« Au moment où je m'énerve »

Ce ne fut pas encore à ce moment-là que Morigan regretta amèrement de s’être attaqué à cette Résistante, mais bien à l’instant d’après. Malheureusement pour le demi-dieu, ce n’était que le début. La suite, allait être beaucoup plus douloureuse que la simple décharge qui avait traversé l’intégralité de son petit corps lorsqu’elle l’avait pris par le poignet, l’envoyant par la même occasion valsé au sol … à nouveau. Si l’ex militaire pouvait qualifier sa bataille, cela se résumerait au fait de se prendre des coups et de manger le sol. Le sol, d’ailleurs, n’avait pas un goût terrible. Il était imprégné de la lourde pluie  et le sang des Alliés et des Résistants s’y était déjà infiltré. Quand on y pensait et quand on s’y attardait un peu plus, l’odeur qui régnait était à s’en retourner l’estomac. Mais le demi-dieu n’eu pas le temps de s’intéresser un peu plus à la terre que ses mains foulaient. Bientôt, le tonnerre gronda et un rideau d’éclairs s’abattit dans un large périmètre autour de lui. Morigan grimaça et s’insulta intérieurement de tous les noms d’oiseau qu’il connaissait. Sur l’intégralité des ennemis présents, le pauvre bougre s’était attaqué à ni plus ni moi que ce qui semblait être la fille de Zeus. Oui, une gamine de Zeus, ce bon vieux dieu, Seigneur du ciel et de toutes les autres divinités. Si ce gars vous avait dans le collimateur, en une grosse décharge c’était réglé. Quand il fallait prendre l’avion ou emprunter un autre transport aérien, mieux valait lui demander la permission pour fouler le sol (ou plutôt l’air) de son vaste Royaume. En bref, lui, Morigan O’Lear, simple enfant de Léthé, ancien militaire (quoique dans cet instant on aurait pu en douter), infirme et à moitié cinglé, faisait face à une Résistante dont le nom lui était inconnu, et la gamine du roi du Ciel. En gros, il était mal fichu. Le plus comique dans la situation, c’était que cette demi-déesse était aveugle ! La sentinelle s’était fait dominé par une mal voyante. C’était une première, et il espérait que ce soit bien la dernière.
L’instant suivant, il le regretta encore plus. Comme si l’ennemie n’était pas encore assez impressionnante et menaçante, elle fit claquer son fouet (bon sang, c’était vraiment une drôle d’arme …), et un éclair s’y abattit. Presque aussitôt, le fils de l’Oubli ressenti une vive douleur à la jambe avant d’être parcourut du bout des doigts de pieds jusqu’à la cime de ses cheveux, par une bonne dose d’électricité. Il eu la désagréable impression d’être paralysé pendant quelques secondes, de suffoquer. Le choc le contraint à nouveau à lui faire manger le sol (ô joie). Lorsque la plus grosse joute de sa vie finit de traverser son corps, il avait un désagréable picotement dans la nuque, l’impression qu’un piano s’était écrasé sur son dos, et qu’un tambour avait remplacé sa caboche pour y jouer à un rythme effréné. Jamais, ô grand jamais, il ne voulait revivre cette très très désagréable expérience

« Souviens toi que c'est moi qui t'ai mis dans cet état là., lui rétorqua la fille de Zeus. »

Morigan aurait voulu lui assener une remarque aussi cinglante que moqueuse … ou provocatrice. Oui, malheureusement c’était lui qui avait provoqué cela, il était le seul responsable de son malheur … enfin, il l’avait engendré, plutôt. A la place il grogna, se mettant difficilement sur le dos et se redressant légèrement pour admirer le spectacle qui s’offrait à ses yeux. Devant lui, se tenait l’aveugle, un drôle d’oiseau perché sur son épaule, déchaînant vents et éclair avec une puissance effrayante. Elle alla même jusqu’à  créer une tornade. Règle numéro une : se méfier des apparences, une aveugle n’est pas forcément innocente. Mais cette scène presque apocalyptique faisait, mine de rien, dégager une certaine beauté. Elle était terrifiante, certes, mais à couper le souffle. Pourtant, le fils de Léthé ne sut si c’était cette vision ou quelque chose d’autre, mais soudainement, il fut rempli d’un sentiment de terreur qu’il n’avait encore jamais ressenti. Cette peur pure lui retourna le ventre, et l’instant d’après, il n’était plus à la Colonie, mais sur le champ de bataille, l’arme au poing, suant à grosse goût à cause de la lourde chaleur. S’étendait autour de lui, une ville en ruine et de larges flaques de sang dont le vermillon familier jurait sur le sol de sable. Par respect, les corps avaient été mis sur le côté à l’abri, un drap blanc par-dessus. Même mort, l’ennemi s’acharnait à les rouer de balles, comme si ils n’avaient pas assez de plomb dans le corps. Parmi eux, il y avait des militaires, mais aussi des civiles, parfois même des vieux et des gosses qui n’avaient pas demandé à subir cela. Morigan n’avait pas imaginé une telle horreur lorsqu’il s’était engagé. A son âge, on se croyait au-dessus de tout, increvable, invincible … au final, il avait vu bon nombre de camarade s’écrouler sous les tirs, et il avait peur comme jamais. C’était bête, il savait que la guerre n’était pas un jeu, mais quand même, il avait peur de mourir. La nuit, il dormait peu, enfin, quand il pouvait dormir. Le moindre bruit le faisait sursauter. Parfois, il avait l’impression de vivre des scènes d’une réalité bluffante, comme un souvenir soudain, alors qu’il n’avait lui-même jamais vécu cela. Bah, il fallait dire que des trucs bizarres lui arrivaient aussi certains temps. La dernière fois, il avait réussi à convaincre sans savoir comment que l’un de ses camarades ne l’avait pas vu tricher aux cartes (quand les autres trichent, ce n’est plus vraiment de la triche !). Mine de rien, il savait que quelque chose qu’il ne comprenait pas se produisait, et cela aussi lui faisait peur. Tout cela mélangé, il était terrifié.

« On ne cherche pas la merde à un Skywalker. »

Aussitôt arrivée, aussitôt partie. Cette petite vague de peur l’avait quitté lorsque les mots de la fille de Zeus lui étaient parvenus aux oreilles. Elle se tenait devant lui le rictus aux lèvres, bien que à croupi, elle le dominant de toute sa grandeur, alors que lui était au sol, impuissant. Son épée était on ne sait où, il mangeait la terre depuis le début du combat, offrant certainement un mauvais spectacle. La Résistante semblait attendre quelque chose de sa part. Manque de bol, Morigan n’avait aucune arme cachée dans sa chausse (à y repenser, il ne voyait pas vraiment comment glisser une petite dague dans sa bottine de cuir de façon confortable …). Sa tête lui faisait affreusement mal, si bien qu’il grimaça. Le bruit des coups d’épées qui annonçaient que la bataille était rude, lui faisait encore plus mal qu’autre chose. Sans parler de l’odeur de la fumée des nombreux incendies qui lui piquait le nez … rajoutez à cela cette odeur de poil de cochon grillé qui indiquait clairement que le demi-dieu avait dû laisser une partie de son patrimoine capillaire à cause de ce trop-plein d’électricité qu’il avait reçu.
Intérieurement, le fils de l’Oublie se dit qu’il se trouvait dans la pire position qu’il n’avait encore rencontrée. Il avait beau retourner le problème dans sa tête, il ne voyait pas comment il pouvait battre ladite Skywalker dont il avait hâte de connaître le prénom. A moins qu’il ne cherche plutôt à s’enfuir que de combattre. Son atout à lui, ce n’était pas qu’il pouvait faire jaillir des éclairs à sa guise, ou encore faire courir sur la Colonie une tornade ou un vent puissant. Non. Lui pouvait tisser des souvenirs à partir du vécu des personnes, ou encore leur enlever … et même leur donner son trop plein de souvenirs, ceux qui créaient ses réminiscences ou donner les siens.
Morigan eu un sourire carnassier. Il savait pertinemment ce qu’il allait faire, et si d’un œil extérieur cela aurait pu paraître lâche de détourner l’attention d’une telle façon pour s’enfuir, il s’en fichait complètement. L’instinct de survie, mesdames et messieurs ! Ainsi, il pourrait trouver d’une façon ou d’une autre un carré d’ambroisie ou un peu de nectar, un truc spécial demi-dieu qui lui permettrait de mettre une réelle raclée à ceux qui se permettaient d’attaquer sa famille, et enfin ne plus manger le sol.  Si la Résistante le croyait sans défense, inoffensif, s’exposant ainsi à lui sans craindre quoi que ce soit, elle ne s’attendait certainement pas à ce que sa victime ait une botte secrète qui ne fut encore pas tellement exploitée Ainsi donc, plus rapide que l’éclair (sans mauvais jeu de mots), il la saisit par le mollet où Jake l’avait précédemment touché avec son arme Avec un sadisme qui ne lui ressemblait pas mais dont les circonstances lui permettaient, il appuya sa prise d’abord imprécis puis plus insistant sur sa blessure. Il ne fut fière de lui que quand il sentit le liquide chaud lui dégouliner le long du bras, mais ce ne fut pas pour autant qu’il décida de lâcher. Sans attendre, Morigan alla cherche dans ses propres souvenirs. Il lui fallait quelque chose pour l’assommer. Quoi de mieux, donc, que de lui refiler l’un des souvenirs de son père ? Pourquoi pas, donc, l’un de ceux où il était ivre ? Oh, que la populace ne soit pas crédible ! Ce n’est pas parce que l’on boit à s’en rendre malade pendant un bon bout de temps, et que l’on semble avoir par la suite tout oublié, que c’est la cas. Le cerveau enregistre tout. Le père de Morigan lui avait répété bien souvent, en grand expert dans ce domaine. Les souvenirs sont mis de côté, jamais oublié, c’est impossible. Le fils de Léthé transmit à la fille de Zeus l’une des nombreuses fois où son paternel ruminait sur sa vie, sur son sort, un verre de whisky à la main et presque l’intégralité de la bouteille dans son estomac meurtri par les litres d’alcool ingérés. Il était complètement ivre, ne savait ni où il se trouvait, ni quand ou encore qui vraiment il était. Ce souvenir était flou, mais tout ce qu’il voyait était le verre avec son précieux liquide. Il était évasif, désorienté. Sa gorge lui brûlait et son ventre se retournait déjà dans tous les sens, menaçant de recracher son contenu. Le pire de tout était que l’alcool avait pris le contrôle sur lui, si bien qu’il se retrouvait à moitié conscient dans son corps, comme prisonnier. Son corps ne répondait plus à son contrôle, et il avait la désagréable sensation de rencontrer un mur de béton à chaque fois qu’il voulait ‘donner un ordre’. Devant lui, le comptoir en bois du bar dansait désagréablement devant ses yeux. On aurait dit qu’il reposait sur une mer déchaînée.

Morigan retira sa main, rompant le contacte. Il retint son souffle, espérant que son petit tour de passe-passe avait marché. Il n’avait jamais testé cela sur une personne aveugle et doutait soudainement de l’efficacité de l’illusion. Lorsqu’il avait pénétré dans l’esprit de la Résistante, il n’avait vu aucune image, juste des sons, des sentiments, des ressentis … enfin, rien d’aussi clair que l’on pouvait trouver chez les autres dits plus normaux. Il était possible qu’elle ne soit pas sous l’influence du souvenir pendant longtemps, qu’elle le rompe à la simple pensé qu’il n’était absolument pas normal qu’elle voit défiler des images dans sa tête …Enfin, le fils de Léthé espérait franchement qu’elle reste dans le même état que son père pendant un bon moment.
La sentinelle se releva difficilement, grimaçant. Son corps lui faisait mal, rempli de courbatures comme jamais. Il avait l’impression qu’on lui avait roulé dessus, ou qu’il avait soudainement repris le sport après une éternité d’abstention. Mais s’il voulait sortir de là aussi rapidement que possible, il devait faire vite. Tout grognant, il jeta rapidement un coup d’œil au alentours, cherchant son épée. Rien à faire, quelqu’un avait dû la prendre par manque d’arme, ou l’avait envoyé plus loin. Dommage, Morigan en aurait eu bien besoin, histoire de paraître plus menaçant qu’il ne l’était dans ce méli mélo de combattants aussi dangereux les uns que les autres. Enfin bon. Clopin clopan, il zigzaga entre Alliés et Résistants, profitant même d’un ennemis à portée de main pour effacer les arguments pour lesquels il se battait contre les siens, arguments qu’il emmagasina par la même occasion. Il était question des dieux … enfin, le fils de Léthé n’eu pas le temps de s’y attarder de trop, il confirait les informations plus tard quand toute cette boucherie s’achèvera. Sa tâche principale désormais, c’était de sortir de là, et vu l’allure lente à laquelle il avançait, il n’allait certainement pas s’en aller rapidement. Pourtant, il le valait mieux s’il voulait échapper à la fille de Zeus.