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Filiorum ex Deorum
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Sujet: the end of the innocence + sora Dim 22 Oct - 17:56
Cela fait des jours que Neven aide à reconstruire la Colonie du mieux qu’elle peut, allant de chantier en chantier pour proposer ses services : élever une poutre un peu trop lourde, remplir les bouteilles d’eau, soutenir un mur… Qu’importe si son corps, jamais habitué à travailler autant, hurle de douleur à la fin de chaque journée. Qu’importe si elle se tue à la tâche en voulant en faire plus que ce dont elle est réellement capable. Tout ce qu’elle veut c’est aider, réparer tous ces dégâts laissés par la dernière attaque. Pire encore, après son altercation avec Léo, elle veut s’assurer que chaque demi-dieu se sente à sa place et n’ait rien qui pèse sur le cœur. Alors quand elle n’est pas à aider à la reconstruction, elle passe des heures à l’infirmerie ou au réfectoire à discuter avec ces adolescents qui n’ont jamais souhaité rien d’autre que d’avoir une vie normale.
Et c’est dur, oui c’est dur, parce qu’elle ne sait jamais si ses mots sont suffisants, si elle est capable de rassurer tout le monde. Elle vit avec la hantise de refaire la même erreur qu’avec Léo, de laisser passer le mot de trop qui ruinerait tout. Il y a cette responsabilité sur ses épaules doublée du poids de la culpabilité : coupable de ne pas avoir réussi à sauver tout le monde. Combien de demi-dieux se sont-ils détournés de la Colonie par faute d’inattention ? Combien de demi-dieux aurait-elle pu aider si elle avait été plus attentive ? Ces questions la tiennent éveillée la nuit, quand elle n’est pas occupée à vouloir proposer son aide à tout prix. Pas de repos pour son âme.
« Neven ? » Cela fait cinq heures qu’elle est éveillée, trois heures qu’elle n’a touché ni nectar ni ambroisie, trop concentrée sur la reconstruction de l’armurerie. Un jeune demi-dieu se tient derrière elle, un peu embarrassé, comme s’il devait ne pas être là. D’un murmure quasiment inaudible il l’informe : « Sora se trouve à la Grande Maison. » Il n’a pas besoin d’en dire plus. Neven lâche le marteau qui se trouvait dans sa main, comme pétrifiée. Il y a quelque chose qui se rallume dans son regard, une étincelle éteinte depuis bien longtemps pourtant, comme écrasée par l’accumulation des derniers évènements. Sans un mot, pas même un remerciement, elle file en direction de la Grande Maison. Il n’y a qu’un nom qui raisonne dans sa tête : Sora.
« Je vois pas de quoi tu parles. » Ce sont deux fils d’Arès baraqués qui lui font face, à l’entrée de l’infirmerie. D’habitude chaleureux avec la nymphe, ils sont aujourd’hui impassibles, comme s’ils cachaient quelque chose… Mais Neven ne veut pas savoir ce qui se trame, elle n’a que le visage de sa fille en tête, son nom sur ses lèvres, elle ne veut rien entendre d’autre que sa voix et enfin caresser ses cheveux comme elle le faisait avant, il y a bien longtemps. « Laissez-moi la voir. » Pourquoi ne pourrait-elle pas la voir ? Voilà bien longtemps que Sora a quitté la Colonie, sans que Neven ne sache où elle est allée depuis. Mais à présent elle est là, dans ce lieu où est née leur relation, avec entre elles ce simple mur. Si elle est à l’infirmerie, cela signifierait-elle qu’elle est blessée ? Elle a besoin de Neven, ou plutôt Neven a besoin d’elle, désespérément besoin d’elle comme d’un point d’attache pour éviter de sombrer avec tout ce qui lui est tombée dessus dernièrement.
Et y’a un truc dans son regard qui craque, qui se détraque suffisamment pour faire comprendre aux deux sangs mêlés la nécessité quasiment vitale pour elle de voir sa fille. Alors, après un bref échange de regard, ils s’écartent et la laissent passer dans cette partie quasiment oubliée de l’infirmerie, la quarantaine.
« Sora… » Elle n’a pas besoin d’en dire plus. Tout son corps craque sous l’épuisement de ces dernières semaines et elle tombe à genoux sur sa fille, malgré sa promesse de toujours paraître forte devant elle. Mais c’est trop dur de garder ce masque, pas après tout ce qui s’est passé, pas après tout ce qu’elle a dû endurer. Retrouver sa fille en ces lieux si mythiques est une délivrance après avoir traversé cet océan de douleur.
« Que t’est-il arrivé ? Oh mes dieux… Sora… » Elle prend le visage de Sora entre ses mains, comme pour vérifier qu’elle est bien réelle, qu’elle est bien là et que tout ça n’est pas une machination pour lui faire encore plus mal. Ses yeux s’éternisent quelques instants sur les traces de coups qui ornent le visage de sa fille et une colère sourde gronde en elle, réclamant vengeance contre ceux qui auraient osé lever la main sur elle. Mais l’émotion du moment, encore plus forte, empêche son cœur de s’enfermer dans des tourbillons de haine. Bien plus fort, c’est son amour pour Sora qui ressurgit en torrent, noyant tout le reste. « Que fais-tu ici ? Comment ça se fait que tu ne sois pas avec les autres, au réfectoire ? » Demande-t-elle, presque trop naïvement.
Parce qu’elle ne sait pas, elle ne sait rien, elle ne se pose même pas les bonnes questions. Pourquoi la garder dans cette partie de l’infirmerie, pourquoi n’avoir informé personne de son retour, pourquoi la traiter comme une prisonnière, pourquoi garder sa présence secrète à la colonie. Si Neven réfléchissait un peu elle comprendrait, elle comprendrait très vite. Mais quand on est fou d’amour, on ne réfléchit pas. On ne veut pas réfléchir.
Invité
Sujet: Re: the end of the innocence + sora Jeu 26 Oct - 16:09
The end of the innocence
Neven et Sora
Je suis ... vidée. Je ne supporte plus cette endroit, je veux le quitter le plus rapidement possible. Sinon, je sens que je vais devenir folle. J'ai besoin de sentir le vent sur ma peau. J'ai besoin de courir à travers les champs à pleine vitesse. J'ai besoin de m'envoler dans les Cieux, si proches et pourtant si loin à la fois, cette maudite lucarne qui ne laisse passer que la lumière, je ne sais plus à quoi ressemble l'odeur des fleurs. Je voudrais pouvoir faire plusieurs pas dans ma cellule, je peux à peine à en faire 10 et dans mon malheur, je suis contente d'être petite parce que si j'étais une géante type Christopher, je suis presque sûre que je ne tiendrais pas entre ces quatre murs. Mais le pire, c'est qu'il n'y a rien à faire. Warren a parié la-dessus, le fait de me rendre folle. Il a bien réussi son coup l'enfoiré. Je ne peux pas le nier, je suis hyperactive, j'ai besoin de me défouler sur tout ce qui me tombe sur la main .... je n'ai que mon corps que je trouve absolument faible sans mes armes. Où sont mes épées jumelles que je puisse jouer à la toupie ? Où est mon katana invulnérable qui peut tout trancher ? Où sont mes shurikens couverts de poison ? Où Eden ? Ma chienne Lélaps, si seulement elle était là, l'attente serait un peu moins longue, elle est ma partenaire, elle ne me quitte jamais. Qui s'en occupe en ce moment, est-ce que je lui manque ?
Est-ce que je manque à la Résistance ? Adriane, Alice, Cassandre, Gemma, Leslie, Pandore, Matthew, Damon, Christopher, Cyril, Dante, Hero, Léo ... Et ceux que je ne connais pas. Fais-je partie de leur famille ? Oui, je suis un membre à part entière, je suis entièrement dévouée à notre cause car elle est juste, oui, elle l'est ?
Le suis-je ?
Depuis mes retrouvailles mouvementées avec Criostal, je ne suis plus sûre de rien, le doute s'est insinué en moi: invisible et lent mais inévitable. Est-ce que tout ce que j'ai fait jusqu'à maintenant sont justes ? J'ai tué un nombre incalculable de gens, j'ai torturé les gens par pur sadisme. C'est ça le revers de la médaille ? Les remords qui vont me manger jusqu'à ce qu'il ne reste de moi qu'une coquille vide ? Je ne sais pas, j'étais sûre que ce que je faisais était pour notre cause. Mais vouloir le mal et terroriser les gens, ça ne fait pas de nous des saints, nous sommes des envahisseurs, des barbares. Je suis résolument contre les dieux, je les hais plus qu'il est possible de l'imaginer mais maintenant, je me sens en parfait désaccord avec la Résistance, j'ai l'impression que nous ne sommes plus que de la fureur et de la terreur, où sont passées nos résolutions ? Où sont nos rêves de paix ? Il n'y a que de sang ? Que de la mort ?
Nous nous sommes laissés emporter dans cette guerre, c'est tellement facile de tuer, je sais exactement où viser pour trancher la carotide mais je suis parfaitement incapable de parler librement, je ne vois plus que des cibles potentiels que je me dois d'éliminer, je n'ai plus la sensation d'être vraiment humaine. Même mon ombre change, je ne vois plus les contours d'une humaine, je ne vois qu'un être décharné. Moi qui recherchais la puissance, je l'ai trouvée, mais maintenant, je suis un démon. Je n'ai plus d'âme. Je voudrais pleurer sur mon sort mais à quoi bon ? Dans les Limbes, personne n'entend les prières ni les écoute, pourquoi le feraient-ils ? Si je suis en Enfer, c'est par ma faute. Moi qui avait pour objectif de remonter la pente pour conquérir l'Olympe, je me rends compte que je me suis enfoncée dans le Tartare, je ne voyais plus la lumière, maintenant, je ne vois que le néant.
Dans cette cellule affreuse, je me sens si seule et mon corps me fait mal, jusqu'à où ma fierté m'emmènera ? Jusqu'où mes convictions me porteront-elles ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Je voudrais hurler que tout cela s'arrête, mais pourquoi ? J'ai déclenché ce qui se passe, j'ai voulu devenir libre et maintenant, voilà le résultat, je suis seule et le pire de tout, je suis misérable. Où sont mes rêves de grandeur ? Je suis dans une prison et mes côtes me font souffrir le martyre, je me replis sur moi-même, je voudrais savoir à quel moment j'ai basculé. Je me souviens des moments passés avec Maman, j'étais heureuse avec elle, pourquoi est-ce que je suis partie, elle m'aimait plus que n'importe qui dans ce triste monde. Elle a vu des centaines de demi-dieux mourir, mais eux sont morts avec les honneurs. Moi je serai la première qu'elle verra sur le billot, après tout, je suis une traîtresse doublée d'une meurtrière. Vont-ils me trancher la tête ou m'écarteler ? Je ne sais pas. Il est peut-être temps que je me résoudre à mourir, ce sera mieux pour tout le monde.
Et puis, je retrouverai Clayton.
Le monde me paraît si noir sans lui, il est mort peu de temps après le mariage, je n'ai pas eu le temps de savourer le blanc que j'ai dû mettre du noir. Je suis tombée amoureuse du premier inconnu, c'est vrai, on s'est précipité, peut-être qu'il n'était pas le bon, mais on n'avait pas le droit de me l'arracher, je l'aimais vraiment. Mais je dois faire avec, j'ai l'habitude de porter le deuil, je suis une demi-déesse, la Mort ne quitte jamais mes pas, finalement, c'est elle mon partenaire car elle est toujours avec moi, elle est là quand je dois affronter le Destin qui a décidé que j'allais méchamment morfler pour l'avoir insulté.
« Sora… »
Je lève la tête difficilement, j'ai si mal partout, qui me parle ? Qui est cette personne ?
« Que t’est-il arrivé ? Oh mes dieux… Sora… »
J'essaie de voir qui c'est mes yeux me font mal, j'ai l'impression qu'on m'a injecté de l'acide dans la rétine, je n'arrive pas à reconnaître cette voix si belle, si céleste, je ne connais plus que les voix râpeuses qui me hurlent dessus, je ne vois que les harpies, je ne vois que la lave et la destruction, je suis perdue dans les limbes qui sont prêtent à m'engloutir, je n'ai pas envie de leur résister, je ne manque à personne ... sauf à cette personne qui pose ses mains sur mon visage tuméfié, et le déclic.
Je reconnais ses mains, son parfum, sa douceur, sa respiration lente, la couleur de ses yeux, sa voix plus belle que le soleil. J'essaie d'ouvrir les yeux et je manque un battement de coeur.
Maman.
Pourquoi est-ce qu'elle est là ? Pourquoi se trouve t-elle en Enfers ? Elle est si pure, elle ne peut pas aller en bas, elle est destinée au Ciel, pourquoi est-ce que tu es là ? Non, c'est forcément un rêve.
« Que fais-tu ici ? Comment ça se fait que tu ne sois pas avec les autres, au réfectoire ? »
"C'est un rêve, tu ne peux pas être là, sinon ..."
Ma voix se bloque dans ma gorge, je voudrais me dégager de son étreinte mais je peux à peine me lever, je suis aussi faible que le jour où je l'ai rencontrée, je serais toujours faible face à elle. Ma gorge me fais mal, je me détourne d'elle pour cracher un glaire de sang, il m'empêchait de parler, ce con.
"S'ils ont envoyé une image de toi, ça veut dire qu'ils vont bientôt m’exécuter, Warren en a mis du temps, j'en ai assez de cette mascarade, je veux que tout cela cesse."
Je sens que des larmes coulent sur mes joues, je ne peux les retenir, à quoi bon avoir de l'honneur dans la mort, vu qu'à la fin, on meurt tous. Je n'ai pas su en avoir dans la vie, je ne peux pas en avoir pour les derniers moments de mon existence.
"Je veux mourir, j'ai échoué, j'ai tellement voulu changer les choses que je ne me suis pas rendue compte que j'étais devenue un monstre."
Mes propos sont incohérents mais à quoi parler correctement ? Neven ne peut pas être là, Warren l'aurait empêchée de venir me voir, personne ne doit savoir que je suis là, je dois rester là, cachée de tous pour le bon plaisir du nouveau chef. Mais pourquoi m'envoyer l'image de ma mère ? C'est pour que je trouve un peu de réconfort ? On ne fait que ça que lorsqu'on va mourir, je ferme les yeux.
"Je voulais vivre."
Code by Sleepy
Invité
Sujet: Re: the end of the innocence + sora Dim 19 Nov - 19:58
Il y a quelque chose de douloureux dans le spectacle qu’offre son regard à Neven. C’est presque comme si elle ne reconnaissait pas Sora, la Sora telle qu’elle la connaissait quand celle-ci a quitté la Colonie, la Sora souriante qui s’amusait à créer des nuages presque innocemment. Sous les bleus et marques qui diabolisent son visage il y a un air plus dur, plus sauvage, des vestiges des épreuves qu’elle a dû traverser une fois la Colonie quittée. Neven tâtonne dans le noir, passant et repassant ses mains sur la peau abîmée de sa fille, essayant de faire disparaître ces cicatrices et ces coups qui se répercutent sur elle comme si c’était son corps qui les avait subis. N’est-ce pas le rôle d’une mère d’endurer les coups à la place de sa fille ? Elle aurait aimé prendre cette douleur et l’endurer à sa place, juste pour pouvoir Sora sourire ne serait-ce qu’un instant et retrouver sa fille qui lui a tant manqué.
Mais il n’y a pas de sourire, pas d’éclats de rire. Dans les conditions extrêmes de son séjour à l’infirmerie Sora a des airs de fantôme fou, si bien que Neven s’inquiète de ce qui a pu lui arriver, de ce traitement tout sauf humain que lui a réservé la Colonie. Dans ses yeux injectés de sang, dans la faiblesse de ses mouvements, ce n’est plus que l’ombre de sa fille. Neven n’a qu’une question suspendue à ses lèvres : que lui est-il arrivé ?
« C'est un rêve, tu ne peux pas être là, sinon ... » Bien sûr que si qu’elle est là, elle a envie de lui crier. Elle est là et tous ses problèmes sont réglés, tout va mieux maintenant qu’elle est là. Dans son dos elle la voit cracher un filet de sang et elle frissonne. L’image pure de Sora ne peut être confrontée au monde de la violence, elle ne peut pas le concevoir. Pourtant elle est bien obligée face à ce douloureux spectacle, et c’est d’autant plus difficile quand Sora semble prise d’un état de folie que Neven n’a jamais encore vu. « S'ils ont envoyé une image de toi, ça veut dire qu'ils vont bientôt m’exécuter, Warren en a mis du temps, j'en ai assez de cette mascarade, je veux que tout cela cesse. »
Mascarade ? L’exécuter ? Warren ? Mais de quoi parle-t-elle ? Neven prend son doux visage entre ses mains, essayant de la ramener à la réalité, de lui montrer qu’elle est bien plus qu’une image, mais c’est comme si Sora était perdue au-delà des limbes, bien plus loin que ce qu’elle ne puisse atteindre. Même quand des larmes s’écoulent sur ses joues, elles semblent contenir les éclats d’un autre monde, d’un univers bien plus sombre que ce que Neven pourrait admettre.
« Je veux mourir, j'ai échoué, j'ai tellement voulu changer les choses que je ne me suis pas rendue compte que j'étais devenue un monstre. » La nymphe passe ses bras autour de son corps qui lui paraît encore plus frêle que lorsqu’elle l’a quittée la dernière fois, essayant de rassurer comme elle peut sa fille si précieuse. « Je voulais vivre. »
Et soudainement elle se fige. Les pièces du puzzle s’emboîtent malgré elle, la vérité qu’elle refuse de voir. Peu importe. Elle balaie toutes ces histoires d’un revers de la main. Il n’y a que Sora, sa chère Sora qui compte, peu importe les histoires et les conflits. L’amour d’une mère est plus fort que tout.
« Tu n’es pas un monstre ma chérie, tu ne vas pas mourir. Je te promets qu’on te laissera vivre. » Lui chuchote-t-elle comme l’on chuchote à un bébé pour l’aider à trouver la paix après un cauchemar particulièrement effrayant. Sa voix se veut à la fois douce et rassurante, après tout, mériterait-elle vraiment son rôle de mère si elle n’arrivait pas à rassurer sa fille ? Caressant soigneusement son visage et ses cheveux, elle s’amuse à allumer le bout de ses doigts, brillant d’un faible éclat, comme elle le faisait au départ, quand Sora vivait encore à la Colonie loin de toutes ces histoires.
« Je ne laisserais personne te faire de mal Sora. Personne ne t’exécutera. Il faudra me passer sur le corps pour ne toucher ne serait-ce qu’un seul de tes cheveux. » Elle lui adresse un doux sourire, les yeux encore rouges des larmes de joie qui avaient suivi leurs retrouvailles. Mais des retrouvailles dans quelle sorte de conditions ? Beaucoup de questions ne trouvaient pas leur réponse – ou du moins, pas la réponse que Neven aurait préféré entendre.
Mais face à Sora et ses larmes, Sora et sa faiblesse, Sora et ses paroles qui n’ont aucun sens, ces questions pourront attendre. À l’instant précis tout ce que désire la nymphe c’est effacer cette expression de désespoir du visage de sa fille chérie, chasser toutes les ombres qui semblent la tourmenter et la regarder dormir paisiblement, dans un sommeil sans cauchemars. Il n’y a qu’elle qui compte, elle et rien d’autre.
Ce n’est pas dans cette pièce que tous ces problèmes se régleront. La quarantaine, mais qui a eu cette idée horrible ? A l’écart de tout, la pièce a des allures de prison, comme une sorte de punition. Et la présence des deux chiens de garde à l’entrée… Toute cette mise en scène ne doit pas aider Sora à se remettre des évènements. Neven la connait, elle sait qu’elle a besoin de bouger, de voler comme au bon vieux temps. Prenant ses mains délicates dans les siennes, elle se redresse sur ses jambes.
« On va commencer par sortir d’ici, d’accord ? Que dirais-tu qu’on aille marcher un peu dans la forêt, après que tu aies repris un peu de force au réfectoire ? » Lui propose-t-elle, pleine de bienveillance. Le puzzle est renversé. Elle continue de s’aveugler jusqu’au bout, refusant de voir ce qui est pourtant devenu évident.
Invité
Sujet: Re: the end of the innocence + sora Dim 21 Jan - 16:41
The end of the innocence
Neven et Sora
« Tu n’es pas un monstre ma chérie, tu ne vas pas mourir. Je te promets qu’on te laissera vivre. »
Elle me caresse les cheveux. Comme avant, quand je faisais d'horribles cauchemars la nuit, ils étaient si nombreux, ils venaient par vagues, de véritables tsunamis qui m'arrachaient des fragments de mon âme, mes pleurs n'arrivaient pas à calmer mon esprit en lambeaux, je ne voyais que la destruction du monde. Mon monde. La petite fille timide de Floride qui rêvait de retourner dans le pays de ses ancêtres pour vivre leurs aventures et leurs histoires. Revêtir leurs armures couvertes de poussières et sortir les katanas de leurs fourreaux pour frapper des mannequins en bois. J'avais des ancêtres qui avaient marqué tellement fort la terre qu'on avait inscrit leur nom dans le Ciel.
Leur histoire n'était qu'un mythe, un superbe mythe, tellement loin de la réalité, après tout, qui affronterait des monstres sanguinaires si ce n'est les héros de contes ?
Mais la réalité et les mythes ont fusionné, ce qui aurait dû être un superbe songe, avec un ciel qui est toujours visible s'est transformé en une pluie de sang, ruisselant sur mon visage d'enfant, ne me laissant l'odeur de la mort dans le nez à la place de celles des fleurs. Mes mains couvertes d'entrailles pourrissantes sans que je puisse jamais m'en débarrasser.
Neven avait mis fin à cette souffrance, avec des mots, car les mots étaient plus forts que tout, tu pouvais peut-être trancher un être en deux, mais si cette personne avait fait un dernier discours, à de ceux qui traverse les âges, alors tu te retrouvais devant le fait que c'était toi la victime. Et sans que jamais tu puisses enlever le son de cette voix accusatrice, résonnant sans arrêt, comme un écho sans fin et qui ne trouve aucune barrière pour l'arrêter. Un bruit murmure qui patiemment, te détruit, sans aucunes traces, un cancer incurable.
« Je ne laisserais personne te faire de mal Sora. Personne ne t’exécutera. Il faudra me passer sur le corps pour ne toucher ne serait-ce qu’un seul de tes cheveux. »
Elle me sourit, un sourire résolu, un sourire qu'on toutes les mères quand elles doivent protéger leurs petits. Je lui touche le visage, maladroitement.
Depuis que je suis arrivée à la Colonie, il y a si longtemps que j'ai du mal à me souvenir, mais j'étais petite, tellement jeune ! Arrachée à l'enfance avec tellement de violence que je ne me souviens plus de ce que cela veut dire d'être insouciant. Moi qui avait rêvé des héros, tellement fort que j'en avais prié le ciel tout puissant. Je me suis retrouvée dans leur monde: froid et horrible. Où la moindre étincelle de bonheur est toujours sauvagement englouti par les ténèbres. Comment sauver le monde quand toi-même est en peine ? Pourquoi les héros étaient des humanistes, qui ne pensaient jamais à eux ? Comment les suivre dans leur exemple quand tu as juste envie de te pisser dessus à cause de la terreur te tombe dessus.
La faiblesse.
J'ai toujours été un être faible, remplie de rêves et d'espoirs venant d'un autre monde, d'un autre temps. L'avenir radieux que je m'imaginais enfant a brûlé dans les flammes d'une haine si ancienne qu'en deviner l'origine serait tout simplement impossible.
Alors, devant cet effroyable constat qu'était ma vie, je me suis décidée à changer, j'ai voulu devenir forte, une guerrière implacable qui ne craint personne, surtout les moralisateurs. Je suis devenue une machine de guerre qui ne craignait plus les coups, créant cette carapace d'apparence si solide, polie par les combats et sans la moindre égratignure. Le problème, c'est qu'elle était capable d'encaisser les coups de l'extérieur, pas ce venant de l'intérieur, beaucoup plus destructeur, tellement plus que rien ne subsiste, juste le néant.
Et moi dans tout ça ? Une pauvre chose incapable de faire face à ses propres choix, où est passée la grande justicière qui voulait faire payer les dieux pour avoir oublier ses amis morts au combat ? Où est passée la guerrière qui ne voulait plus jamais perdre un seul combat ? Où est passée la jeune fille qui voulait passer son temps à rêver ? Il n'y a rien. Plus rien, à part un être brisé.
Elle m'enlève mes mains de son visage pour les prendre dans les siennes. Quel âge a-t-elle ? Combien d'êtres comme moi a-t-elle vu passer ? Des milliers ? Et à chaque fois, la même peine et la même déception ? Répéter toujours le même schéma sans aucunes variantes, il faut juste qu'elle souffre un peu plus à chaque fois. Alors pourquoi est-elle debout ? Comment fait-elle pour supporter ces fardeaux de conscience ?
« On va commencer par sortir d’ici, d’accord ? Que dirais-tu qu’on aille marcher un peu dans la forêt, après que tu aies repris un peu de force au réfectoire ? »
Je hoche la tête, les mots se bloquent dans ma gorge, des bulles qui commencent à m'empêcher de respirer, cette douleur sourde qui s'enfonce profondément sur mes cotes ? Je la suis par la main, baissant la tête. Moi qui avait toujours été un humain empli de fierté n'est plus que l'ombre de moi-même, la honte m'a drapée de son long manteau sans que jamais, je ne puisse le retirer, le prix de mes actes ? Non, ce n'est pas assez. La véritable sentence va me tomber dessus. Et elle sera tellement violente que je ne pourrais plus jamais me lever, je serais obligée de regarder la terre, la pire sentence pour les êtres aériens. Ne plus jamais pouvoir regarder le ciel sous peine de se voir arracher les yeux, ne laissant que des orbites creuses et ensanglantées.
Nous arrivons dans la forêt. Comme j'aimerais m'enfuir, ne plus jamais revenir dans cet endroit maudit, empli de promesses qui jamais, ne seront accomplis. Enfant, on m'avait dit que ce qui faisait un être humain, c'était sa capacité à respecter sa parole en toutes circonstances, sinon, tu n'étais rien, juste un être vil qui ne méritait que le mépris. Combien d'entre elles ai-je brisé ? Tellement que je refuse de compter, je regarde mes poings serraient contre mon ventre, si jamais je devais lever le regard, ce serait pour regarder le bourreau.
Et quel bourreau !
Je m'étais toujours imaginée un être encapuchonné, de tel façon qu'on ne puisse pas distinguer son visage, tenant une immense hache, un coup de cette arme pouvant rompre aisément les os comme si ce n'était que de l'air. Mais le bourreau se trouvant en face de moi a les cheveux roses, le regard doux et aimant. Les mains tremblantes, un parfum plus agréable que celui d'Aphrodite. Pour la première fois de ma vie, je me rends compte à quel point je l'aime. Je n'ai jamais aimé un être autant qu'elle, un amour tellement immense et pur que je n'aurais jamais pensé que moi, qui n'attire que les malheurs et les ténèbres aie pu côtoyer un être aussi lumineux. Les contraires s'attirent et se complètent.
Mais malgré tout ça, je l'ai quittée et je l'ai trahi, sans le moindre remords. Je lui ai menti, sans que jamais je me sente mal. Pourquoi est-ce que je lui ai fait subir tout ça ?
Je lève enfin la tête, je me retiens de fondre en larmes, si je le faisais, je ne pourrais jamais lui dire la vérité. Car je le lui dois, moi, la personne la plus indigne qu'ait porté ce monde doit dire la vérité. Pourquoi ? Mourir dignement m'est impossible, mourir en paix aussi. Mais ma mère y a le droit.
"Tu es la seule vraie mère que je n'ai jamais vraiment eu, Neven."
Cette vérité, en apparence si facile à dire, fait couler les larmes, je ne lui ai jamais dit "Je t'aime", je l'ai toujours traité comme une mère adoptive, un être avec qui il n'y aurait jamais un vrai lien mère/fille, qu'elle idiote j'ai été !
"Je t'aime tellement, et pourtant, je t'ai fait souffrir plus que quiconque."
Ma poitrine se soulève, retenant avec peine mes larmes, je continue dans un filet de voix suffisamment clair pour qu'elle puisse m'entendre.
"Je fais partie de la Résistance."
Ma première pensée est que plus jamais je ne pourrais l'appeler Maman désormais.
Code by Sleepy
Invité
Sujet: Re: the end of the innocence + sora Sam 31 Mar - 23:25
Dehors la lune leur offre son maigre éclat de lumière, éclairant faiblement les arbres et projetant d’étranges ombres sur le sol. Tout le reste du monde est endormi. Il n’y a qu’elles et l’immensité du ciel au-dessus de leur tête. La nuit les enveloppe comme un voile maternelle les protégeant de tout le reste, du danger des derniers mois, des horreurs des dernières années. Il n’y a qu’elles et elles seules, le reste du monde n'est plus là. À la lueur des astres la peau de Neven scintille doucement, son corps répondant naturellement aux étoiles et au ciel qu’elle a quitté il y a bien, bien longtemps. Elle avance doucement, humant l’air chargé de mystères, ses pieds flottants légèrement au-dessus du sol, ses orteils caressant l’herbe grasse et les quelques gouttes de rosée déjà tombées. Le monde est figé en cet instant précis, à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Pas une seconde Neven n’imagine ce qui va lui être révélé.
Pourtant, elle aurait dû s’en douter. Tous les signes étaient là, sous ces yeux, envahissant chacun de ses sens comme si l’univers tout entier tentait de la sauver de ce qui allait causer sa perte. Dans les mots de Sora, dans ses regards, dans les circonstances de son enfermement, tout était là, à portée d’yeux, et pourtant elle n’avait rien voulu voir.
« Tu es la seule vraie mère que je n'ai jamais vraiment eu, Neven. »
La fin du monde commence.
« Je t'aime tellement, et pourtant, je t'ai fait souffrir plus que quiconque. »
Neven n’écoute pas la fin. Peut-être qu’elle l’entend, qu’importe, elle passe outre. Son visage se fend d’un sourire radieux, accentué par les éclats de la lune sur son visage, et elle avance vers Sora pour la prendre dans ses bras. C’est la première fois qu’elle lui dit je t’aime. C’est la première fois qu’elle ose prononcer ces mots à voix haute, devant elle, et c’est tellement inhabituel que cela devrait mettre la puce à l’oreille à Neven, mais non. Elle est bien trop enfoncée dans cette illusion de bonheur pour se douter de quoique ce soit. La chute n’en sera que plus douloureuse.
« Je fais partie de la Résistance. »
Juste devant Sora elle se fige. Le temps s’est à nouveau arrêté. Le monde est devenu glacial, effroyable ; il a perdu toutes ses couleurs et tous ses éclats, comme si l’on venait d’éteindre la lumière. Et au centre de ce spectacle désolant Neven, pétrifiée sur place.
Il lui faut un moment pour que les mots se révèlent à elle. Au départ ils flottent, vides de sens, sans qu’elle ne parvienne à saisir ce qu’ils signifient. Ce n’est pas qu’elle ne peut pas comprendre, c’est qu’elle ne veut pas. Elle s’obstine à vouloir garder cette image parfaite de Sora, ce parfait petit mensonge qui lui permet d’ignorer la vérité, cette si horrible vérité qui viendrait détruire l’univers tout entier si elle venait à être révélée. Elle ne veut pas admettre que sa fille est une meurtrière, une destructrice, une criminelle. Elle ne peut pas. Elle ne veut pas admettre que sa propre fille a pu mettre le feu au seul endroit qui ait jamais porté le nom de foyer pour elle.
Et pourtant c’est là. Une bombe dont les tic-tacs incessants ne lui rappellent que trop bien le peu de temps qu’il ne lui reste avant que tout ne s’effondre. La sentence de mort approche. Sa fin a comme visage celui de Sora, sa peau de lait et ses cheveux bruns, ses yeux autrefois grands ouverts qui aujourd’hui ne sont plus que les reflets de tant d’épreuves traversées, deux grands diamants fissurés par quelque chose d’infiniment plus dur, plus acéré que tout ce que l’on peut imaginer. C’est un ange qui, dans sa chute du ciel, a traversé plus d’orages que n’importe qui. Ses pieds sont à présent si sales qu’elle ne peut plus marcher. Ses ailes ont oublié depuis longtemps comment s’envoler. Alors elle se traîne, l’échine courbée sous le poids de la honte. C’est une Sora misérable qui lui donne le coup fatal.
La nymphe fait un pas en arrière. Puis un second. Pour la première fois dans toute la tragédie de son existence son visage exprime une véritable fatigue, trahissant les milliers d’années traversées sans ne s’être jamais un jour reposée. Les paroles de Sora ont provoqué en elle un incendie incontrôlable, détruisant tout sur son passage, ses os comme ses souvenirs, sa chair comme sa mémoire. Elle ne peut s’empêcher de se rappeler de chaque instant passé avec sa fille, de son arrivée à la colonie jusqu’à son départ, de chacune de ses tentatives pour parvenir à maîtriser ses pouvoirs, de chacun de ses rires emplissant l’espace et rendant la vie un peu plus supportable à tout ceux l’entendant, et tous ces morceaux d’amour et de bonheur sont fendus, déchirés, brûlés, détruits. Toute sa mémoire est mise à mort. Neven trébuche, tombe en arrière, ou plutôt s’effondre en même temps que tout son monde. Elle qui est restée debout si longtemps, même quand tout tournait autour d’elle ; elle qui a toujours tenu bon, pour elle et surtout pour les autres, elle perd finalement pied après avoir maintenu pendant si longtemps un masque de fer, prétendant que rien ne pouvait l’atteindre quand tout la transperçait déjà de toutes parts. Elle a toujours tenu bon jusqu’à maintenant.
Il a suffit de quelques mots pour que tout s'effondre.
C’est la plus grande des destructions et pourtant, elle ne fait pas un bruit. Seule, au sol, sa peau scintillant sous les éclats de la lune, elle admet enfin sa vraie image, son esprit écorché de milles cicatrices ayant tenu bon jusqu’à maintenant par un miracle inconnu. Vulnérable. Il suffit de regarder au fond de ses yeux pour comprendre que quelque chose s’est détraqué en elle. Pour la première fois de sa vie, quelque chose s’est brisé en elle et elle ne s’en remettra pas. Cela restera irréparable.
« Sora… »
Son nom a une consistance nouvelle, comme poisseux du sang qu’elle a dû faire couler en tant que résistante. Neven ne peut pas effacer cette image de sa tête quand bien même elle essaie. Comment un être si pur peut-il être aussi meurtrier ? Comment Sora, si douce, si innocente, a-t-elle pu se transformer en monstre ? Elle qui n’a jamais réussi à faire de mal à qui que ce soit, elle qui a toujours vu la beauté du monde quand bien même il lui avait fait tant de mal, elle qui ne rêvait que d’une chose, ressembler aux héros de ses récits, comment avait-elle pu changer autant ? Les deux images ne collent pas, sa douce fille incapable de faire le mal et les monstres violents et répugnants de la Résistance. Une chimère impensable, impossible.
« Tu fais partie de la Résistance. »
Et toute la violence qu’elle avait dû infliger aux autres, où avait-elle fini par aller ? Avait-elle empreint ses os, son squelette, son être tout entier ? S’était-elle réfugiée aux confins de son corps, là où personne ne saurait la trouver, pour être sûre de rester protégée jusqu’à pouvoir sortir et frapper impitoyablement une nouvelle fois ?
Neven a un haut-le-cœur, comme si tout son corps cherchait à rejeter ce qu’était devenue Sora pour elle. Peut-être que la vomir elle et tous les souvenirs associés rendra la chose moins douloureuse. Peut-être que ne plus du tout la connaître rendra la chose acceptable. Il faudrait qu’elle parvienne à vomir. Qu’elle vomisse à nouveau comme lorsqu’elle buvait trop d’alcool et qu’elle se retrouvait la tête dans la cuvette des toilettes, le monde tournant autour d’elle, recrachant les liquides or et vermeil qui la pourrissaient de l’intérieur. Il faudrait qu’elle vomisse à nouveau, qu’elle se vomisse elle-même, qu’elle vomisse son existence toute entière pour pouvoir ensuite tout recommencer à nouveau, vidée de ses crimes, lavée de ses pêchés. Alors peut-être trouverait-elle le courage de lever les yeux vers Sora et d’affronter sa plus grande erreur, son plus grand tourment, son plus grand échec. Peut-être trouverait-elle la volonté de renoncer à Sora et de mettre fin à tout ce qui les a un jour liées pour ne pas avoir à souffrir de cette révélation. Mais du courage, elle n’en a pas. Juste de la bile au fond de la gorge et le cœur au bord des lèvres.
« Comment as-tu… Pourquoi ? Pourquoi Sora, pourquoi ? Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi tu m’as fait ça ? » Pourquoi, c’est la question fatidique. Des larmes brûlantes envahissent ses yeux, projetant en miroir les débris de son âme. Elle voudrait comprendre pourquoi, elle voudrait que Sora lui donne une bonne raison, une raison valable, n’importe quoi qui justifie un tant soit peu ce couteau planté dans le cœur. Mais elle sait déjà qu’il n’existe aucune bonne raison à ça. Et elle a beau le savoir, elle n’arrive toujours pas à détester Sora pour ce qu’elle a fait. « Tu savais… Tu savais que j’étais là, à la Colonie, à m’occuper d’enfants comme toi, à essayer de les guider du mieux que je pouvais et de leur montrer qu’ils avaient une place dans ce monde. Tu sais comment était ma vie avant, tu sais quelles épreuves j’ai traversé avant d’arriver ici et cela ne t’a pas empêché de… » Cela ne l’a pas empêché de tout balayer et de rejoindre les rangs de l’ennemi, ne parvient-elle pas à dire.
« Tu crois que je n’ai pas détesté les dieux moi aussi, pour ce qu’ils m’ont fait ? Tu crois que je n’ai pas eu envie de leur faire payer ? Quand je me suis traînée à leurs pieds et que je les ai suppliés de m’aider, de me sortir de ma misère et qu’ils m’ont ri au nez… Quand ils m’ont dit que c’était tout ce que je méritais pour avoir désiré vivre comme une mortelle, ne penses-tu pas que je les haïs de tout mon être et que je me suis jurée de leur faire payer ? J’ai toutes les raisons pour leur en vouloir… Et pourtant… pourtant je ne cherche pas à les détruire... surtout pas en détruisant leurs enfants qui n’ont jamais rien demandé d’autre que de vivre paisiblement. Parce que c’est tellement plus grand que ça. Ce n’est pas seulement les dieux, c’est le monde qu’ils ont créé. Et c’est dans ce monde qu’on s’est rencontrées, Sora. Comment as-tu pu oublier ça ? »
Elle sanglote doucement, une main sur la bouche, incapable de recracher cet amour qui lui a à nouveau gâché la vie. Ça reste coincé là, entre les côtes, dans cet espace qui prendra toujours plus de place que son propre cœur. Elle a aimé Sora plus que quiconque dans cette vie. Elle lui a offert plus que tout ce qu’elle pouvait avoir. Elle lui a tout donné en espérant lui épargner les monstruosités qui ont causé sa propre perte, parce que si elle n’avait pas pu s’en tirer elle, elle pouvait toujours sauver Sora et lui offrir un monde sans monstres, sans horreurs, sans violence : lui offrir le monde qu’elle méritait. Et c’était ça le pire. Elle avait beau avoir fait tout ce qu’elle pouvait, pris toutes les bonnes décisions, dit tous les bons mots, fait tous les bons gestes ; cela n’avait pas suffi. Les ténèbres avaient quand même pris la seule part de lumière qui avait réussi à éclairer un tant soit peu la vie qu’elle avait écoulé. Les ténèbres avaient quand même pris Sora.
Un nouveau haut-le-cœur la secoue mais elle n’arrive toujours pas à se débarrasser de ce feu qui la ronge de l’intérieur. Ce n’est plus l’alcool qui lui brûle la trachée. C’est tout l’amour qu’elle a un jour porté pour Sora et qui s’est subitement transformé en le plus mortel des poisons. Elle qui n’a jamais expérimenté autre chose que la vitalité, de longs millénaires d’existence parfois plus subis que vécus, elle se demande si ce n’est pas là qu’elle va mourir aujourd’hui, effondrée, en morceaux, ruinée, aux pieds de celle qui a été la plus belle destruction de sa vie.
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Sujet: Re: the end of the innocence + sora Mer 20 Juin - 12:02
The end of the innocence
Nevn et Sora
Et le monde s’effondre, s’effrite tellement vite que je n’ai pas le temps de me rattraper à quelque chose, le sol se dérobe sous mes pieds et ma chute commence dans les Ténèbres les plus obscures que je n’ai jamais vu. Je me retiens de hurler de terreur, Ciel, que j’ai peur, si peur que je me retiens de me m’effondrer et de pleurer. Je voudrais hurler à l’aide, je voudrais crier le nom d’une personne, et que celle-ci arrive pour me secourir, m’attrapant la main pour me hisser de nouveau, mais ma main reste vide de toute chaleur et je vois le ciel de plus en plus loin. Chaque seconde loin de lui m’arrache mon âme, j’ai l’impression de perdre mon identité à chaque mètre qui me sépare de lui. Je me recouvre peu à peu d’une substance étrange à l’odeur métallique. Le sang s’enroule autour de moi comme une langue infernale. J’essaie en vain de débattre, je hurle à plein poumons, à m’en déchirer les tympans. Pourquoi une telle tragédie ?
Parce que je l’ai provoquée. J’ai vendu mon âme et corps aux dieux de la Damnation Eternelle, j’ai renié les miens, j’ai juré de faire couler leur sang pour me venger d’eux. Je les ai tellement haïes, pourquoi est-ce que je m’attendais à vivre une vie paisible ? J’ai voué mon existence à la destruction, pourquoi est-ce que je suis surprise de me voir souffrir ? Je me suis permise de détruire plusieurs existences semblables à la mienne. Et je me souviens d’un vieil adage « Tout se paie en ce bas monde ». J’ai commis les pires atrocités, en ayant un superbe sourire aux lèvres. Je me suis transformée en une véritable machine de guerre, semant la mort plus vite que mon ombre, faisant de moi un ange noir, dont les ailes ont commencé à pourrir, les plumes blanches ont commencé à devenir poisseuses de sang à force de se faire éclabousser. J’ai beau les essuyer avec l’eau la plus pure, la noirceur les a imprégnées. Les plumes s’envolent et laissent place à une armature écailleuse, couvertes de cicatrices.
Où est l’ange que j’étais ? Où est l’innocence que j’incarnais ? N’étais-je pas la créature la plus innocente qui soit ? N’étais-je pas une enfant de la paix ? N’étais pas un héros de l’Olympe ? N’étais-je pas un être nimbé de justice ? Que s’était-il passé ? Pourquoi est-ce que mes larmes n’ont pas cessé de couler depuis ce jour ? Pourquoi est-ce que j’essaie en vain de me souvenir de la Colonie alors que j’ai maudit cet endroit ? Pourquoi est-ce que j’essaie dans la douleur la plus extrême d’y retourner ? N’y a-t-il aucun moyen d’enrailler la machine ? Impossible de briser ce cycle de questions et de souffrance ? Je sais que c’est moi l’investigatrice de cette immonde et horreur absolue. Je sais que j’ai signé pour l’enfer en empruntant cette voie, j’ai même sauté à pied joint dedans. Je n’ai pas regretté ce choix jusqu’à aujourd’hui, j’ai balayé la morale depuis si longtemps que je ne me souviens plus à quoi cela sert.
Les Moires n’ont-elles pas pitié d’une enfant qui s’est égaré du droit chemin ? Pourquoi me faire vivre mille tourments en sachant que je ne pourrais plus supporter la faute de mon existence plus longtemps ? N’avais-je pas le droit à l’erreur ? N’avais-je pas le droit de me retourner, ne serait-ce qu’une fois ? Je suppose que si, j’avais mille occasions de me retourner mais je ne l’ai jamais fait. J’avais un tas de raison de le faire mais je ne l’ai pas fait. Pourquoi ? Parce que j’avais foi en ce que je croyais ? Que je pensais être dans le bon choix ? Celui qui fait de moi une personne plus légitime qu’une autre ? J’y ai cru, parce que je le pensais sincèrement, quitter le sentier battu parcouru par mes prédécesseurs depuis des siècles. Croire que l’Olympe est à l’origine de tous les maux. Ce que je crois encore, mais cette pensée vacille, comme une flamme au vent. Elle a perdu en ardeur avec l’accumulation des doutes et des massacres. Je me suis sentie si puissante quand j’ôtais la vie de la pointe de mes armes. Où est passé ce sentiment de grandeur ? Où passé la supériorité que je ressentais sur ma race ? Envolé dans la cendre, réduit en morceaux par mon sentiment grandissant de honte, toujours plus important. Cette part de moi que j’ai si longtemps réprimé, cette partie douce et innocente de moi-même que j’ai caché au plus profond de moi, car je la jugeais trop faible d’exister à été réprimé un temps. Subissant avec violence ma décadence. Subissant ma déchéance, faisant de moi un être sans âme. Mais elle a survécu, attendant son heure, de nouveau.
Comme une bête retrouvée enchaînée avec des liens trop serrés, déchirant la chair, faisant subir une douleur inouïe, si terrible qu’elle aurait dû arrêter de se débattre et attendre que la mort vienne la cueillir, que cet être encapuchonné avec une grande faux lui tende la main, que ce soit sa seule amie en ce bas monde, que la seule personne qui se soit souciée d’elle soit celle qui l’emmène vers un monde meilleur. Mais non, elle a attendu dans la tourmente, espérant, priant avec ses doigts décharnés qu’enfin, le monstre tapi en moi cesse de se débattre. Je souffre de cette bipolarité, cette innocence qui jamais, n’aurait dû disparaître et ce monstre de vengeance que je suis devenue. Une frontière marquée de mon sang et de mon âme en lambeaux. Je voudrais renier une de ces deux parties pour permettre à l’autre de s’épanouir, switchant entre les deux selon le moment et l’envie, sans ressentir les effets secondaires que cela entraîne. Mais face à ce piteux constat que je ne suis plus totalement les deux, je ne suis qu’un être qui n’a vécu qu’avec des sentiments extrêmes, je me retrouve en plein milieu. Je suis incapable d’avoir des sentiments neutres, je ne me sentirais plus vivante avec eux. Mais n’est-ce pas la solution ? Ne plus se sentir vivante ? Ne plus à avoir et à subir les épreuves dans la douleur ? Laisser les marques et les affres du temps passer sur moi comme si c’était de l’eau de pluie ? Ne plus ressentir le désir, l’amour, la rage. M’écarter de ce qui a toujours fait mon identité ?
Arrêter d’être une égoïste.
Affronter une bonne fois pour toute mes erreurs et affronter la destruction que j’ai provoqué, sans jamais renier ce que j’ai fait. Ne plus être par terre à pleurnicher et à supplier pour qu’on me laisse en vie, non. Je n’ai plus le droit à la pitié, tout simplement parce que je ne crois plus que la pitié puisse exister dans mon monde. Affronter le regard de mon ancienne mère qui subit la nouvelle avec une telle violence que je voudrais qu’elle me répudie sur le champ, qu’elle me lacère sans la moindre considération. Je veux qu’elle m’arrache ce cœur pourrit qui palpite dans ma poitrine. Je veux subir son courroux sans jamais détourner la tête, ce que j’ai commis …. Demande une peine capitale.
« Comment as-tu… Pourquoi ? Pourquoi Sora, pourquoi ? Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi tu m’as fait ça ? »
Les larmes commencent à inonder son visage, je voudrais m’approcher d’elle pour les essuyer, lui chuchoter des mots de réconfort dans cette tourmente qui est la nôtre. Lui dire que j’ai changé, que je regrette profondément mon geste, que je ne mérite pas son pardon, que je suis prête à accepter la sentence qu’elle prononcera. Mais Neven n’est plus le juge de ma vie, elle est mon bourreau, et derrière son incompréhension et son immense tristesse, je peux presque apercevoir la lame de son épée qui va me transpercer. Je me souviens de ce qu’elle me dit un jour, les mots sont plus violents, plus meurtrières que toutes les lames réunies. Les siens me découperont et enfin, mon âme quittera ce corps si sale, si corrompu pour espérer à ne plus jamais à se réincarner. Rester caché dans les tréfonds des enfers, demandant à ce que plus jamais, elle puisse voir la folie des hommes.
« Tu savais… Tu savais que j’étais là, à la Colonie, à m’occuper d’enfants comme toi, à essayer de les guider du mieux que je pouvais et de leur montrer qu’ils avaient une place dans ce monde. Tu sais comment était ma vie avant, tu sais quelles épreuves j’ai traversé avant d’arriver ici et cela ne t’a pas empêché de… »
Un silence se suit, il est court, terriblement court et pourtant, j’ai l’impression qu’il dure une éternité. Je sens les larmes monter à mes yeux, mais je les chasse, je n’ai plus le droit de pleurer. Je n’ai pas le droit de compatir, cela est réservé aux êtres innocents qui n’ont rien fait de mal. Je n’ai pas le droit de ressentir des émotions aussi pures, je ne voudrais pas les salir, les pourrir comme j’ai pulvérisé l’innocence. Non, je n’ai le droit que de subir. Subir la cruelle déception qui commence à se peindre sur le doux visage de l’Ouranie. Plus que la rage, la douleur, la tristesse, la déception est sûrement le pire sentiment auquel je dois faire face. Ce sentiment de la décevoir au-delà de tout ce qui est possible … j’ai envie de me terrer dans un trou et ne plus jamais en sortir. Je voudrais tellement faire machine arrière, ne pas à avoir à tuer ce pauvre satyre qui a voulu me sauver de la folie. Ne pas franchir, les larmes aux yeux la frontière de la Colonie. Mais j’ai été obsédé par la voix des morts, ils m’ont hanté pendant tellement de nuits que j’ai fini par céder. Me soulevant avec eux, dans cette horrible agonie qui a été la leur, je me suis soulevée pour qu’enfin, on les reconnaisse et surtout, pour qu’on ne les oublie pas. Mais je les ai oubliés moi aussi, j’ai tellement adoré me plonger corps et âme dans cette spirale de terreur et de meurtres que je n’ai pas eu envie que ça s’arrête. C’était si grisant de détruire les autres, cela me permettait d’oublier que j’étais moi-même une âme en perdition. Mais on ne peut pas se leurrer aussi longtemps sans à avoir à assumer les conséquences. J’ai été à deux doigts de massacrer ma meilleure amie juste pour mon bon plaisir. Oui, j’ai eu envie de la tuer, de lui arracher les os avec mes doigts, en poussant des rires hystériques. Mais Criostal a utilisé une arme plus puissante que tout mon arsenal au grand complet : la raison. Des mots, encore des mots et ma vision idéale du monde que je m’étais forgée s’est brisé en milliers de morceaux. Je n’aurais jamais cru que de simples mots, un souffle puisse tout détruire et me coller la réalité à la face. La justicière que je voulais être n’a été en réalité qu’une meurtrière sanguinaire qui a suscité la crainte et l’horreur plutôt que l’envie et l’admiration. Quel terrible constat qu’est ma vie !
« Tu crois que je n’ai pas détesté les dieux moi aussi, pour ce qu’ils m’ont fait ? Tu crois que je n’ai pas eu envie de leur faire payer ? Quand je me suis traînée à leurs pieds et que je les ai suppliés de m’aider, de me sortir de ma misère et qu’ils m’ont ri au nez… Quand ils m’ont dit que c’était tout ce que je méritais pour avoir désiré vivre comme une mortelle, ne penses-tu pas que je les haïs de tout mon être et que je me suis jurée de leur faire payer ? J’ai toutes les raisons pour leur en vouloir… Et pourtant… pourtant je ne cherche pas à les détruire... surtout pas en détruisant leurs enfants qui n’ont jamais rien demandé d’autre que de vivre paisiblement. Parce que c’est tellement plus grand que ça. Ce n’est pas seulement les dieux, c’est le monde qu’ils ont créé. Et c’est dans ce monde qu’on s’est rencontrées, Sora. Comment as-tu pu oublier ça ? »
Je sens que je me brise de l’intérieur, Ciel, je sens que je vais hurler de terreur. Je me terrifie tellement que j’ai envie de m’évanouir et me faire dessus. Je ne comprends pas comment j’ai pu commettre tant de massacres sans jamais me retourner. J’ai été un être doué d’une conscience bordel ! Comment ai-je pu oublier tout ce qu’elle m’a enseigné ?! Comment ai-je pu retourner ma veste comme si rien n’était ? Comment ai-je pu m’oublier tout simplement ?
Comment ma folie a commis un tel désastre ? Comment, moi, n’ai-je pas été capable de m’arrêter moi-même ? J’aurais pu détruire cette machine de guerre que j’étais dès le premier jour. J’aurais pu arrêter de tuer, d’arrêter de consommer cette matière grisante que sont les massacres pour mon bon plaisir, comme si cela n’était qu’une drogue comme une autre. J’aurais pu éviter tout cela, juste en étant simple consciente de ce que je faisais. Mais je n’ai rien fait. Je la regarde, elle n’est plus l’ombre que d’elle-même, et je suis à l’origine de toute sa souffrance. L’être que j’aime le plus au monde, je l’ai détruit au nom de mon égoïsme, je l’ai pulvérisée comme si ce n’était qu’un simple objet sans valeur, tout ça en lui mentant du début jusqu’à la fin, je l’ai fait souffrir encore et encore en connaissance de cause. Inconsciemment, j’ai voulu la détruire, la massacrer comme si finalement, ce n’était qu’une victime comme une autre. J’ai envie de vomir, de me vomir. De m’arracher les yeux, de m’étriper sur place. En hurlant que je ne suis qu’une pauvre idiote, et le mot est tellement faible. Je ne suis pas idiote, je suis dénuée d’intelligence, je ne suis qu’une machine qui a essayé de se rebeller contre ses créateurs et qui vient de se rendre compte qu’elle a juste fait pire qu’eux. Oui, je me suis comportée comme une machine, j’ai laissé les sentiments de côté, laissant ma rancune me brûler totalement. Je me redresse, j’hésite à faire un pas avant de renoncer, nous ne sommes séparées par quelques malheureux centimètres mais la distance entre nos âmes est si loin que j’ai la sensation d’être à des années lumières d’elle. Oui, un gouffre si profond s’est créé entre nous, un froid abyssal que je sens ma peau frissonner de dégout.
« J’ai cédé au désespoir. »
Après tout ce long discours, c’est la seule chose qui arrive à sortir de ma bouche, j’aurais dû sortir une longue tirade pour lui expliquer le pourquoi du comment mais rien d’autre ne sort. Une vérité absolue, j’ai eu si peur que j’ai sombré dans la folie la plus totale. Je relève la tête, et, sans que je me rende compte, des larmes coulent sur mes joues crasseuses, emportant avec elle la saleté. Je sens ma gorge se serrer comme jamais mais je dois faire face, je n’ai pu le droit de me défiler.
« Je me sentie seule, j’ai été incapable de faire taire les voix de mes amis morts, j’ai hurlé de nombreuses nuits. J’ai fait semblant d’être forte, comme un véritable héros de l’Olympe. Mais la seule chose que j’ai obtenu, c’est de sombrer dans la folie. J’ai sincèrement cru que je pouvais me dominer, j’ai sincèrement cru que je pouvais jouer les justicières. Je pensais qu’en rejoignant la Résistance, je pourrais faire en sorte que mes compagnons tombés pour l’Olympe ne seraient jamais oubliés. J’ai pensé que je pouvais subir ce fardeau seule. »
Je m’attrape le bras, si fort que mes ongles laissent une trace sanglante sur celui-ci, je tremble de rage, avant de me rendre compte que c’est de la peur. Toute celle que j’ai accumulé depuis une éternité et qui me tombe dessus, Ciel, que j’ai eu peur pendant tout ce temps ! Seule dans les Ténèbres, sans jamais apercevoir le moindre rayon de soleil, mais étrangement, maintenant, je me sens mieux. Ce sentiment qui me bloquait part, parce qu’enfin, je me montre sous ma forme la plus faible, mon innocence revient, et contrairement au monstre, elle assume ses actes, elle ne fuit pas, elle ne fuira pas. Finalement, il faut croire que le vrai héros dans mon corps, c’est la plus faible partie de ma bipolarité. Elle se sait faible, mais cela a aussi déclenché quelque chose, une rage de ne jamais céder, de toujours se battre pour ce qui est juste. Elle a été capable de me relever, là où le monstre n’a été que là pour me couler. Sa force ne tient sur rien.
« Je suis l’être le plus égoïste que ce monde ait porté. J’ai cru que je pourrais sauver le monde, alors que j’ai participé à sa destruction. J’aurais dû te voir, pleurer sur tes genoux, mais je me sentie assez grande pour m’assumer. Alors qu’en fait, j’ai juste tout détruit autour de moi. J’ai pensé que je serais forte. »
Je lâche mon bras pour serrer les poings, pourquoi est-ce que j’essaie de me justifier ? Cela ne fera rien pour apaiser la douleur qui nous frappe toutes les deux. Aucuns mots ne pourraient faire cesser la douleur qui anime le regard de Neven, et pourtant, j’essaie. Parce que j’espère que dans mon discours, se trouve une réponse pour ma rédemption, j’ai détruit ce que j’aimais, il est de mon devoir de le reconstruire.
« Une idiote … qui a oublié que c’est dans ce monde que j’ai vécu, dans ce monde que j’ai aimé et j’ai grandis. Alors, dans un retour à la réalité, j’ai décidé de sauver mon âme et d’assumer mes actes. Tu ne pourras jamais me pardonner pour la déception que je t’ai faite subir. Mais envers et contre tout, tu es la seule personne qui compte à mes yeux … alors … je trouverai un moyen pour le sauver, ce monde. Notre monde. »
Je n’ai jamais été forte pour les discours, j’ai toujours trouvé que c’était une perte de temps. Pourtant, je me sens vibrer d’une nouvelle aura, cette infime espoir de pouvoir retrouver la paix me donne envie de soulever des montagnes. Juste pour que de nouveau, après toute cette souffrance, je puisse l’appeler Maman de nouveau, et que de nouveau, je sois sa fille.