Àquelques rues de là émergeait un jeune homme, étendu maladroitement sur ce qui semblait être un drap sale et un tas de chiffons faisant office d’oreiller. Les cernes marquées sous ses yeux ainsi que quelques légères contusions visibles de part et d’autres de son visage témoignaient de la nuit agitée qu’il venait de passer et, s’il n’avait pas sorti un portable –dont l’écran semblait avoir pris un sacré coup- on aurait presque pû se demander s’il n’était pas un sans-abri.
Le portable sonna soudainement et il s’empressa de décrocher.

« Allô ? Oui… Ouais ouais, je suis réveillé. Encore ? … Okay, je suis dans le secteur, j’arrive dans dix minutes. »

Et il raccrocha sans attendre une quelconque formule de politesse de la part de son interlocuteur. Il avait déjà du travail pour la journée. Lui qui songeait à retourner à la Colonie se retrouver coincé une journée de plus dans l’immense fourmilière qu’était New York… Mais le mauvais côté de la fourmilière. Les rues bondées de personnes rentrant du travail, le téléphone pendu à l’oreille, cachaient celles désertes qui à la tombée de la nuit se transformaient en terrain de batailles. Hero était impliqué dans ce genre de problèmes jusqu’au cou. Même s’il aurait voulu en sortir il n’aurait pas pû : il avait la corde autour du cou et il le savait. De toute façon, il savait qu’aucune aide n’était accordée aux gars comme lui. Alors valait-il mieux continuer ce qu’il faisait plutôt que d’espérer une aide qui ne viendra jamais.
Se relevant péniblement, il essuya la saleté apparente sur ses vêtements et fouilla ses poches, espérant y retrouver un quelconque reste du fastfood de la veille. Il ne trouva que du vide et décida donc de faire un petit détour dans le café du coin, histoire d’avoir l’estomac rempli avant d’aller rendre le « service » qu’il devait à un « pote ».

Il sortit de sa poche une liasse de billets, obtenus de l’avant-veille après une journée particulièrement fleurissante pour le genre d’affaires qu’il réglait. Avec cet argent, il aurait largement pû s’acheter toutes les pâtisseries présentes mais il se contenta pourtant d’un café et d’un pain à la cannelle. Laissant la monnaie au vendeur, il décida ensuite de prendre un raccourci pour ne pas se faire attendre de son « collègue » même si au fond, il n’avait aucune envie d’aller le rejoindre. Marchant ainsi le long des ruelles sombres qu’il avait l’habitude de fréquenter, il ne fût pas étonné de n’y croiser que des chats et l’ombre des choses qui s’y déroulaient la nuit. Si on observait bien, on pouvait remarquer ici une trace de pneu de scooter, ou alors un pavé à moitié sorti du sol. Derrière une poubelle, une batte de baseball abandonnée. Quelques gouttes de sang ayant coulées sur l’un des barreaux. Le genre de détails que la plupart des gens ne souhaitent pas voir mais qui sautent aux yeux une fois qu’on en connaît l’existence. Hero faisait partie de la seconde catégorie.

Son flot de pensées aurait pu continuer ainsi pendant des heures s’il n’avait pas vu un carquois projeté à ses pieds. Quelques secondes passèrent, des bruits sourds retentirent de la ruelle adjacente à la sienne. Il s’était stoppé et avait tendu l’oreille, essayant d’évaluer combien de personnes pouvaient provoquer un tel vacarme. L’arc lui avait semblé familier sur le coup mais il n’y avait pas porté vraiment beaucoup d’attention, préférant se concentrer sur ce qu’il entendait.

« Mignonne et rebelle ! Voilà qui est intéressant ! »

Et alors, sans réfléchir davantage, Hero fit un pas en avant et tomba enfin sur la scène à laquelle il assistait auditivement parlant depuis quelques minutes. Avec son petit café et sa pâtisserie, il semblait un peu faire tâche – et c’est ce que dût penser l’un des types car il lui envoya son poing dans le nez.
Le coup marcha comme un détenteur chez le demi-dieu. Celui-ci se crispa et, s’apprêtant à lui demander pour qui il travaillait (histoire de voir s’ils étaient ennemis ou collègues), se stoppa brusquement en voyant enfin la jeune fille plaquée au mur.

Enfin. Jeune fille était beaucoup trop impersonnelle. Hero reconnut aussitôt sa meilleure amie, la première personne qu’il ne souhaiterait pas retrouver dans une situation comme ça. Hors, elle était là, dans un sale état, et ces types en étaient sûrement à l’origine.

Il laissa tomber son petit-déjeuner et envoya son poing dans la mêlée. Il n’avait pas peur d’être défavorisé par leur nombre – car il ne l’était pas. Contrairement à eux, il était un demi-dieu. Contrairement à eux, il avait des dons. Contrairement à eux, il savait se battre contre plusieurs et par-dessus tout, il savait comment se servir de sa colère pour en faire une force. Enfin, contrairement à eux, il avait une meilleure amie qui avait clairement besoin que l’on se venge de ceux qui l’avaient mis dans un état pas possible. Alors, il les roua de coups, qu’importe ce qu’il pouvait toucher ou casser, jusqu’à ce qu’ils soient tous au sol. Lui-même s’en était mangé quelques-unes, mais le fait qu’il était le dernier debout signifiait clairement qui avait gagné. Mais ce n’était pas le temps de se soucier de cette victoire, il y avait des choses beaucoup plus importantes dont il devait s’occuper.
Il se précipita vers Sophie et posa ses deux mains sur ses épaules.

« Sophie ! Qu’est-ce que tu fous là ? Ils ne t’ont pas fait trop de mal ? Tu veux qu’on aille à l’hôpital ? Non, allons à l’hôpital. Je t’y emmène. »

Il aurait bien aimé lui offrir le reste de son donut mais celui-ci avait tellement été piétiné par terre qu’il ne valait mieux pas essayer d’y toucher. Alors il se résolut à l’idée de l’emmener à l’hôpital et de lui offrir une soupe froide une fois là-bas.


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Hero essuya d'un geste distrait le sang coulant de son nez avant de rattraper juste à temps Sophie quand celle-ci s'effondra sur lui.

« Hero... Ca va... ce n'est pas grave, je...»

Il passa maladroitement un bras autour de ses épaules, ne sachant pas vraiment comment réagir face à ses larmes. Il avait appris un tas de choses, mais pas comment consoler une fille qui vient de se faire agresser et qui pleure... Et là tout de suite, il regrettait fortement de ne pas savoir comment s'y prendre avec les filles en détresse. Espérant la réconforter, il lui tapota maladroitement le dos et caressa ses cheveux de son autre main.

« Ne me prends pas pour un crétin, je vois bien que c'est grave ! Je... Ecoute, dès que je t'aurais conduit en lieu sûr, je retournerai m'occuper de ces pauvres types et je leur ferai payer l'idée d'avoir voulu te faire du mal. Cela te va ? »

Il eut une légère grimace, l'air de dire « s'il-te-plaît, arrête de pleurer, je sais pas comment réagir » avant de se reprendre. Il passa donc son bras sur les épaules de Sophie, avant de saisir délicatement le sien pour le passer autour de ses propres épaules, de sorte à ce qu'elle puisse marcher en s'appuyant sur lui. Il espérait ainsi éviter le plus possible la douleur qu'elle semblait avoir au niveau de ses jambes.

«On va d'abord bouger de là et te conduire à l'hôpital. Je vais t'acheter de la soupe, ça te fera du bien. Quand tu seras dans un meilleur état, tu me raconteras ce que tu fous ici... »

Il se mordit la lèvre, hésitant visiblement à rajouter quelque chose, mais se raisonna juste à temps pour éviter de rajouter ce qu'il considérait comme une connerie. Pendant quelques instants, il évalua la distance qui les séparait de l'hôpital le plus proche, mais elle n'était pas si longue que ça. À pied, ils n'en auraient même pas pour un quart d'heure... Mais il se souciait de l'état de Sophie et il voulait lui épargner le plus de douleur possible, or, marcher semblait être compliqué pour elle.

« Sophie... Sèche tes larmes, s'il-te-plaît. Ça me rend furieux de te voir pleurer sans pouvoir rien arranger. »

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Mais Sophie n’était pas comme Hero, elle savait comment régler les conflits autrement que par la violence, elle savait parler avec autre chose que ses poings.

« Non, oublie ces types ! Ça ne sert à rien de leur donner une leçon. »

Il fit la moue, n’étant pas vraiment du même avis qu’elle, mais la voir secouée de sanglots le dissuada immédiatement d’argumenter en faveur de l’idée d’aller leur casser les dents. Il pinça les lèvres, passa d’un pied à l’autre tandis qu’elle séchait ses larmes, se reculant légèrement.

« Inutile d’aller à l’hôpital, Hero. Une fois avec les filles, elles me donneront un peu d’ambroisie et j’irai mieux. Ca va aller. Merci beaucoup. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. »

Hero ne connaissait pas vraiment pas la Chasse, mais à part Sophie, il n’appréciait pas du tout les Chasseresses et ne leur faisait pas confiance. Il ne savait pas ce qu’elles feraient de Sophie… Il ne savait même pas si elles avaient la moindre notion de médecine ou de psychologie afin de la soutenir après cette agression. L’idée même de la laisser avec ces inconnues lui semblait envisageable.

« Je ne sais pas si l’ambroisie suffira… Ecoute Sophie, je ne vais pas te laisser toute seule après ça… Tu veux vraiment pas de soupe ? Je peux t’acheter du café, si tu préfères, ou une pâtisserie, tout ce que tu veux. Mais je sais pas, je sais pas si ça va aller, je veux dire, ces mecs sont de vrais enfoirés. Comment ont-ils pu te faire ça… Comment j’ai pu les laisser te faire ça… »

Il passa une main sur son visage, trahissant sa colère et sa frustration. Puis, il vit ses jambes trembler et la tira brusquement vers elle pour la soutenir à nouveau.

« Tu tiens à peine debout. Tu veux vraiment me faire croire que ça va aller ? »

Sophie lui fit remarquer.

« De toute façon, tu leur as déjà cassé la figure ! »

Ce qui, en soit, n’était pas faux. Mais si Hero suivait son instinct, ce ne serait pas quelques bleus et os brisés qu’il aurait laissé sur son passage mais bien des litres de sang. Néanmoins, il se renfrogna en croisant les bras, l’air de se raviser à l’idée de venger une nouvelle fois sa meilleure amie.

« Tu sais que tu fais un peu papa poule, là ? »

Elle avait dit ça pour le taquiner, mais les joues du fils d’Eris se colorèrent et il détourna le regard, fixant soudainement avec intérêt l’une des irrégularités du sol.

« Non, c’est une réaction normale… 'Fin… Je me fais déjà assez de souci pour toi quand tu es avec la Chasse alors là, te voir dans cet état… »

Elle le rassura alors, lui parlant de ses amies Chasseresses tandis qu’il continuait de maugréer à voix basse, comme il en avait l’habitude. Certes, Sophie était sûrement l’une des personnes les plus fortes qu’il connaissait, mais il se comportait toujours de cette façon avec les personnes qu’il aimait le plus – c’était d’ailleurs ce qu’on lui reprochait le plus, ce côté collant et inquiet. Sophie, pour le rassurer, lui donna un bisou sur la joue et lui fit ensuite un clin d’œil.

« Avoue tout, en fait, c’est juste que tu as envie de boire un verre avec moi, c’est ça ? Tu n’as qu’à le dire, tu sais ! »

Bien sûr qu’il aurait apprécié boire un verre avec elle si la situation était autre ! Il rit un peu avec elle, sentant bien que Sophie se remettait petit à petit de ses émotions en faisant ce genre de taquineries.

« C’est pas totalement faux, j’avoue, mais tu es sûre que ça va aller ? S’il t’arrivait quoique ce soit, je m’en voudrais à mort. Et je suis sûr que si Artémis apprenait que tu restais avec moi au lieu de rejoindre la Chasse pour te soigner, elle me transformerait en rat. Elle me déteste vraiment ! »