 
Personne, ils ne sont bien trop occupés. 
Une ombre me coupe de mes pensées tout en me retournant, je dis sur un ton menaçant :
« Tu veux quoi? »

Je ne voulais pas lui parler mal, mais je suis au bord de la crise de nerf et j'ai l'impression de ne plus rien contrôler. Alors le jeune homme me montre sa gorge, qu'est-ce que je dois en comprendre ? Que j'ai un truc-là. Je passe ma main sur mon cou mais, je ne sens rien. Ce n'est peut-être pas ça… Puis je la vois une légère cicatrice encore violacée. Bon, il a une cicatrice sur la gorge et bouge des lèvres sans qu'un son n'en sorte. Il est muet ! Ah ben, c'est logique vu l'emplacement de la coupure. 
Je lui demande plus gentiment que ma question d'avant :
« Tu es muet, c'est ça ? »

Je le regarde alors avec un œil moins sceptique sur ses intentions. Il est plutôt grand et fin, ces yeux expriment une certaine joie mêlée à une forte nostalgie. Je ne sais que dire de plus, mais je remarque bien la nostalgie dans son regard, il veut parler ça se voit, mais bizarrement, il n'est toujours pas guéri. Je me lève du sol et rajoute :
« Excuse-moi de t'avoir éconduit comme ça… Mais je dois passer un cap, m'habituer à une nouvelle vie… À croire que ce n'est pas journée, ni ma semaine, mon mois, mon année, ma vie… On s'est trompé sur moi, je ne suis rien... »

Voilà, je l'ai dit, je ne suis rien. J'ai envie d'une chose, c'est de retrouver mon père. Le seul qui me comprenait, qui croyait en moi. Pas comme ma mère qui ne donne plus de nouvelles alors qu'elle le peut très bien pendant la période estivale. Que j'aimerais ne pas être le fils de la reine des Enfers. Que j'aimerais être normal, et pas ici où je ne suis clairement pas à ma place… 
Même si cette plage semble être un endroit clairement calme et propice au repos de l'esprit, je ne sais pas si je peux rester indéfiniment ici… Je regarde le jeune blond et lui dis :
« Moi s'est Élian… Fils de Persephone. »

Je lui tends ma main et le regarde dans les yeux.

Le blond se place en face de moi et je lui tends ma main et me présente et en l'espace de deux secondes une aura d'or l'entoure et un carnet et un stylo où il écrit une phrase qu'il me montre. Son écriture ressemble fortement à celle d'un généraliste, mais je lui trouve un style légèrement ancien et je peux en lire :
-Je m'appelle Anthony Schaeffer, fils de Niké, la déesse de la victoire.

D'un mouvement de tête, il m'invite à venir m'asseoir sur le sable à ses côtés. Et il écrit en bas de page :
-Qu'est-ce qui ne va pas ?

Je hausse les épaules et lui dis :
-Je ne suis pas sûr d'être à ma place ici, les autres sont de vrais demi-dieux, mais je n'ai pas l'impression que je suis comme eux. Je ne sais pas manier l'épée ou les dagues et encore moins le tire à l'arc. Le seul moyen que j'ai de me battre, c'est avec le maigre pouvoir que j'ai… Je me sens si nul de l'avouer devant quelqu'un d'autre… Mais… Je ne suis qu'une pauvre tache qui ne sait rien faire de ses dix doigts à part confectionner des bouquets de fleurs et les vendre.

Je baisse devant l'annonce, c'est bien la première fois que je me livre à un si long discourt devant une personne que je viens de rencontrer, une personne qui semble vouloir m'aider. Mais j'ai peur et j'aurai toujours peur, car je ne me connais plus, et je n'ai envie de blesser personne, mais je suis gauche…
Je lève vers lui des yeux embrumé de larmes et lui dis d'une voix un peu chevrotante :
-Je suis désolé de te saouler avec mes soucis, mais je ne peux m'empêcher de...

Je ne peux finir ma phrase, les mots me manquent et mes sanglots m'en empêchent encore plus.

Le fils de la victoire écrit en vitesse sur son petit calepin : 
- Allons bon, faire des bouquets ce n'est pas si nul.

Je le regarde et lui dit :
-Mais oui bien sur… Comme si faire des bouquets de jonquilles aller sauver le monde… 

Je mets un temps de pause dans lequel je me rends compte que je viens de mal parler à ce jeune gars qui ne souhaite que me réconforter. Alors je baisse la tête et lui dit :
-Je suis désolé de t'avoir répondu comme ça… Je n'aurais pas dû alors que tu m'aides comme tu peux… Je ne sais pas ce qui m'a pris de te répondre ça.

Je tente de lui sourire et il écrit à nouveau et demande encore :
-Je devine que tu as un don avec des fleurs et du cristal, ce n'est pas suffisant pour toi . 

Je me lève du sol, m'étire un peu et d'un mouvement de main je fais sortir du sol un rosier couvert de rose de rubis.
-Voilà ce que je suis capable de faire. Tu avais raison… Mon pouvoir est lié aux plantes et aux cristaux des Enfers. 

Je souris en fait pourquoi je me plains de mon don, j'ai de grandes possibilités, pourquoi ? Si je sais pourquoi, j'ai perdu confiance en moi, mais je ne dois pas ou plus désespérer. Carter confirme mes pensées par une phrase écrite :
-Tu sais, tu es ici pour apprendre, c'est normal de se louper au début, tout le monde a du mal.


Je le regarde avec un sourire heureux… Et lui dit :
-Mais je compte bien faire mieux que faire pousser un simple rosier !

Je respire profondément et me fais une promesse à moi-même, d'arriver à faire quelque chose de grandiose avec mes pouvoirs. 
Carter griffonne une autre phrase et demande :
-Tu es arrivé quand ? 
-Il a quoi peut être une semaine… tout au plus.

Voilà oui ça faisait pratiquement une semaine que j'étais à la colonie et que je ratais entraînement sur entraînement, bon ça va évoluer je vais devenir fort ! Et peut-être enfin pouvoir me lier d'amitié avec d'autres demi-dieux. 
-Je ne le reconnais pas assez mais ça fait du bien de parler et je te remercie, tu m'as tendu ta main alors que je n'allais pas bien et je ne l'oublierais jamais…

Je le regarde cette phrase en suspend devant le soleil couchant de cette fin de journée.